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"Tourisme social" peut aussi s’appliquer aux riches de l’UE qui vont s’établir en Belgique, à Monaco, à Malte, au Liechtenstein, en Autriche...

Pujadas et le "tourisme social"

Au journal télévisé de 20 h de France 2 du 11 novembre 2004, un sujet était consacré au "tourisme social". De quoi s’agissait-il ? David Pujadas, l’air visiblement réjoui, nous l’a expliqué :

"L’économie, et cette offensive de la Cour de justice européenne pour limiter ce qu’on appelle le "tourisme social". De quoi s’agit-il ? De ces citoyens de l’Union, qui s’installeraient dans les pays les plus riches dans le but de bénéficier de l’aide sociale. Eh bien les juges du Luxembourg ont statué. Les Etats auront plus de liberté pour la refuser.

Philippe Boisserie :

"C’est un bémol de taille dans le principe de la libre circulation des citoyens au sein de l’Europe. La Cour de Justice européenne a décidé que les personnes qui quitteront un pays européen pour un autre dans le seul but de bénéficier de prestations sociales ne pourront plus se prévaloir de ce droit. Un pays pourrait donc refuser de verser des aides sociales s’il considère que le demandeur ne cherche pas à s’intégrer dans le pays, n’y travaille pas, ou ne dispose pas de ressources suffisantes"...

[Et, ici, pour bien faire voir à qui on pense, la caméra nous offre un plan moyen d’une famille marchant, de face, sur un trottoir : au premier plan, un grand garçon, de 18/20 ans, tenant par la main une fillette de 7/8 ans, et, derrière eux, un couple (parents d’une bonne trentaine, avec une poussette, mais l’air bien basané que l’on prête aux Roms ou aux ressortissants pauvres des Balkans)].

"...Une décision qui répond aux poussées europhobes des dernières élections européennes, notamment au Royaume-Uni, d’ailleurs le Premier ministre David Cameron a aussitôt réagi :

[Nouveau plan de la caméra sur une rue de Londres avec des bus rouges à impériale et vue sur un tract de l’UKIP, parti europhobe d’extrême droite britannique.]

"David Cameron : "C’est une décision bienvenue, qui va dans la bonne direction car le droit d’aller travailler dans un autre pays de l’Union ne doit pas être sans contrepartie. Il doit y avoir des règles, pour limiter les prestations sociales, c’est une bonne nouvelle].

Retour à Philippe Boisserie : "Ce soir, les principaux partis europhobes ou d’extrême droite européens se félicitent de cette décision mais également l’Allemagne, qui fait face à sa plus grosse vague d’immigration depuis les années 90".

Retour à David Pujadas : "Et on va un peu plus loin avec vous, François Beaudonnet. Bonsoir. Est-ce que cela signifie que les Etats pourront interdire ce tourisme social, et sur quels critères ?"

François Beaudonnet [en direct de Bruxelles] : "Oui, alors, David, les Etats pouvaient déjà le faire mais cet arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne renforce leur position, ce qui veut dire que la France pourrait à l’avenir décider par exemple de refuser de verser les allocations familiales ou le RSA à des citoyens européens qui sont sur son sol s’ils ne sont pas venus pour trouver du travail, s’ils n’ont
aucune chance d’en trouver et s’ils n’ont pas de ressources suffisantes. Alors bien sûr, il faudra quand même étudier chaque cas, individuellement, il n’est pas question de cibler des nationalités ou des communautés et on va maintenant voir ce que chaque capitale va décider mais depuis la crise économique on sait déjà que ce débat sur le tourisme social agite fortement l’Allemagne et le Royaume-Uni, on l’a dit, mais aussi la Belgique ou l’Italie".

David Pujadas : "Merci, François".

Remarque 1. L’expression "tourisme social" est particulièrement choquante en ce que le mot "tourisme" véhicule avec lui une connotation de liberté, d’insouciance, de bien-être. Alors que ceux qui sont visés par l’arrêt de la Cour de Justice sont, au contraire, de pauvres gens, au chômage ou dans la misère dans leur pays, et souvent en butte à des persécutions chez eux. [Parce que, sans le dire, ceux qui sont visés sont bien toutes les populations minoritaires des Balkans ou des anciens pays de l’Est, par exemple les Roms de Hongrie, à qui le gouvernement d’extrême droite du pays fait toutes les misères possibles]. Et ces pauvres gens n’ont d’autres ressources que les secours des Etats riches...

