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Tout ce que vous savez sur l’Iran est un mythe (Information Clearing House)

Photo : modifiée d’après un original de TIME Inc

INTRODUCTION

Beaucoup des malheurs des hommes viennent de ce qu’ils ne donnent pas aux mêmes mots le même sens.
Diderot

On est démocrates, non ? S’il fallait en plus être bien élevés ! — Le 23 septembre dernier, à l’Assemblée Générale de l’ONU, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a prononcé un discours très attendu. Pas par tout le monde : une poignée de « représentants » de pays principalement européens s’est une fois de plus singularisée en quittant la salle avant que l’orateur ait commencé à parler, en désapprobation de paroles qui n’avaient pas encore été prononcées et qu’ils n’auraient, de toutes façons, pas comprises, aucun d’entre eux ne maîtrisant le farsi. Ils offensaient ainsi, à travers son président, un pays de 69 millions de citoyens, un nombre impressionnant de chefs d’états, les peuples par eux représentés, et déshonoraient leurs mandants, qu’ils avaient bien pris soin de ne pas consulter avant de se livrer à une pantalonnade à la fois grossière et servile, qui se fait mécaniquement répétitive (attention : Alzheimer !). Rien ne sert pourtant de refuser d’écouter si d’autres peuvent entendre, lire et peut-être même (horreur !) réfléchir. C’est pourquoi, huit jours pleins après avoir été prononcé, ce discours ne se trouve nulle part en français, et dans un seul endroit du net en anglais : sur le site de Tom Feeley, Information Clearing House, où on peut le lire et même l’écouter (traduction simultanée en anglais).

Un discours n’est jamais qu’un discours, et les réflexions de William Blum sur ce point restent valables dans tous les cas. C’est à nous d’exercer notre esprit critique et de jauger, à nos risques, le plus ou moins grand degré de sincérité de ceux qui s’expriment, comme l’importance ou la pertinence des sujets qu’ils abordent. Ainsi, les mécréants pourront trouver indiscrète l’apologie du monothéisme dans un discours politique, tout en n’oubliant pas : 1./ que les croyants ont tous le plus grand mal à séparer morale privée et morale publique - que soient si possible épargnés à ceux-là les siècles de fratricides qui nous ont amenés à les séparer ! ; 2./ que l’orateur s’adressait non seulement à ses homologues du monde presque entier, à leur peuples et à nous tous, amis ou ennemis, mais aussi, mais surtout - par-dessus nos têtes - à un milliard et demi de personnes de sa confession. Qui sont assiégées. A la fois par les infantiles pervers qui tiennent la barre du Titanic et par leurs propres intégristes, complices des précédents. Comme nous sommes de grandes personnes, majeures, vaccinées (euh...), et que nous n’avons pas peur de tomber raides morts au contact de Belzébuth, c’est ici : http://www.informationclearinghouse.info/article23565.htm

N.B. Les 110 commentaires qui suivent ne sont pas sans intérêt, car ils représentent une partie de l’opinion américaine (occasionnellement australienne, néo-zélandaise, canadienne...). Pas celle de la majorité sans doute, mettons celle d’une minorité plutôt réconfortante.

Le 27 septembre, au même endroit, on trouvait un article consacré à la même terreur des chaisières. Que voici :

CL

Tout ce que vous savez sur l’Iran est un mythe

Il y a des termes que les gens, dans les pays islamiques et occidentaux, ne devraient jamais employer les uns envers les autres, parce qu’ils embrouillent et enflamment plus qu’ils ne clarifient. Les plus évidents sont « jihad », « croisade » et « grand Satan ». Tous sont utilisés de façon plus ou moins inoffensive par ceux qui les prononcent, mais signifient quelque chose de complètement différent - et de beaucoup plus inflammatoire - pour des oreilles étrangères.

