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Réflexion philosophique : comprendre de quoi nous parlons !

La philosophie, recherche de la vérité, des principes et des fins de toutes choses ; activité critique de l’esprit fondée sur l’exercice de la raison naturelle, qui s’attache à dégager les fondements de la connaissance, les conditions de l’action et le sens de l’existence humaine, s’attache à comprendre tout ce qui concerne l’existence humaine.

De nos jours, il semble que la philosophie est un domaine complexe, hermétique et surtout qui n’a plus la place qu’il mérite dans la société. C’est un paradoxe, d’une part nous avons atteint un niveau de connaissance qui dépasse de très loin ce qu’auraient pu imaginer les philosophes, ne serait-ce que du siècle dernier, d’autre part il apparait que la philosophie n’a pas réussi à intégrer ce savoir. Pourtant, c’est au travers de ces connaissances que nous pouvons trouver la façon de gérer nos vies et nos sociétés.

La science n’apporte rien d’autre que des outils

Initialement, les philosophes étaient des scientifiques. A l’époque d’Aristote, il était possible de maîtriser la science tout en étant philosophe. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, il n’est plus possible de maîtriser La Science sans se spécialiser. Il est possible d’être scientifique et philosophe, mais il n’est plus possible de tout connaître. C’est une chance pour la philosophie puisque cela devrait nous contraindre à réfléchir autrement. Pourtant, il semble que nous n’ayons pas encore digéré la multitude de progrès technologiques qui nous submergent. A priori, nous pourrions croire que nous sommes heureux et que nous avons atteint ce que recherchaient les philosophes du passé, mais cela est relatif et égoïste. Nous ne pouvons déterminer si l’intelligence de notre téléphone nous rend plus heureux et nous pourrions penser que d’abréger la vie d’innocents avec des bombes sophistiquées est un progrès tout discutable. Aristote qui pouvait passer son temps à vivre, à réfléchir et à discuter sans se poser la question de savoir ce qu’il allait regarder à la télévision le soir et sans s’énerver dans les bouchons au volant de sa voiture, n’était-il pas plus heureux que nous ?

Par ailleurs, le progrès scientifique est une illusion. En réalité, ce sont relativement peu de découvertes scientifiques qui ont changé le monde qui nous entoure. Nous ne sommes pas cernés par la science, par un monde maîtrisé où tout peut se calculer, nous sommes cernés par les outils toujours plus sophistiqués que nous sommes capables de construire de plus en plus rapidement. La différence entre aujourd’hui et hier est bien moins la science que les outils qui en sont issus et dont nous ne savons plus nous passer. Un outil reste un outil, si un arc pouvait rendre de grands services à nos lointains ancêtres, il n’a guère permis de répondre aux questions purement humaines qu’ils pouvaient se poser. Qu’il s’agisse d’un téléphone intelligent, d’un médicament, d’un avion ou d’une moissonneuse batteuse, il en va de même aujourd’hui. Si le monde qui nous entoure est très différent, nous n’avons finalement répondu à aucune des questions qui nous préoccupent.

Nous pouvons comprendre que nous vivons dans l’incertain

Pourtant, c’est bien la science qui peut nous permettre de changer notre manière d’appréhender la philosophie. Ce ne sont pas les découvertes qui sont importantes, mais ce qu’elles impliquent. Aujourd’hui nous avons des certitudes, comme par exemple qu’il est possible d’aller sur la lune. Et surtout, nous pouvons déterminer une limite entre ce que sont ces certitudes et le reste, ce dont nous ne sommes pas certains, que nous ne pouvons pas vérifier, nos croyances. Nous pouvons ainsi comprendre que n’étant pas un outil maîtrisé par la science, notre vie, nos sociétés ne sont pas basées sur des certitudes mais sur des croyances.

En définissant une limite, même imparfaite entre certitudes et incertitudes, nous pouvons définir à quoi peut ou doit servir la philosophie. Elle peut nous servir à apprendre à gérer l’incertitude et à déterminer sa limite avec le certain. Par exemple, prenons la question Dieu existe-il ? Aujourd’hui, nous pouvons dire que cette question n’a pas de réponse scientifique et qu’il est probable qu’elle n’en aura jamais. C’est une croyance, ce n’est pas le rôle de la philosophie d’inventer des réponses sans fondement. Pourtant Dieu est encore aujourd’hui une croyance importante dans notre société, nous ne pouvons donc pas l’ignorer. Les questions auxquelles nous devons répondre sont de savoir quels sont pour nous les avantages et les inconvénients de croire en Dieu ou en d’autres choses, comme le libéralisme, le capitalisme, le communisme... Il est également important de définir les limites entre le certain et l’incertain, comme par exemple la limite humaine des modèles économiques qui régissent nos sociétés et notre vie.

