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Une courte nouvelle politique et sa chute brutale et imprévue

Pourquoi ? Parce que.

Vu et entendu par Hernando Calvo Ospina à Maracaibo, principal port pétrolier du Venezuela. C’est l’une des 39 histoires que contient son dernier livre *. Ce court récit, qui caractérise intemporellement l’état d’esprit de la classe moyenne émergente au Venezuela, peut apporter un éclairage sur l’actualité. Avec l’autorisation de l’auteur et de l’éditeur nous le reproduisons ici.

*No Fly List et autres contes exotiques.

Je crois bien que si l’air conditionné continue à refroidir l’atmosphère, il neigera bientôt à l’intérieur de cette cafétéria. C’est le grand contraste quand on passe la porte, car le soleil mêlé à l’odeur de combustible fait de cette ville pétrolière un brasier de goudron. Je suis à Maracaibo, ville vénézuélienne située près de la Colombie.
Tout en dégustant un délicieux jus de fruits naturel bien épais, je bavarde avec un jeune homme de 30 ans. On en vient à parler logement et voici ce que j’en ai retenu :
- Comment avez-vous obtenu votre maison dans ce lotissement ?
- C’est le président Chavez qui nous l’a remise.
- Elle vous coûte cher ?
- Nous la payons à crédit, mais c’est presque un cadeau car on ne paye pas beaucoup.
- Où viviez-vous auparavant ?
- Dans un quartier très laid !
- Le taxi que conduit ton père, comment l’a-t-il obtenu ? Vous êtes-vous endettés auprès de la banque ?
- Non Monsieur, on nous a accordé un prêt spécial.
- Qui donc ?
- Le gouvernement du président Chavez. On m’a fait aussi un prêt pour la voiture que vous voyez dehors.
- Mais quand on vous a fait crédit pour le taxi, c’est-à-dire presque en même temps que l’achat de la maison, vous n’aviez pas de quoi donner de garantie de paiement.
- Non monsieur, mais pour ces deux crédits, nous avons seulement rempli quelques formulaires, avec une promesse de paiement.
- Il n’y a pas longtemps que tu as terminé tes études universitaires. Maintenant, tu es ingénieur. Pourquoi as-tu commencé tes études si tard ?
- Avant, nous n’avions pas de quoi payer l’université. Les écoles d’ingénieurs étaient parmi les plus chères, seuls les riches pouvaient se les payer. Maintenant, c’est gratuit.
- Que font ta sœur et ton frère ?
- Ils sont à l’université.
- C’est presque un miracle que vous puissiez maintenant aller à l’université quasi gratuitement, alors que quelques années en arrière vous étiez les laissés-pour-compte de ce pays ?
- Oui monsieur, exactement.
- Maintenant, quelque chose a changé, tu ne te sens plus pauvre ?
- Non monsieur, maintenant nous appartenons à la classe moyenne. Et je veux continuer à monter. Avec mes études et mon travail, j’y arriverai sûrement.
- Où travailles-tu ?
- Ici, dans l’industrie pétrolière, avec l’État.
- Et après toutes ces choses positives que tu m’as racontées, pourquoi as-tu voté contre le président Maduro s’il veut œuvrer pour la continuité de la Révolution bolivarienne du président Chávez ?
- Parce que ça me dérange que Maduro parle autant à la radio et à la télévision. Chavez me fatiguait déjà pour la même chose. Mais en vérité, c’est parce que je veux qu’il y ait d’autres politiciens au gouvernement qui ne soient pas chavistes, car ils seront peut-être meilleurs. Ils disent que Maduro est en train d’en finir avec la classe moyenne à cause de la révolution socialiste. Qu’il veut continuer à imposer le communisme cubain pour tout nous enlever.
Et je les crois : il n’y a déjà plus de papier hygiénique dans les magasins. C’est grave !

Hernando CALVO OSPINA

* No Fly List et autres contes exotiques. éd. Bruno Leprince. Paris, décembre 2018. 10 euros.

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