Je voudrais ajouter un terme d’actualité à la liste des mots dont il ne faudrait jamais se servir : le mot « mythe ». Surtout quand il est utilisé dans le contexte où le Président Ahmadinejad et le leader des Frères Musulmans, Mohammed Mehdi Akef, l’ont employé au cours des derniers mois, c’est-à -dire pour parler du « mythe de l’Holocauste ». (Egyptian Islamists deny Holocaust BBC News, 23 Dec 2005). Ils savent ce qu’ils veulent dire par cette phrase, et je sais ce qu’ils veulent dire, mais s’ils croient que la plupart des gens de nos contrées vont l’entendre et y répondre avec quoi que ce soit de plus subtil que « négateurs de l’Holocauste ! », ils ignorent complètement la place ombilicale que tient l’Holocauste dans la perception qu’ont les Américains du Moyen-Orient, ils n’imaginent pas à quel point peut être superficiel, aux États-Unis, le discours public sur les relations avec le monde musulman, et à quel point surtout ce discours est manipulé par ceux qui poussent à un « choc des civilisations » avec une idée fixe : trouver une justification pour intervenir dans les affaires intérieures de l’Iran et provoquer dans ce pays un changement de régime.
Tout le monde sait ce qu’est un mythe, n’est-ce pas ? Une espèce de conte de fées, d’histoire inventée, sans vraisemblance, pleine de héros de l’Antiquité en peplums. Si bien que, quand Ahmadinejad et Akef parlent de « mythe de l’Holocauste », ils nous paraissent simplement - comme la BBC le suggère dans son émission citée plus haut - en train de dire que l’Holocauste n’a jamais eu lieu, et nous, nous les disqualifions comme négateurs de l’Holocauste. Sauf qu’un mythe, ce n’est pas ça du tout. (Et je dois me faire vieux, parce que je me rappelle très bien le temps où tout reporter employé par la BBC était censée connaître la signification exacte du mot et faire son possible pour en rendre correctement le sens.)

Permettez-moi de vous dire ce qu’est exactement un mythe.

Les humains sont des êtres complexes, qui vivent dans des sociétés complexes et qui sont capables de perspicacité, de pensées, de sensations et de sentiments qui dépassent les simples besoins physiques de la vie de tous les jours. Certaines des choses intangibles que nous ressentons à propos de nous-mêmes sont difficiles à articuler, aussi les exprimons-nous en racontant des histoires. Et c’est cela que sont les mythes. Les mythes sont des histoires que des groupes de gens (se) racontent pour exprimer et justifier leurs croyances les plus fondamentales à propos d’eux-mêmes, de leurs origines, de leur nature essentielle et de leurs aspirations. Les histoires elles-mêmes peuvent être historiques ou non-historiques : c’est sans importance par rapport au mythe. Aux États-Unis, qui en dépit de toute leur religiosité sont, à la base, une société séculière et démythologisée, nous avons tendance à penser aux mythes comme à des espèces de contes sans queue ni tête, parce que la perception que nous en avons nous vient des fariboles hollywoodiennes à grand spectacle des années 60, du type Jason et les Argonautes. Mais, dans la réalité, un mythe est un mythe parce que c’est une histoire qui dit une vérité essentielle sous-jacente sur les gens qui le racontent, et l’historicité n’a rien à voir avec ce qui en fait un mythe.

Par exemple, il y a des tribus, en Nouvelle Guinée, qui racontent une histoire traditionnelle à propos de la manière dont sont conçus les enfants. Cette histoire explique que la conception d’un être humain ne peut se faire que si un émeu traverse le village des parents pendant la nuit et projette son ombre sur leur hutte - détail rapporté avec amusement par les anthropologues européens du XIXe siècle qui ont été les premiers à en faire état, persuadés que les arriérés indigènes ne savaient même pas d’où viennent les bébés. Mais, bien entendu, les arriérés indigènes savaient parfaitement d’où viennent les bébés : leur histoire, en fait, parlait de bien autre chose.

Dans la mythologie religieuse de ces tribus de Nouvelle Guinée, l’émeu était un symbole de divinité, et l’histoire de l’ombre de l’émeu était un mythe de création qui expliquait les origines de l’humanité et exprimait quelle sorte de créatures nous sommes. En disant qu’un petit humain ne peut être conçu que si les parents sont effleurés par la présence de l’émeu (Dieu), l’histoire exprime la conviction que les humains ne sont pas que des êtres physiques. Quoique faisant partie de l’ordre créé, les êtres humains ont des qualités « supérieures » qui les placent à part de toutes les autres créatures, ils ont la faculté de transcender leurs instincts et leurs passions, ils sont capables de conscience de soi, de spiritualité, de créativité, d’empathie, etc. De sorte que la conception d’un nouvel être humain n’est jamais juste un acte physique, mais requiert en même temps un acte de création divine. Elle a besoin que le père et la mère remplissent physiquement leur rôle, mais elle ne s’accomplit que si l’émeu remplit le sien de la façon expliquée par le mythe. Si les habitants de la Nouvelle Guinée étaient juifs, ils pourraient exprimer la même compréhension fondamentale d’eux-mêmes en racontant que Dieu a soufflé sur une poignée de terre pour créer le premier homme, ou ils pourraient simplement résumer la chose en disant que l’humanité a été faite « à l’image et ressemblance de Dieu ».

