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Sarkozy, fossoyeur de l’identité nationale

dessin : http://trouden.blogspot.com/

Faut-il que la gauche soit au fond du gouffre idéologique pour qu’elle fuie à ce point le débat sur l’identité nationale ! Même si l’initiative du gouvernement est avant tout une grossière manoeuvre médiatique pour détourner l’attention de la crise, elle constitue une excellente opportunité de clarifier des notions clés et de faire véritablement de la politique.

Depuis des années, le Parti socialiste mène campagne en expliquant que l’Etat ne peut pas grand chose. Impossible, d’après lui, de refuser les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui imposent le productivisme, le libre-échange et la concurrence entre les peuples. Impossible d’aller contre l’Union européenne, qui pratique au quotidien un libéralisme débridé. Impossible de remettre en cause les fondements du capitalisme que sont la logique d’accumulation et la privatisation des moyens de production, de transport et de communication.

Dans le même temps, Nicolas Sarkozy mène campagne en donnant l’impression que l’Etat peut. Brider les libertés individuelles, affréter des charters, développer des politiques répressives... Autant de (très) mauvaises réponses à une inquiétude légitime de la population : une régression sans précédent de l’Etat, de l’idée même de nation et un transfert accru des pouvoirs aux grandes puissances économiques masqué sous le terme avenant de « mondialisation ». Des réponses qui expliquent au moins en partie sa victoire de 2007.

Pourtant, difficile de concevoir une politique économique et une diplomatie plus anti-nationale que celles de l’actuel président et de ses amis. Ils ont privatisé ou privatisent à tour de bras des entreprises innovantes (France-Télécom, Total, GDF...) et les structures bancaires (Crédit Lyonnais, BNP, Société Générale...). Ils cassent avec application les services publics : le système de santé pour faire le bonheur d’assureurs comme AXA ou La Poste pour améliorer les profits d’UPS... Avec l’euro, ils ont renoncé à toute politique monétaire nationale pour la déléguer à la Banque centrale européenne qui n’obéit qu’aux lois du capitalisme néolibéral. Ils ont cassé l’image d’indépendance de la diplomatie française avec le désastreux discours de Dakar ou avec l’insertion de l’armée française dans l’OTAN. Ils découragent les travailleurs vis-à -vis de leurs métiers et de leurs organisations productives, public et privé confondus, par des méthodes de management brutales. Enfin, ils pratiquent la forfaiture en approuvant le Traité de Lisbonne après le non au référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen, ce qui signe purement et simplement la fin de la démocratie en France.

Et après tout cela, voici donc le « grand débat sur l’identité nationale » ! Une imposture doublée d’une vision étriquée de la nation limitée aux symboles (hymne, drapeau...) qui, comme le dit très justement Laurent Dauré, ravale le citoyen au rang de supporter de football1. Il ne reste plus qu’à stigmatiser l’immigré qui s’intègre mal et à louer celui qui s’intègre bien grâce au nouveau concept de « diversité » qui vient, dans le discours sarkozyste, effacer la valeur républicaine de l’égalité. Mais aussi monumentale que soit cette escroquerie, la gauche reste aphone. Sans doute confond-elle depuis trop longtemps nation et nationalisme, souveraineté et souverainisme, Etat et étatisme. Remettons-donc certaines choses à l’endroit.

Qu’est-ce que la nation ? Pendant la Révolution de 1789, les sans-culottes avaient pour mot d’ordre « Vive la Nation ! » Pourquoi ? Parce que la Grande Révolution a transformé le royaume de France en nation française. Les sujets deviennent alors un peuple de citoyens. L’apparition de la nation n’est pas celle d’un principe abstrait mais d’une pratique politique qui permet l’élaboration des règles de droit défendant l’intérêt collectif face aux intérêts individuels. Une conception à l’opposé du nationalisme puisqu’elle n’affirme aucune supériorité ethnique, aucune agressivité envers les autres peuples. La souveraineté nationale, au sens révolutionnaire, est un principe universel qui ne sépare pas la formation de la conscience nationale de l’émancipation et de la liberté. Elle a d’ailleurs stimulé les combats pour l’indépendance de nombreux pays européens dès les XVIIIe et XIXe siècles. Il faut donc balayer les pseudo-justifications de type économique qui prétendent la rendre obsolète.

Qu’est-ce que la souveraineté populaire ? C’est cette transformation du sujet en citoyen et l’exercice de droits politiques comme expression de la liberté en société. En tant qu’association volontaire définissant un contrat social, la nation en est le cadre. Ce qui fait qu’un peuple est un peuple, et non simplement une ethnie, une communauté, les habitants d’un territoire ou un regroupement de consommateurs... c’est la politique. C’est bien cela que la stratégie néolibérale de la mondialisation vise à détruire.