Remarque 2. On sent qu’il ne faudrait pas trop insister pour que l’expression "tourisme social" s’applique aussi aux migrants somaliens, érythréens, syriens, kényans, qui traversent la Méditerranée dans des bateaux surchargés et sombrent au large de Lampedusa. Et que si la Cour de Justice autorise à ne pas prendre de gants avec des citoyens de l’Union, on va encore moins se gêner avec de vulgaires Africains...

Remarque 3. Le mot "liberté" dans la phrase "Les Etats auront plus de liberté pour la refuser" est également choquant en ce qu’il renverse la réalité des situations psychologiques. Tout se passe en effet comme si les pauvres Etats européens étaient brimés par de méchantes lois, déclarations de droits humains, qui les empêchent de virer les immigrés à grands coups de pompe dans le bas du dos...

Remarque 4. L’évocation des migrants "qui n’ont aucune chance de trouver du travail ou qui n’ont pas de ressources suffisantes" est hypocrite en ce que c’est déjà la situation des intéressés chez eux ! Ils n’ont déjà pas de travail (on le leur refuse souvent ou on leur donne les plus répugnants, les plus mal payés). Comment en trouveraient-ils en France, sans instruction, sans connaissance de la langue, sans appuis ou relations ? Et d’où tireraient-ils des ressources suffisantes ?

Remarque 5. L’expression "On ne cible pas une communauté" pue aussi l’hypocrisie. Car, de même qu’en français, immigré ne signifie jamais Suédois, Canadien ou Suisse, mais Marocain, Malien ou Tchadien, tout le monde sait bien que "communauté" signifie Roms, puisque c’est la "communauté" à laquelle tout le monde pense. Il aurait été plus franc que le Parlement européen vote une loi stipulant : "Les Roms qui se feront pincer en Europe occidentale seront expulsés séance tenante".

Remarque 6. L’évocation des migrants qu’on va expulser parce qu’ils n’ont pas de ressources est une espèce d’incitation déguisée au trafic, à la délinquance et au banditisme. En effet, si les intéressés n’ont aucune chance de trouver du travail (si on ne trouve pas du travail à des salariés français dont les usines ferment les unes après les autres, comment en trouverait-on à des Roms sans formation et qui ne parlent pas un mot de français ?), que leur reste-t-il d’autre que de voler (des voitures ou des maisons), de dealer ou de se prostituer ? Comme si les institutions européennes leur disaient : "Ne comptez plus qu’on vous donne un seul centime, mais on ne veut pas savoir de quelle manière vous subsisterez..."

Remarque 7. etc., ou aux PDG des multinationales qui domicilient leur entreprise au Luxembourg ou à Jersey, où ils ne payent rien comme impôts, et qui font perdre des centaines de milliards de recettes fiscales aux Etats où ils travaillent et dont ils tirent leurs bénéfices...

L’expression “ tourisme social ” est désormais totalement banale. Voir ici son utilisation par la BBC [LGS].

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COMMENTAIRES  

14/11/2014 13:10 par Palamède Singouin

Il paraît que le tourisme social en France est une spécialité des British : certains rentiers, très confortablement installés, iraient même jusqu’à demander à bénéficier du RSA.....

14/11/2014 16:54 par franck Milo

David Puejudas.

14/11/2014 18:04 par Bernard Gensane

A Pamède : sans parler des Britanniques qui, jusqu’à il y a peu, passaient leur retraite en France pour bénéficier de bons soins médicaux gratuits.
J’ai un couple d’amis anglais en Dordogne. Elle a travaillé toute sa vie hors de GB et elle n’a quasiment pas de retraite (elle était secrétaire). Lui a travaillé vingt ans en contrat local à l’étranger et dix ans au titre du British Council. Avec leurs 600 livres annuelles de retraite, ils ont pris leur retraite en France, en partant avec une pelote substantielle mais pas éternelle grâce à la vente de leur maison dans le Surrey. Leurs deux enfants les ont aidés jusqu’au jour où ils se sont retrouvés l’un au chômage, l’autre à mi-temps. Ils ont fini par demander le RSA. Ils ont 75 ans.