Autre espèce de mythe : ici, aux États-Unis, nous avons fait un mythe de l’histoire du Mayflower. Très peu d’entre nous pourraient prétendre que leurs familles sont littéralement arrivées ici sur le Mayflower. Quelques-uns d’entre nous descendent de gens qui étaient déjà là quand les Pèlerins sont arrivés ; pas mal d’entre nous sont venus ici à bord de bateaux négriers ; des flopées d’entre nous sont arrivés, en immigrants, sur des bateaux à vapeur, au début du XXe siècle, et certains d’entre nous sont arrivés plus récemment par les bons offices de Boeing. Mais, en tant qu’Américains, nous partageons la narration commune qui dit que nous, collectivement, sommes arrivés sur le Mayflower. Et nous le faisons parce que nous voyons, dans l’histoire du Mayflower, une représentation en forme historique de ce que, en tant que nation, nous croyons qu’est l’Amérique. Nous prenons l’événement historique, et nous en faisons une histoire qui décrit ce que nous, Américains, croyons essentiellement être : un peuple de pionniers, une cité sur une colline, une communauté de foi à la recherche de liberté religieuse, un peuple libre fuyant la tyrannie, établissant une démocratie, etc., etc.

C’est un mythe différent de celui de l’émeu : l’un est un mythe nationaliste basé sur un événement historique, l’autre est un mythe religieux basé sur un événement non-historique (c. à d. qu’il n’y a pas d’émeu en chair et en os impliqué dans la conception du bébé humain). Mais tous deux sont des mythes, parce que ce sont des histoires servant à raconter une vérité essentielle sous-jacente sur les gens qui les racontent, et les appeler des mythes ne constitue en aucun cas un jugement sur le fait de savoir si les choses qu’ils racontent sont historiquement vraies.

Donc, qu’est-ce que cela signifie, quand Ahmadinejad et Akef font référence au « mythe de l’Holocauste », comme l’un et l’autre l’ont certainement fait ?

Parlant à des milliers de personnes dans la ville sud-orientale de Zahedan, Mahmoud Ahmadinejad a dit : « Aujourd’hui, ils ont créé un mythe au nom de l’Holocauste, et ils le considèrent supérieur à Dieu, à la religion et aux prophètes. » — Holocaust a myth, says Iran president

Le chef des Frères Musulmans, principale force d’opposition au Parlement égyptien, s’est fait l’écho du président iranien en décrivant l’Holocauste comme un mythe : «  La démocratie occidentale a attaqué quiconque ne partage pas la vision des fils de Sion en ce qui concerne le mythe de l’Holocauste  » a dit Mohammed Akef, dans une prise de position jeudi — Brotherhood chief : Holocaust a myth

« Certains gouvernements occidentaux, en particulier les États-Unis, n’ont rien contre le sacrilège à l’égard du prophète Mohammed (QSL), mais ne pas accepter le mythe de l’Holocauste au moyen duquel les Sionistes exercent des pressions sur les autres pays depuis soixante ans et tuent d’innocents Palestiniens est considéré comme un crime » a ajouté le Président. - President : Real Holocaust to be sought in Palestine, Irak

