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Tunisie : Le Combat pour la Dignité des Femmes se poursuit

1. Le Code du Statut Personnel

Samedi 13 août 2011 coïncide avec la Commémoration du 55ème anniversaire de la promulgation, le 13 août 1956, du Code du Statut Personnel (CSP) qui a marqué l’entrée de la Femme Tunisienne dans une nouvelle ère de Dignité, de Liberté et de Droits. Depuis, le 13 août est décrété Fête Nationale sous la dénomination de « Fête de la Femme et de la Famille ».

Le CSP fut le fruit d’un long combat qui a commencé au début du XXème par l’émergence, en Tunisie, d’un Mouvement Féministe dont la figure emblématique est Tahar Haddad (1899-1935). Dans son livre «  Notre femme dans la charia et la société », paru en 1930, il a présenté un audacieux programme de réforme de la société ayant comme épine dorsale l’émancipation de la femme. En effet, il a appelé dans cet ouvrage, à libérer la femme de la polygamie et de la répudiation, et à jeter les fondements de l’égalité entre l’homme et la femme. Malheureusement, ses idées, trop en avance pour l’époque, furent sévèrement critiquées, aussi bien par les milieux conservateurs que par les milieux nationalistes, milieux qui ont orchestré, à son égard, une campagne de dénigrement tellement violente qu’il a été contraint d’interrompre ses études de Droit entamées en 1928. Par la suite, le Mouvement de Libération Nationale, conduit par Bourguiba et ses compagnons et où des Militantes Féministes furent de plus en plus présentes, a réhabilité Tahar Haddad et a adopté, avant l’Indépendance, ses idées. Et c’est moins de cinq mois, après la proclamation de l’Indépendance du Pays, le 20 mars 1956, que ces idées deviennent réalités sous la forme du CSP. L’adoption du CSP a interdit la polygamie et la répudiation et a permis, entre autres, aux femmes de gérer librement leur vie, sans aucune tutelle, en particulier pour ce qui concerne le mariage et le divorce. En outre, ce Code introduit, implicitement, bien que timidement, une exception tunisienne non négligeable dans le Monde Musulman, à savoir : la Sharia n’est pas la source obligée du Droit Tunisien.

L’époque qui a suivi la naissance du CPS fut l’âge d’or du régime et de la popularité de Bourguiba, avant que le système ne sombre dans le Pouvoir Personnel et la Dictature, avec sa Police Politique, ses Milices et sa répression. Cette popularité permettait à Bourguiba d’entreprendre des prouesses de communication inimaginables aujourd’hui. Ainsi, après avoir développé l’idée selon laquelle pour gagner la bataille du développement, bataille qu’il appelle le Grand Djihad, il est permis de ne pas jeûner, pendant le mois de ramadhan, il lui est arrivé, pendant ledit mois et lors d’un discours télévisé, en direct avant l’heure de la rupture du jeûne, qu’on lui serve un jus de fruit qu’il boit, aussi en direct, devant les téléspectateurs. D’ailleurs, à cette époque, j’étais interne au Lycée Sadiki-Khaznadar et l’administration avait pour consigne de contraindre, du moins d’encourager, les élèves à ne pas jeûner. Ainsi, au mois de Ramadhan, à l’heure du petit déjeuner et du déjeuner, nous étions, tous, obligés d’aller au réfectoire et les surveillants s’employaient, avec insistance, à convaincre les jeûneurs de manger. Il est arrivé, aussi, à Bourguiba d’enlever le voile aux femmes voilées qu’il rencontrait, lors de ses sorties officielles à travers le pays ; scènes filmées et diffusées, en boucle, lors des Journaux télévisés ; cf., par exemple, la vidéo ci-dessous :

http://www.dailymotion.com/video/x1g5sb_bourguiba-les-femmes_people

Parmi les Militantes qui ont permis à la Législation Tunisienne d’être la pionnière dans le Monde Arabo-Musulman en matière des Droits et des Libertés des Femmes on peut citer : Nebiha Ben Miled (1919-2009), Radhia Haddad (1922-2003), Safia Farhat (1924-2011), Gisèle Halimi (1927-), Majida Baklouti- Boulila(1931-1952).