La science ou plutôt l’accumulation à l’infini des connaissances nous amène à une autre constatation. Nous ne pouvons pas tout savoir comme c’était le cas pour nos lointains ancêtres. La question de savoir d’où vient la connaissance ne peut plus se poser de la même façon, la connaissance n’est pas innée et ce que nous ne connaissons pas, nous n’en avons pas conscience. Lorsque nous relions que nous vivons dans l’incertain et que nous ne connaissons que ce que nous avons appris, il est aisé de comprendre que nous vivons dans un monde de croyances et que nous n’en avons pas conscience. Cela devrait être à mon avis la base de la philosophie, étudier les écrits d’un philosophe c’est d’abord analyser ses croyances, rédiger un traité philosophique aujourd’hui n’a de sens que si nous sommes capables de prendre conscience de nos croyances et de celles qui fondent nos sociétés.

Ce qui est important, c’est ce que nous ne connaissons pas

Le fait de devoir admettre qu’un individu lambda ne peut pas tout savoir est sans doute frustrant mais c’est également une chance que nous ne devons pas laisser passer. Cela nous montre que quelqu’un peut savoir des choses que nous ne connaissons pas. Quand cette personne nous parle de ces choses, nous ne pouvons pas les connaître car nous ne les avons pas apprises, donc nous ne pouvons pas comprendre de quoi elle nous parle. Or, il est aisé d’extrapoler que ces choses qu’elle connait et que nous ne connaissons pas ne sont pas nécessairement des certitudes, il peut aussi s’agir de choses incertaines, de ses propres croyances. Nous ne pouvons déterminer si ce qu’elle nous dit est plus à-propos que ce que nous connaissons. Nous devons faire abstraction du fait qu’il nous est difficile d’aimer ce que nous ne connaissons pas ou d’admettre que nous ne connaissons pas des choses que nous ignorions auparavant.

Non seulement nous devons ainsi admettre que nous ne savons pas tout, mais également que nous n’avons pas conscience de ce que nous ne connaissons pas et bien pire, que ce que nous ne connaissons pas est peut-être plus intéressant pour nous que ce que nous connaissons. Nous devons donc devenir humbles... ce qui signifie par exemple que nous devons cesser de financer des guerres que nous justifions par nos propres croyances puisque cela risque de détruire des croyances plus utiles que les nôtres. Cela signifie aussi que nous devons remettre en question des croyances sociétales lorsqu’indubitablement elles sont destructrices, comme la croyance en la croissance économique.

Les outils qui nous entourent ou plutôt qui vont nous entourer dans le futur, nous amènent à un dernier questionnement qui concerne l’intelligence. De nos jours, nous sommes capables de construire des robots suffisamment intelligents pour que nous puissions confronter notre intelligence à la leur. Nous pouvons ainsi tenter de comprendre ce que nous appelons l’intelligence. Nous constatons qu’un robot intelligent n’a pas un centre d’intelligence et que son comportement intelligent n’est finalement que le fruit d’un apprentissage plus ou moins au hasard. Ainsi, ce que nous appelons son intelligence n’est que le résultat d’un comportement que nous pouvons observer. Nous n’avons aucune certitude qu’il n’en va pas de même pour nous.

Ce qui en découle c’est que lorsque nous parlons du comment nous pouvons parler de choses certaines, comme par exemple, il a rencontré un obstacle et il a réussi à l’éviter, alors que lorsque nous parlons du pourquoi, pour ce qui concerne l’être humain, nous sommes généralement dans l’incertain. Mais surtout, en nous intéressant uniquement au comment, nous ne pouvons dissocier la connaissance de l’expérience. La conséquence est primordiale, prenons un exemple simple, nous sommes nés dans un environnement donné, par exemple une société que nous disons démocratique, nous ne pouvons la comparer à rien d’autre puisque nous n’avons rien expérimenté d’autre... Nous ne savons donc pas changer puisque nous ne savons pas que nous avons d’autres alternatives. Par ailleurs, nous aurions des difficultés à changer puisque cela implique de changer nos comportements. Pour nous adapter nous devons donc aller vers l’inconnu, ce que nous ne connaissons pas, et le tester. Nous devons prendre des risques.

Nous devons apprendre à comprendre de quoi nous parlons

En faisant un bilan réaliste de nos modes de vie qui nous amènent au mieux à la pénurie au pire à des catastrophes écologiques ou humaines, nous devrions comprendre que nous nous dirigeons vers une impasse. Mais nous ne savons comment réagir car nous ne comprenons pas que ce qui régit nos sociétés ce sont des croyances que nous prenons pour des certitudes parce que nous n’imaginons pas que nous pourrions vivre autrement.

Comme nous l’a montré Wittgenstein, le langage nous permet de dire tout et n’importe quoi. L’important n’est pas tant de parler pour dire des choses sensées mais bien de comprendre de quoi nous parlons [1]. Or, nous parlons beaucoup de nos incertitudes, nous prenons principalement des décisions dont les résultats sont incertains. Le langage doit nous permettre de distinguer de quoi nous parlons et d’en déduire nos croyances. La clé de l’adaptation aux changements, donc de l’intelligence, est de prendre conscience de ses croyances afin d’évaluer leur efficacité à un instant donné et d’en changer lorsqu’elles deviennent inefficaces ou néfastes. C’est sur ces analyses que les philosophes pourraient travailler, encore faut-il qu’ils prennent conscience des croyances de nos sociétés.

Hervé BOURGOIS

[1] Ouvrage de l’auteur : De quoi parlons-nous ?

»» http://phylogenese.blogspot.fr/
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