Ils ne disent pas qu’il n’y a pas eu d’Holocauste, ils font allusion à quelque chose de plus complexe que cela. Cette dernière citation surtout montre qu’Ahmadinejad se sert du mot « mythe » dans son sens correct, technique. Rappelez-vous : les mythes sont des histoires que des groupes de gens racontent pour exprimer et justifier leurs croyances les plus fondamentales sur eux-mêmes, leurs origines, leur nature essentielle, etc. Ahmadinejad dit que le Sionisme raconte l’histoire de l’Holocauste exactement de cette manière-là , c’est-à -dire s’en sert comme véhicule pour expliquer et justifier ce que les Sionistes croient à propos d’eux-mêmes. Quand il dénie (c’est-à -dire n’accepte pas, NdT.) le « mythe » de l’Holocauste, il ne nie pas l’Holocauste, il ne discute même pas l’Holocauste en tant qu’événement historique, il nie la validité de l’usage qui est fait de l’histoire de l’Holocauste. Il dit qu’au lieu d’être une histoire qui exprime une vérité sous-jacente, le « mythe de l’Holocauste » exprime une « vérité » qui n’est tout simplement pas vraie, et si ce déni du mythe connaît une telle fortune en Occident, si l’Occident en use et en abuse, c’est parce que vous n’êtes pas autorisés à vous demander si la prétention sous-jacente (1) est légitime ou pas.

En quoi consiste exactement ce « mythe de l’Holocauste » que rejettent Ahmadinejad et Akef ? Voyons. Vous rappelez-vous Wissam Tayem, le Palestinien que des soldats israéliens ont forcé à leur jouer du violon à un barrage routier, dans les Territoires Occupés ?

La réaction à l’expérience vécue par Wissam Tayem résume ce qu’Ahmadinejad veut dire avec le « mythe de l’Holocauste ». Comme Chris McGreal (2) l’a fait remarquer à l’époque, la vue d’un Palestinien contraint de jouer du violon par les soldats d’un barrage routier a provoqué pas mal d’émoi en Israël. Mais la raison principale pour laquelle les Israéliens (surtout les Juifs israéliens) se sont sentis mal à l’aise, n’a rien à voir avec l’offense faite à Wissam Tayem, ni avec le fait qu’il soit indigne de traiter ainsi un être humain. Cet incident les a mis mal à l’aise parce qu’il a remis en question l’image qu’ils se font d’eux-mêmes et du pays qu’ils ont créé. En d’autres termes, l’incident a sapé le mythe que les Israéliens se racontent sur eux-mêmes.

De toutes les révélations qui ont secoué l’armée israélienne la semaine dernière, aucune peut-être n’a davantage perturbé le public que la vidéo où l’on voit des soldats forçant un Palestinien à leur jouer du violon...

L’incident, filmé par des femmes juives militantes pour la paix a provoqué une immédiate révulsion chez les Israéliens, habituellement peu perturbés par les traitements infligés aux Arabes. Le commentateur radio - de droite - de l’armée, Uri Orbach, a trouvé que l’incident faisait penser de façon gênante aux musiciens juifs obligés de fournir une musique de fond à des meurtres de masse. « Et Majdanek alors ? » a-t-il demandé, faisant référence au camp nazi d’extermination.

Les critiques n’ont à aucun moment fait de parallèle entre le barrage routier israélien et un camp nazi. Ce qui les a gênés, c’est que les souffrances juives ont été rabaissées par l’humiliation de M. Tayem.

Yoram Kaniuk, auteur d’un livre sur un violoniste juif contraint de jouer pour un commandant de camp de concentration, a écrit dans le journal Yedioth Ahronoth, que les soldats responsables devraient être jugés « non pour avoir persécuté des Arabes mais pour avoir avili l’Holocauste ». « De toutes les choses terribles faites aux points de contrôle, celle-ci en est une qui nie la possibilité même de l’existence d’Israël en tant qu’état juif. Si (l’armée) ne fait pas le procès de ces soldats, nous n’aurons pas le droit moral de parler de nous-mêmes comme d’un état né de l’Holocauste » écrivait-il. « Si nous permettons que des soldats juifs exhibent un Arabe à un barrage routier pour en faire un objet de dérision, alors, nous avons réussi à descendre au niveau moral le plus bas qui soit. Toute notre existence dans cette région arabe était justifiée - et l’est toujours - par notre souffrance ; par les violonistes juifs dans les camps. » (C’est l’auteur qui souligne).

Israel shocked by image of soldiers forcing violinist to play at roadblock The Guardian, 29 Nov. 2004.