2. Gisèle Halimi, la Femme des deux-rives de tous les Combats

Une place particulière doit être réservée à Gisèle Halimi, figure de proue de la défense des Droits de la Femme et des Libertés, en général. Native de la Goulette, Avocate de formation, fortement engagée dans plusieurs causes, elle milite, d’abord, pour l’indépendance de son pays et celle de l’Algérie (elle fut l’avocate du FLN et en particulier des deux héroïnes de la Bataille d’Alger Djamila Bouhired et Djamila Boupacha). Elle devient, par la suite, l’Avocate de plusieurs personnalités françaises dont Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Françoise Sagan,…et avec elles et d’autres (Jean Rostand , Jacques Monod,…), elle fonde le mouvement féministe « Choisir » puis médiatise, en 1972, le fameux procès de Bobigny, point fort de la campagne contre la loi répressive de l’avortement et pour la contraception libre, campagne qui a conduit, en 1975, à la Loi Veil qui dépénalise , définitivement, l’avortement et encadre, légalement, l’Interruption Volontaire de la Grossesse , et ce, deux années après l’adoption de ces mêmes Lois par la Tunisie ! La Loi Veil instaure, aussi, la procédure de Divorce par Consentement Mutuel, Procédure instaurée en Tunisie, dix-neuf années auparavant, grâce au CSP. Parmi les activités actuelles de Gisèle Halimi, combattante perpétuelle et infatigable des Droits Humains sur tous les Fronts, on peut citer sa participation au Tribunal Russel sur la Palestine, en tant que Membre du Jury. Ce Tribunal est un Tribunal d’opinion international créé par un groupe de citoyens engagés dans la promotion de la Paix et de la Justice au Proche-Orient et dont la principale mission est d’examiner les violations du Droit International dont est victime le Peuple Palestinien. Tout cela explique la popularité de Gisèle Halimi dans le milieu féministe tunisien, à tel point que son portrait figure sur la page d’ouverture du Clip réalisé par le Groupe « Citoyens Libres et Engagés » et dédié au Combat des Femmes Tunisiennes :

http://www.facebook.com/profile.php?id=854949538&ref=ts#!/video/vi...

3. Premier trophée post-Révolution du Combat des Femmes

Le Clip du Groupe « Citoyens Libres et Engagés », mentionné ci-dessus, a été réalisé à l’occasion de l’adoption, le 11 avril 2011[par L’Instance Supérieure pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution, de la Réforme Politique et de la Transition Démocratique, en Tunisie ] de la Parité Homme - Femme dans le Code Electoral, avec en plus, cerise sur le gâteau, la condition de Listes de Candidatures Alternées : autrement dit, si l’on désigne l’homme par H et la femme par F, lesdites Listes doivent être du type H-F-H-F-H-F-etc., ou bien du type F-H-F-H-F-H-etc. Cette Parité réelle, qui peut être considérée comme étant le premier trophée post-Révolution du Combat des Femmes, a été obtenue grâce à une formidable mobilisation des Défenseurs des Droits des Femmes. A ma connaissance, cette condition de Listes de Candidatures Alternées, première fleur que nous a offert la Révolution de Jasmin, est une première inédite dans les Codes électoraux, tous pays confondus.

4. Les Risques et les Défis d’aujourd’hui

Il convient, tout d’abord, de souligner que la première génération de défenseurs des Droits Humains, qui ont fait leur première classe sous le joug colonial et dont il était question au premier paragraphe ci-dessus, va être suivie par une seconde génération dont l’action s’est développée (et continue à se développer) sous le ciel de la Tunisie Indépendante. Les membres de cette génération ont été victimes de répressions policières et juridiques variées, telles que les confiscations de passeport, les campagnes de diffamation, les mises sur écoute téléphoniques, les intimidations et les harcèlements envers eux et leurs familles, l’exil, la prison,…Parmi les membres de cette dernière, on peut citer : Bochra Bel Haj Hmida, Souhayr Belhassen, Sihem Bensedrine, Sophie Bessis, Kamel Jendoubi, Moncef Marzouki, Radhia Nasraoui,…

Pour contrecarrer les Courants de Gauche qui se sont amplifiés au début des années soixante dix, principalement dans le milieu universitaire, le Régime Bourguiba a encouragé, vers la fin de ladite décennie, l’émergence de Courants Islamiques opposés, mais sans l’avouer, aux avancées contenues dans le CSP, concernant l’égalité des sexes. Ce qui a conduit les Femmes Tunisiennes à être mobilisées, de façon permanente, pour préserver leur acquis, tout en luttant pour l’amélioration du contenu du CSP afin que l’Egalité-Femme-Homme soit une réalité dans les faits. Et elles ont eu raison, car leur crainte est corroborée, aujourd’hui, entre autres, par les deux faits significatifs suivants :