15/11/2014 00:53 par Byblos

À quand un sujet de David Pujadas consacré au tourisme financier et/ou fiscal ?

15/11/2014 05:13 par Bonjour

Exact. le "benefit tourism" fait partie des 8 réformes explicitement exigées par Cameron, comme annoncé depuis au moins un an déjà.

Selon lui, L’europe "doit changer". Cameron veut la "réformer" :

Les 8 "red lines" ou "réformes" que Cameron attend de Bruxelles :

1) Obtenir que l’ "union toujours plus étroite" consacrée dans les traités UE ne s’applique pas au RU
2) Fin du ’tourisme lié à la recherche d’avantages sociaux’ qui bénéficierait aux migrants UE venus au RU non pas pour travailler mais pour profiter de l’état providence
3) Davantage de pouvoirs aux gouvernements nationaux, moins de pouvoirs à Bruxelles
4) Des pouvoirs à des ’groupes’ d’états pour rejeter la législation UE non souhaitée
5) Nouveaux contrôles sur l’immigration provenant des nouveaux Etats-membres adhérant à l’UE
6) Fin de l’ ’interférence non nécessaire’ de la Convention européenne sur les Droits de l’homme"
7) Moins de réglementation et fin de l’ ’interférence excessive’ de l’UE dans la gestion des entreprises.

Le populisme et l’arrogance n’ont pas de limite, sachant que les privatisations et la déréglementation - des millions de chômeurs suite aux délocalisations - comme exigé et obtenu par l’Angleterre ont joué un rôle capital dans la crise européenne.

15/11/2014 06:42 par Frédéric Maurin

Appel à candidature : Les chroniques du mensonge sont à écrire.

Quelle vision du monde ce résidu du service public nous offre-t’elle ? Il s’agirait de démonter chaque soir, sur un an, un mois, 6 mois...le JT de France 2.

Vu le 13/11, il s’agissait de raisonner sur le contrat de travail unique, dont la France, aux travailleurs pas assez flexibles, aurait besoin.
Exemple anglais mis à contribution, le CDI y est très peu protecteur -> donc faible chômage et forte croissance. Corrélation, causalité ? Et si c’était parce que les britanniques était hors zone euro ?

J’ai quelques éléments épars. Si on les rassemblait ?

http://rupturetranquille.over-blog.com/article-devaluer-ou-degrader-114792987.html

http://rupturetranquille.over-blog.com/2013/10/contrecarrer-la-guerre-id%C3%A9ologique.html

15/11/2014 10:59 par Doctorix

Pujadas, c’est pas ce type qui s’est écrié "Waouhhh !, Géniaaaal !!" d’un air réjoui en voyant la première tour du WTC s’effondrer, faisant 3000 morts ?
http://muzikkitabi.com/Video/VIDEOID0mZBolqKTPA/David-Pujadas-le-11-Septembre-2001---Wouah--G%C3%A9nial----Les-hyenes-du-PAF-
Le temps ne fait rien à l’affaire, comme disait Georges...

16/11/2014 07:58 par Calame Julia

Tourisme social ? avec la libre circulation des personnes et des biens !

Pauvres de nous. Cela a toujours existé mais ne s’appelait pas tourisme social. Plutôt tourisme de main-d’oeuvre
quand les employeurs se mouillaient pour faire obtenir des papiers aux personnes embauchées par eux avant
l’échéance de trois mois sur le territoire... Si avec la libre circulation des personnes et des biens nous en
sommes à l’avant tourisme de main-d’oeuvre...
La nouveauté étant donc le mot social. Vu le montant de certaines retraites et la coupe sur les allocations familiales
c’est bien les plus mal lotis qui paieraient pour le dit tourisme social... La solidarité chez eux existe déjà et on se
demande où se trouve la finalité de telles annonces !

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