Enfin, qu’est-ce que l’Etat ? C’est l’outil que se donne le peuple pour mettre en oeuvre son projet politique. Ce n’est pas nécessairement une machine au service des grandes puissances économiques ou un instrument qui écrase l’individu. Au contraire, replacer l’Etat au centre de l’économie, c’est redonner le pouvoir aux citoyens.

Or, plus de deux siècles après la Révolution française, le marché est devenu la nouvelle religion qui surplomberait désormais les souverainetés nationales et populaires. Comme l’affirmait Margaret Thatcher, il ne permettrait pas d’autre choix. Pour combattre cette régression, la question de la nation doit redevenir prioritaire. Rien à voir avec le nationalisme ou le souverainisme, notion au demeurant mal définie, mais dont on sent qu’elle n’est pas un compliment.

Pour reprendre la distinction faite entre autres par Jaurès, Sarkozy flatte la « nation inconsciente », obscurantiste, fataliste, pessimiste, qui enferme l’individu et les groupes sociaux dans les déterminants issus du passé, ceux de la race, du sang et du sol, celle qui fonde le chauvinisme. La vraie gauche doit défendre la « nation consciente », citoyenne, républicaine, optimiste, qui invite les citoyens à forger des projets d’avenir en commun. Ce qui constitue l’identité nationale française, ce n’est pas le drapeau ou l’hymne, c’est l’héritage des luttes sociales, les valeurs républicaines, et notamment l’universalisme. C’est le programme du Conseil national de la Résistance, la sécurité sociale, les services publics, la laïcité...

La thème de la nation n’a donc rien d’un tabou. Il s’agit au contraire d’un des principaux sujets de débat pour tout mouvement qui souhaite opérer une transformation progressiste de la société. L’identité nationale consciente est nécessaire pour construire un avenir commun, celui de la sortie du capitalisme néolibéral. A quel autre niveau que la nation existe-t-il un exercice de la souveraineté populaire ? Aucun. Certainement pas au niveau de l’Union européenne, qui mène ses politiques contre l’intérêt des peuples et pour les lobbies économiques. Pas non plus au niveau de l’OMC, structure anti-démocratique par excellence. Quant à imaginer un scénario où les nations devraient s’effacer devant un prétendu « gouvernement mondial », ce serait dangereux si ce n’était totalement illusoire, car potentiellement totalitaire. Par contre, un peuple comme le peuple français peut élire un véritable gouvernement de gauche, qui n’aura d’autre choix que de prendre des mesures nationales pour rompre avec l’ordre économique. Face au fanatisme de Bruxelles, par exemple, la désobéissance européenne est le seul moyen de mener une politique progressiste et de répondre aux attentes de la population, exprimées dans les urnes. Il faudra construire un droit national, forcément contraire au droit européen. Il faudra sortir de l’OMC et stopper le libre-échange, tout en adoptant des mesures fortes en matière de solidarité internationale comme l’annulation de la dette des pays pauvres, la reconnaissance de la dette écologique ou l’instauration d’un statut de réfugié écologique. Voilà ce qu’aurait pu répondre la gauche pour éviter le piège médiatique tendu par le gouvernement. Nul doute qu’elle en serait sortie largement gagnante.

Aurélien BERNIER
http://abernier.vefblog.net/20.html#Sarkozy_fossoyeur_de_lidentite_nationale

Article paru dans le Sarkophage numéro 15.

(1) Lire le très bon texte de Laurent Dauré, « Leurre identitaire », Bastille-République-Nations, n° 46.

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COMMENTAIRES  

20/04/2010 09:14 par Vladimir Marciac

Je ne sais plus si c’est Marx qui disait, en gros, qu’il est plus facile de s’en prendre à un supposé adversaire concret, mais secondaire, qu’à un ennemi principal mais abstrait.

Toutes les droites jouent sur cette myopie qu’elles travaillent à aggraver.

20/04/2010 09:21 par Spartacus

Ce qui constitue l’identité nationale française, ce n’est pas le drapeau ou l’hymne, c’est l’héritage des luttes sociales, les valeurs républicaines, et notamment l’universalisme. C’est le programme du Conseil national de la Résistance, la sécurité sociale, les services publics, la laïcité..

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Salutaire rappel à transmettre d’urgence à l’ancien bras droit de Ségolène Royal, un certain Eric Besson.

20/04/2010 09:31 par Maxime Vivas

Cet article honore son auteur et les médias qui le publient.
On comprend qu’Aurélien Bernier soit moins présent à la télé (pas présent du tout ?)que les esprits confus de la droite et de la fausse gauche parlant du même sujet.