La dernière phrase résume exactement ce qu’Ahmadinejad et Akef veulent dire, quand ils déclarent que le Sionisme a fait un mythe de l’Holocauste. Ils veulent dire que le Sionisme raconte l’histoire de l’Holocauste dans le but de justifier ce qui a été fait à la Palestine et à ses habitants. La vérité sous-jacente que le mythe est censé véhiculer est que les souffrances juives en Europe justifiaient l’établissement d’un état juif dans un pays dont la population était 1) non juive, à une écrasante majorité musulmane et chrétienne ; 2) pas responsable de l’antisémitisme européen ni de l’Holocauste. Ahmadinejad et Akef disent que ce mythe est une imposture, qu’il n’est pas l’expression d’une vérité sous-jacente, mais une appropriation de l’Holocauste dans le but de favoriser un ordre du jour politique. Quand ils rejettent le « mythe de l’Holocauste », ils ne mettent pas en question la réalité historique de l’Holocauste, ils nient que le Sionisme ait le droit de faire aux Palestiniens ce qu’il leur fait, au nom de ce que le Nazisme et ses collaborateurs ont fait aux Juifs d’Europe. En fait, le « mythe de l’Holocauste » dit que Shoah justifie Nakba. Ahmadinejad et Akef disent : « Non, ce n’est pas vrai. »

Ceci n’est pas une fumeuse interprétation des propos d’Akef et d’Ahmadinejad sur « le mythe » : tous deux ont dit et répété clairement que leur mise en question ne concernait pas le génocide des Juifs d’Europe en soi , mais le fait que les Palestiniens aient à en payer le prix. Si vous lisez le contexte dans lequel Ahmadinejad dit « ils ont fait un mythe de l’Holocauste », vous verrez que ce qu’il met en cause n’est pas la réalité historique de l’événement mais l’usage qui en est fait : « pourquoi la nation Palestinienne doit-elle payer pour les crimes commis par les Européens ? » (ce qui, si vous y faites attention, prouve qu’il considère comme allant de soi que ces crimes ont été commis).

« Si les Européens disent la vérité quand ils revendiquent avoir tué six millions de Juifs dans l’Holocauste de la Deuxième Guerre Mondiale, et il semble que leur revendication soit fondée, puisqu’ils arrêtent et emprisonnent quiconque la contredit, pourquoi la nation palestinienne doit-elle payer pour leur crime [ ? ]... »

Soulignant que « ces mêmes pays européens ont imposé le régime sioniste - illégalement établi - à la nation palestinienne opprimée », il dit : « Si vous avez commis ces crimse, donnez-leur un morceau de votre pays, quelque part en Europe, en Amérique, au Canada ou en Alaska, pour qu’ils y établissent leur propre état. La nation iranienne n’élèvera aucune objection, n’organisera pas de manifestation le jour de Qods, et soutiendra votre décision. »

Mohammed Akef a lui aussi explicitement nié que ses commentaires aient jamais mis en cause la réalité de l’Holocauste :

Le leader des Frères Musulmans d’Égypte a déclaré que, lorsqu’il a appelé l’Holocauste un mythe, cette semaine, il n’entendait pas dire que l’Holocauste n’avait pas eu lieu, mais mettre en lumière la manière dont l’Occident comprend la démocratie.

Dans un message de jeudi, Akef a dit : « Les démocraties occidentales ont attaqué quiconque ne partage pas la vision des fils de Sion sur le mythe de l’Holocauste »... Mais samedi son bureau a précisé : « Certains médias ont donné à ces paroles une signification qu’il (Akef) ne leur a jamais donnée (et ils y voient) une négation de l’Holocauste des Juifs par les Nazis pendant la Deucième Guerre Mondiale. Il n’a jamais nié que cela ait eu lieu. »

Et l’adjoint d’Akef, le Dr. Mohammed El-Sayed Habib a clairement précisé quel « mythe de l’Holocauste » Akef rejetait :

« Quant à la déclaration invoquée, décrivant l’Holocauste comme un mythe, elle n’avait nullement pour intention de nier l’événement en lui-même, mais de rejeter les exagérations avancées à son sujet par les Juifs. Cela ne voulait pas dire que nous ne condamnons pas l’Holocauste. Cela voulait dire que, de quelque façon qu’on l’envisage, cet événement ne devait pas avoir pour conséquence la perte de tous leurs droits par les Palestiniens, l’occupation de leur pays et la violation de leurs lieux saints et de leurs sanctuaires. »