1. Les Courants Islamiques, qui n’osaient pas affirmer, en plein jour, leur farouche hostilité à tout mouvement de la libération de la femme, ont étouffé, dans un premier temps, le fond de leurs pensées, pour gagner, avec l’appui des Courants Démocratiques, le Statut de Mouvement respectable. Une fois ce Statut acquis, ils se sont divisés, par tactique électorale, en courants prêchant un Islam tolérant et en courants revendiquant la Sharia comme source du Droit Tunisien. Directement ou par Journalistes, Animateurs et même Propriétaires de Medias interposés, avec des moyens financiers faramineux et en l’absence d’un Conseil Supérieur de la Communication et des Médias compétent et responsable, ils s’efforcent de manipuler l’opinion publique pour l’attirer vers leur Projet de Société obscurantiste, tout en essayant d’occuper les espaces des Mosquées et des oeuvres caritatives dans les Quartiers Populaires. Cette tentative de manipulation a conduit à l’émergence d’un Courant (il est vrai, pour le moment !, très minoritaire) salafiste, fanatique, farouchement antiféministe qui s’est déjà fait remarquer par ses lâches agressions contre les femmes libres ou les non-jeûneurs.

2. Pour s’attirer les faveurs d’un électorat indécis, les Partis Politiques Démocratiques hésitent à se distinguer, à moins de trois mois des élections pour l’Assemblée Constituante prévues pour le 23 octobre 2011, en condamnant fermement, comme il se doit et par les moyens appropriés (Conférences, Rassemblements, Manifestations communes de tous les Partis), les agissements et les dérapages obscurantistes décrits au 1. : emprisonnés dans le tourbillon pré-électoral, ils préfèrent complaire plutôt que défendre, à tout prix les Lumières. Qui plus est, ils ont brillé par leur absence, lors de la Manifestation, qui a rassemblé plusieurs Organisations de la Société Civile et Associations Féministes, organisée, sur l’initiative de Bochra Bel Haj Hmida, le lundi 8 août 2011 à la place de la Kasbah à Tunis, devant le Palais du Gouvernement, pendant que ce dernier entamait le réexamen de la position de la Tunisie relative à la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes (mentionné, le plus souvent, sous son acronyme anglophone CEDAW). Cette Convention, adoptée en 1979 par l’Assemblée Générale des Nations Unies, constitue l’instrument universel de référence sur les Droits des Femmes et a pour but d’empêcher que les femmes soient victimes de discriminations de toutes sortes. En 1985, la Tunisie l’a ratifié, mais en y opposant des réserves, portant, entre autres, sur l’égalité successorale ; alors que 95% des Etats Membres des Nations Unies l’ont ratifié sans réserves.

Le mot d’ordre principal de ladite Manifestation, comme il ressort des Banderoles déployées et des Slogans criés, consistait en un Appel au Gouvernement à lever toutes les Réserves, sans exception, formulées auparavant au sujet de la CEDAW. Il est significatif que tous les Média, qui ont couvert ou rapporté l’événement (AFP, Elle, Jeune Afrique, Le Figaro,…) ont réduit ce mot d’ordre à la levée des Réserves relatives, uniquement, à l’égalité successorale, et ce, en titrant, tous, en substance et à l’image de l’AFP : « Tunisie : manifestation de femmes pour l’égalité dans l’héritage ». Ceci est d’autant plus étonnant que certains journalistes représentant ces Médias ont interviewé les organisateurs : peut-être que de tels titres sont plus aptes à éveiller certains fantasmes constituant un élément attractif pour l’achat du Média !

5. Conclusion

L’Histoire récente de la Tunisie, le rôle joué par les Femmes dans la Révolution du 14 janvier et la présence de la gent féminine dans les Rencontres, Assises, Journées d’Etudes, Conférences-Débat,…où l’on réfléchit sur l’avenir du Pays et l’établissement d’un Régime des Droits et des Libertés, qui se tiennent, quotidiennement, à travers tout le territoire, montrent, sans aucun doute, que si les Femmes n’occupent pas, aujourd’hui, la place qui leur revient dans les différentes instances de décision, elles sont en train d’apprivoiser la Société Civile, Société d’où est partie la Révolution, Société qui demeure, quoi qu’il arrive, l’Initiateur de tout Progrès, du moins le Garde-fou suprême de toutes les dérives. Et c’est en ce sens que, malgré la situation actuelle, incertaine, en tant que période pré-électorale, situation qui affole les uns, afflige les autres, mais ne laissant personne indifférent, nous nous devons de garder l’espoir. Car comme dit Bainville :

« L’optimisme est la foi des Révolutions ».

Aussi, pour gagner notre Pari, ne perdons pas cette Foi !

HORCHANI Salah

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