A lire et à faire lire.

20/04/2010 11:31 par eric faget

Où est ce que j’ai rangé mon identité nationale ?

J’étais pourtant sur de l’avoir posé à coté de ma carte d’identité dans le salon. Vous l’auriez po vu ? Vous savez, cette chose floue qui dit que je suis français que ma culture est française que tout ce qui entre et sort de moi est français ou en passe de le devenir.

Sur ma carte d’identité nationale, il est dit que je suis né en 1964, il y a mon adresse et une série de chiffres qui permettent ma classification dans les ordinateurs de l’état. Ah la voila donc mon identité nationale, une place dans les centrales informatiques du gouvernement. Pour avoir une identité nationale, il faut donc avoir un numéro de série comme les voitures de chez Renault. Donc tous ceux qui travaillent chez Renault font partie intégrante de mon identité nationale. Mais ceux qui travaillent chez Peugeot alors, est ce qu’ils font partie de mon identité nationale ? Et d’abord qui travaillent chez Peugeot ? Depuis le groupe Medvedkine, j’ai pu trop de nouvelles, mais à l’époque, c’était plein d’arabes. Est-ce que eux aussi y font partie de mon…Et à propos de groupe est que les FTP-MOI en font partie de mon truc ? Et Aragorn, est ce qu’il fait partie du machin ? Oui, Grand Pas, les trolls et les elfes, est ce qu’ils s’intègrent à ma culture française ? Ca devient compliqué non, puisque ma culture, donc une part de mon identité, est sous influence anglo-saxonne, ce qui fait que Rambo est français, non ? Donc, comme le symbole de l’Amérique française est français, les américains sont français mais ça on le sait depuis La Fayotte.

A bien y regarder les français d’Algérie y sont français, alors leurs musiques aussi elle est française. Alors quand Gaston Ghrenassia(1) joue les airs du répertoire algérien en hommage à Cheikh Raymond, c’est de la musique française que j’écoute puisqu’ils sont ou étaient tout deux de nationalité française. Pourtant ça n’a pas grand-chose à voir avec la musette.

D’ailleurs, à propos de musette, les porteurs de musette de 14-18, y’en avait y connaissait même pas le français. Alors, pour les enterrer, impossible de leurs demander leurs noms. Mais comme leurs os y sont emmêlés avec des os de francs, ceux là , alors, du coup, comme on peut plus les départager au risque d’envoyer un os sacré d’un plouc de la campagne nationale mort aux champs de l’honneur des riches, y sont devenus un peu de chez nous. Encore du coup, du coup, leur gosses, pardon, leurs descendants avec des ascendants mort aux champs etc. etc. y sont français eux aussi par le droit du sang versé, ce qui fait à peu prés la moitié de la population des anciennes colonies, pardon territoires français d’outre mer n’ayant pas vocation à devenir des départements.

A propos de départements avant les départements y "˜avait quoi ? Des comtés des duchés des royaumes, des colonies anglaises, allemandes, pardon saxonnes, romaines, grecques. Des fois j’comprends vraiment rien à rien. D’chez moi, on dit qu’chuis bête à manger du foin. Ca y est je l’ai dit, je suis un âne.

 Anne, ma soeur, Anne ne vois tu rien venir ?

 Si, je vois le duché de Bretagne qui rejoint le royaume de France.

Avant d’être français les bretons étaient donc… bretons. C’est en 1491 quand Anne épouse dans la joie et la bonne humeur le roi d’Ile de France (75, 77, 78, 81, 92, 93, 94, 95) qu’ils sont devenus… français les bretons. Ainsi donc c’est sur cette ile que nous devons nous cantonner. Je ris, cantonné dans un réduit qui fait 1/755 de la superficie de ma planète, c’est pas tout les jours facile quand on aime les grands espaces.

De toute manière, douqui vient ce nom France, des francs qu’étaient des nordistes même qui z’étaient un peu des boches non ? C’étaient même des barbares, des étrangers quoi si on s’en tient à l’étymologie. Nos ancêtres sont donc des étrangers à la France ce qui veut dire qu’ils ne sont pas français, et que, donc, nous ne pouvons pas l’être non plus. Intéressant paradoxe que celui là  : défendre une nationalité qui n’a pas lieu d’être puisqu’au départ ceux qui sont censés être les tenants de l’identité nationale sont étrangers à ce lieu géographique. Bon, je m’embrouille un peu mais quand même y’a’d’l’idée. Dans un sens, ce sont des berbères. Ainsi donc, si nos ancêtres sont français en étant étrangers, les berbères qui sont, eux aussi, étranger sont donc français. Comme la plupart des berbères sont musulmans et qu’ils sont, on l’a vu, français, on peut en déduire que les musulmans sont français, C.Q.F.D.(le chien rouge) Comme les musulmans sont repartis sur un territoire géographique très étendu et qu’ils sont français, on peut conclure que, foulés par les pieds sacrés de ces français, ces terres sont françaises et que, par extension, toutes personnes habitants sur ces terres sont françaises. Ah non ? Ah bon ! Je croyais, moi que c’était la géographie qui faisait la France, pas l’histoire puisqu’elle ne sera bientôt plus aux programmes scolaires. Pour en revenir aux francs, on peut considérer que les descendants des francs sont français et qu’ainsi tout les teutons le sont.