Qui se préoccupe réellement de ce qu’est un mythe et de ce qu’ont à en dire des barbus de l’autre bout du monde ? En temps normal, cela ne devrait faire l’objet que d’une intéressante discussion entre universitaires, mais en ce moment précis, il importe beaucoup que nous fassions un effort pour comprendre ce qu’Ahmadinejad a réellement dit, parce que le gouvernement iranien est constamment et de plus en plus la cible d’une campagne de désinformation destinée à modeler l’opinion publique, pour lui faire accepter un changement de régime dans ce pays. Quand nous tombons, dans nos médias alignés (3), sur une affirmation incendiaire comme, par exemple, « le président Ahmadinejad nie l’Holocauste », nous aurions intérêt à nous rappeler la triste performance de ces mêmes voix-de-son-maître, quand elles fournirent le tremplin d’où fut lancée la guerre en 2003, et à nous demander si chaque « révélation » qu’on nous y fait est une information authentique ou de l’intox délibérément fabriquée pour mobiliser l’opinion publique en faveur d’une nouvelle guerre.

Ces mêmes gens qui nous ont valu le fiasco spectaculaire de la guerre d’Irak voudraient aujourd’hui tenter encore une fois leur chance en Iran. Paul Wolfowitz a expliqué, en mai 2003, qu’en l’absence de tout danger réel représenté par Saddam Hussein, l’administration Bush s’était gratté la tête pour trouver quelque chose qui pût justifier une invasion de l’Irak, et avait jeté son dévolu sur les ADM (Armes de Destruction Massive) comme raison fondamentale susceptible d’être avalée par tout le monde. Aujourd’hui, les États-Unis ont besoin d’une nouvelle excuse pour envahir un pays dont il est clair qu’il n’a nulle intention de nous envahir, et il n’est pas trop difficile de voir que la nouvelle excuse va se focaliser, pour une grande part, sur la personne de Mahmoud Ahmadinejad. Jetez juste un oeil au matraquage d’informations fallacieuses auxquelles nos médias nous ont soumis à son propos, rien qu’au cours des six derniers mois :

1. C’est un négateur de l’Holocauste ! C’est ce que nous sommes priés de comprendre à la lecture des « nouvelles » rapportées plus haut.

2. Il veut rayer Israël de la carte ! C’est ce que nous ont asséné les reportages hystériques de nos médias, à propos du discours d’Ahmadinejad http://www.iht.com/articles/2005/10/26/news/iran.php à la Conférence « Un monde sans sionisme », qui s’est tenue à Téhéran le 26 octobre 2005. Sauf qu’une traduction correcte de ses paroles montre qu’il n’a nullement dit qu’Israël devait être rayé de la carte, mais que « le régime d’occupation de Jérusalem devrait disparaître de la page du temps », ce qui n’est pas une menace de guerre ni d’annihilation, mais l’expression de sa confiance dans la virtualité, à terme, d’un changement de régime. Ahmadinejad n’est pas un Sioniste. Il ne croit pas que la terre de Palestine, à population majoritairement musulmane, doive être transformée de force en état juif, et son discours exprime la conviction que la domination sioniste de Jérusalem prendra fin un jour aussi sûrement que d’autres régimes, naguère puissants (il cite celui du Shah d’Iran, celui des Communistes en Union Soviétique et celui de Saddam Hussein en Irak), ont tous fini par disparaître. Si vous voyez le Moyen Orient avec les yeux des Sionistes, vous pouvez ne pas aimer le lui entendre dire, mais cela ne donne à personne le droit de prétendre qu’il menace de lâcher des bombes nucléaires sur Tel Aviv ou de jeter les Juifs à la mer, comme les expressions du genre « rayer Israël de la carte » s’efforcent de le faire croire.

3. C’est un « psychopathe » qui « parle comme Hitler » !

4. Les Juifs d’Iran vont être condamnés à porter l’étoile jaune !


Vous rappelez-vous ce bobard, colporté d’abord par le National Post, du Canada, et repris ensuite par le New York Post, au sujet de la prétendue loi passée au Parlement iranien, selon laquelle « les Juifs seraient tenus de porter des bandes de tissu jaune, comme ils avaient dû porter l’Étoile de David, dans l’Allemagne nazie » ?

Le National Post a fini par retirer l’article de son site web, mais des captures d’écran de la page sont visibles sur le site Lenin’s tomb, et j’ai téléchargé le texte de l’article original ici. Regardez les photos utilisées par le National Post pour illustrer sa prose - histoire de bien enfoncer le clou - de sorte que nul n’ignore où ces sortes de pratiques allaient conduire l’Iran.