Bon, tétons à un autre sein, celui de la mère patrie. Une mère est, en général, une femme, là , je vous apprends rien. Mais, car, bien sur, il y a un Mai, la patrie est essentiellement dévolue à la notion de paternité donc masculine. Ce qui fait que l’amère patrie est un hermaphrodite et qu’ainsi tout les hermaphrodites du monde peuvent être peuvent être apparentés à l’idée de nation française. Ainsi, on peut dire que tout les escargots sont français et que, par extension, tous les français sont des gastéropodes et que, dans tous les lieux où l’on trouve ces charmantes bêtes baveuses, nous sommes en présence d’un territoire français puisque foulé par le pied unique de nos concitoyens avec ou sans coquille. Et où qu’on trouve ont limaces et colimaçons ? Et bien sur la terre entière. Ainsi chaque être humain peuplant cette terre foule un sol français et est donc français.

Bon là je suis vraiment satisfait de moi, je viens de conquérir l’ensemble de la planète, plus fort que Gengis Khan, Napoléon et César réunis. Comment ça je raconte des conneries ? Quoi ma logique est bancale ? Bon, d’accord, mais je chuis pos l’seul et, en plus, je chuis même pos au gouvernement…

Vive la Rance ! Vive le marechal Cretain !

Eric Faget, clown patriote euh pardon parti aux chiottes

(1)Enrico Macias

20/04/2010 14:33 par Peintre

Cher Eric Faget , votre charabia as libéré un coin dans mon esprit , le résultat voici ;
Je suis pas français , mais je vie en France depuis fort longtemps .
Quand je pense à mon nationalité , j’avais toujours beaucoup d’affinité avec les gens un peu révolté , éclairé , mais jamais
avec les "masses" les "foules" .
Pour eux j’aurais toujours les mêmes voeux de bonheur que pour le reste du monde .
C’est à dire , que la France pour moi c’est les amis , les êtres chères , qui ont un petit touche Français , et qui ont le même humanité qu’ailleurs .

20/04/2010 20:25 par EW

« Quant à imaginer un scénario où les nations devraient s’effacer devant un prétendu « gouvernement mondial », ce serait dangereux si ce n’était totalement illusoire, car potentiellement totalitaire. »

Woot, c’est sur quand on arrive déjà pas à gérer un département (une ville, un village, un foyer... soi même ??), diriger une planète c’est un truc de ouf mais en fait le capitalisme le fait déjà , mal, mais il le fait. Il n’est pourtant pas QUE totalitaire (parce que les nations ne laissent pas faire n’importe quoi entre elles non plus)et n’a rien d’illusoire à ce que je sache.

Un gouvernement mondial est la conséquence inéluctable (Mr Anderson) de la politique -et fonctionne de pair avec la colonisation de l’espace à mon sens- mais oui, faudra apprendre à faire de la politique -avant même de penser à l’espace... quoi trop tard ??-

ceci dit, je dis ça, je dis rien, parce que osef, sisi osef, regardez dehors vous verrez ;)

23/04/2010 14:30 par eric faget

merci Mr peintre

24/04/2010 16:22 par norodon

sarkosy et son ministre ont fait un recul sur cette question parceque au depart ils pensaient que c’est les arabes et les musulmans qui seraient toucher .Or la question quand elle est etendu aux juifs de france gene beaucoup plus qu’elle n’aurait gener les musulmans.En effet a qu’elle momment de l’histoire de france l’identité francaise a t elle permit a ses citoyens d’origines juives d’aller tuer des arabes et des musulmans palestiniens et revenir en france pour mener un autre combat avec le crif contre l’islam et les arabes ???? C’est çà qui a fait reculer le nabot et son ministre et ce n’est pas les critique de gauche caviar qui bouffe a la meme sauce que l’UMP. Moi, j’aurais souhaité que le debat continu. on aurait connu les vrais perdants dans cette histoire de france.

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