A ce détail près, évidemment, qu’il n’a jamais existé aucune loi iranienne de cette espèce. Toute l’histoire était une invention pure (que le National Post devait rétracter par la suite), une opération d’intoxication concoctée par un monarchiste iranien - un journaliste expatrié du nom d’Amir Taheri - lequel, par coïncidence, s’avère être un membre de Benador Associates, une boîte de relations publiques, qui compte parmi ses clients un grand nombre de néo-conservateurs grand teint tels que, entre autres, l’American Enterprise Institute (AEI), dont les membres associés sont Richard Perle, David Frume, Michael Ledeen, Michael Rubin et Joshua Muravchik . Fauteurs principaux de la guerre à l’Irak, les clients de Benador - qui comprennent aussi l’ex-chef de la CIA James Woolsey et l’ex-ministre israélien Nathan Sharansky - sont intervenus auprès de l’administration Bush pour qu’elle adopte une ligne dure à l’égard de l’Iran.

Les journaux qui ont, jusqu’à présent, exploité cette histoire, sont eux aussi connus pour leurs positions agressives envers Téhéran. Le National Post, qui a été acheté par CanWest Global Communications à Conrad Black - un associé et familier de Perle - est contrôlé par David et Leonard Asper, qui ont accusé CBC (Canadian Broadcasting Corporation) d’être anti-israélienne, selon Marsha Cohen, de l’Université Internationale de Floride, qui a suivi de près l’histoire des badges à rayures jaunes.

De son côté, le Sun s’est très logiquement aligné sur le parti israélien d’extrême droite Likud pour tout ce qui concerne le Moyen Orient, tandis que Murdoch est le propriétaire du très pro-israélien Weekly Standard et de FOX NEWS, en plus du New York Post... (source Truth Out).

Sentez-vous ici une odeur de leitmotiv ? Avez-vous bien reçu le message ? Êtes-vous convenablement persuadés qu’Ahmadinejad est le nouveau Hitler ?... que l’Iran, c’est le Quatrième Reich ?... que, d’ici peu, ils vont nous bombarder d’engins nucléaires, et que si nous ne les choquépouvantons pas (Shock and Awe) pour les amener à changer de régime et à installer chez eux un régime favorable aux États-Unis, qui reconnaîtra Israël et qui nous vendra son pétrole et son gaz au lieu de les vendre aux Chinois, nous ne sommes qu’une bande de Neville-j’aime-Berlin et NOUS ALLONS TOUS MOURIR ! ! !... ? Parce que c’est ce que vous êtes supposés comprendre. C’est la nouvelle antienne qui doit vous flanquer suffisamment la frousse pour que vous souteniez une guerre qu’autrement vous ne soutiendriez pas. Une fois de plus, nos peurs sont provoquées et manipulées par des gens qui crèvent d’envie de faire une nouvelle guerre, mais qui n’ont pas de justification pour la déclencher. La dernière fois, ils ont ameuté l’opinion publique avec des histoires à faire dresser les cheveux sur la tête, à propos des armes nucléaires inexistantes de l’Irak et des liens fictifs de Saddam Hussein avec Al Qaeda. Cette fois, ils refont le coup avec les armes nucléaires inexistantes de l’Iran et la fausse équivalence Ahmadinejad-Adolf.

Voilà pourquoi débrouiller la signification réelle du « mythe de l’Holocauste » d’Ahmadinejad n’est pas perdre son temps en oiseuses pinailleries d’universitaire. Sachant qu’une offensive de propagande est en cours pour diaboliser le président iranien et en faire le nouvel Hitler, à nulle autre fin que de nous faire avaler une attaque de son pays, nous n’userons jamais assez de tout notre sens critique lorsque nos médias de masses feront des parallèles entre l’Allemagne nazie et l’Iran d’aujourd’hui, pour être bien sûrs de savoir si ce qu’on nous vend est légitime ou s’il ne s’agit, une fois encore, que de provoquer chez nous des réflexes de peur et nous faire accepter passivement une nouvelle guerre. En dépit de tout ce que Richard Perle et Michael Ledeen et al racontent, quand ils parlent tranquillement de réarranger le Moyen Orient, la guerre n’est pas un truc pour play station, ni un exercice de jeu de rôles pour une classe d’ados aspirants à Siences-Po. Ca ressemble beaucoup plus à des jeunes soldats qui se font démembrer par l’explosion de bombes au bord des routes et à des familles entières qui se font « rayer » collatéralement de la carte par nos missiles. N’ignorant pas ce qui est véritablement en jeu, il nous appartient d’au moins faire un effort pour déterminer si les « négateurs de l’Holocauste » et autres hitlériques épithètes lancées à la tête de l’Iran correspondent à une quelconque réalité ou ne sont rien d’autre que la dernière trouvaille des mêmes désinformateurs qui, bien à l’abri dans leurs think tanks de Washington, ne cessent de nous maquereauter la guerre au Moyen Orient, sûrs que ce ne seront jamais eux, ni leurs amis ni leurs proches, qui se retrouveront côté réception des IED ou autres prétendues « bombes intelligentes ».

Après plus de trois ans d’occupation de l’Irak, alors que 2500 de nos propres troupes et on ne sait combien de milliers d’Irakiens ont été tués (4), les Américains sont devenus sceptiques sur nos raisons d’envahir l’Irak pour commencer, et ils finissent par se demander pour quoi exactement nous nous battons dans ce pays. Maintenant qu’il est question d’attaquer l’Iran, peut-être pourrions-nous penser de façon critique avant de l’envahir et de condamner à mort des dizaines de milliers de nos semblables, dont les vies ont autant de valeur, en tout état de cause, que les nôtres. Selon les immortelles paroles du Président lui-même : « Il y a une vieille expression au Tennesse - je sais que c’est au Texas, probablement au Tennessee - qui dit "Roulez-moi une fois, honte sur - honte sur vous. Roulez-moi - vous ne pouvez plus être roulé." (5) »

Sources :
Lawrence of Cyberia http://lawrenceofcyberia.blogs.com/news/2006/07/everything_you_.html
via Information Clearing House http://www.informationclearinghouse.info/article23579.htm

Traduction C.L. pour le Grand Soir

Notes

(1) « Nous sommes ici parce qu’on nous a massacrés. Ce massacre nous donne le droit d’y être. » (N.d.T.)

(2) Correspondant du Guardian à Washington, auparavant à Johannesbourg et à Jérusalem. (N.d.T.)

(3) « corporate media » , c. à d. appartenant à de puissants groupes privés ; « presse publicitaire » pour le président Castro ; « presse aux ordres » pour certains, « presse-Pravda » pour d’autres ; « médiaputes » pour M. Craig Roberts... Le concours aux néologismes est ouvert. (N.d.T.)

(4) 4500, côté propres troupes, et un million et demi, côté Irakiens, ne sont pas des chiffres fantaisistes. Sans compter les blessés et les infirmes à vie, les millions d’exilés involontaires et les bébés qui naissent avec deux têtes. (N.d.T.)

(5) L’expression réelle est : « Si vous me trompez une fois, honte sur vous. Mais si vous me trompez deux fois, honte sur moi. » . La citation de l’auteur doit être une « busherie » parmi d’autres. (N.d.T.)

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Déposséder les possédants - La grève générale aux « temps héroïques » du syndicalisme révolutionnaire (1895-1906)
CHUECA, Miguel
Textes de Édouard Berth, Henri Girard, Jean Jaurès, Hubert Lagardelle, Paul Louis, Fernand Pelloutier, Émile Pouget, Georges Sorel et Henri Van Kol Réunis & présentés par Miguel Chueca La grève générale exprime, d’une manière infiniment claire, que le temps des révolutions de politiciens est fini. Elle ne sait rien des droits de l’homme, de la justice absolue, des constitutions politiques, des parlements ; elle nie le gouvernement de la bourgeoisie capitaliste. Les partisans de la (…)
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Il n’y a pas de moyen plus violent de coercition des employeurs et des gouvernements contre les salariés que le chômage. Aucune répression physique, aucune troupe qui matraque, qui lance des grenades lacrymogènes ou ce que vous voulez. Rien n’est aussi puissant comme moyen contre la volonté tout simplement d’affirmer une dignité, d’affirmer la possibilité d’être considéré comme un être humain. C’est ça la réalité des choses.

Henri Krazucki
ancien secrétaire général de la CGT
Extrait sonore du documentaire de Gilles Balbastre "Le chômage a une histoire",

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