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Ukraine : la fin de la partie se dessine (Indian Punchline)

Quand j’ai écrit dimanche dernier que la Russie et l’Europe échangeaient des regards, franchement je ne pensais pas qu’ils se mettraient si vite à flirter. Maisla rencontre à Minsk mardi prochain des présidents de Russie et d’Ukraine, Vladimir Poutine et Petro Poroshenko, avec la Haute Représentante de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, signifie qu’une dynamique en faveur de la recherche d’une solution au conflit en Ukraine est à l’oeuvre.

Il y a une semaine, les ministres des Affaires Etrangères d’Allemagne, de France, de Russie et d’Ukraine se sont rencontrés à Berlin où "tous les aspects de la crise en Ukraine" ont été discutés et où les hauts diplomates sont presque "parvenus à une interprétation commune de ce qu’il y avait sur le papier," comme l’a résumé pour les médias le ministre russe des Affaires Etrangères, Sergey Lavrov.

Il est clair que cela a été rendu possible par les consultations en tête à tête qui n’ont jamais cessé entre la Chancelière Angela Merkel et le président Poutine. Le reportage exclusif du 31 juillet du journal anglais The Independent, dont vous vous rappelez peut-être, qui faisait état d’un accord russo-germanique sur l’Ukraine et d’un “plan secret” - les deux se sont ensuite perdus dans le brouhaha qui a suivi le (mystérieux) crash de l’avion malaisien dans l’est de l’Ukraine - ne semble pas avoir été dénué de fondement. (D’ailleurs ces informations n’ont jamais été démenties.)

On peut raisonnablement penser que maintenant que la propagande de guerre anti-russe sur la tragédie de l’avion malaisien s’est éteinte, Moscou et Berlin se sont remis tranquillement au travail. Merkel a fait un discours important à Riga le 18 août où elle a appelé à un rééquilibrage des intérêts russes et occidentaux en Ukraine et dans lequel elle a exclu une présence permanente de l’OTAN dans cette région frontalière de la Russie. L’échiquier Ukrainien constitue, pour la Russie, un grave sujet d’inquiétude que l’Occident a refusé jusqu’ici de prendre en considération.

Merkel se rend à Kiev samedi (jour qui, par une étrange coïncidence, se trouve être le 75ième anniversaire du célèbre pacte de non-agression Molotov-Ribbentrop du 23 août 1939). On peut peut-être y voir un symbole politique.

Pour le moment il est difficile de dire si Merkel pilote une initiative allemande (ou au mieux franco-allemande) sur l’Ukraine ou si elle a l’aval tacite de l’administration Obama. En fait, l’aile droite étatsunienne semble contrariée par les démarches de Merkel.

L’agence de presse, Associated Press, note, avec ironie, que les efforts de Merkel pour résoudre la crise en Ukraine "soulignent l’ambition croissante de l’Allemagne de devenir un poids lourd diplomatique en plus d’être une puissance économique ... en profitant du fait que de nombreuses nations européennes (comprendre l’Angleterre) sont confrontées à des désordres intérieurs et que les Etats-Unis sont engagés dans d’autres crises". (voir ici)

Il se pourrait qu’avec les évènements récents au Moyen Orient (le meurtre du photographe de presse, James Foley, par l’Etat Islamique d’Irak et du Levant) l’Ukraine - en tant que pivot de la stratégie étatsunienne en Asie - se voie supplantée dans l’ordre des priorités d’Obama en matière de politique étrangère. Je me fais peut-être des illusions, je suis un incorrigible optimiste ; mais peut-être pas. Une chose est sure, la droite néocon réclame à corps et à cris une intervention étatsunienne au sol en Irak et en Syrie. Voyez vous-même l’article de Zalmay Khalilzad intitulé : Plan en cinq étapes pour détruire l’Etat Islamique.

Maintenant, si Obama ne se laisse pas attirer dans le piège que lui tendent les néocons, il ne devrait pas tarder à se rendre compte qu’il faut mieux se rabibocher avec la Russie au cas où il aurait besoin de la coopération de Moscou dans la nouvelle guerre à venir contre le terrorisme qui représente sans doute une grande menace pour la "sécurité intérieure" étatsunienne, en l’occurrence la guerre contre l’EIIL (qu’Obama lui-même vient de qualifier de “cancer” qui menace tout le Moyen-Orient et qui n’a pas sa place au 21ième siècle.)

En tous cas, c’est un moment clé de la dynamique internationale. L’issue de la rencontre des hommes d’Etat en Biélorussie, mardi prochain, nous dira dans quel sens les grands vents soufflent et comment se restructurent les forces internationales.

Alors quels plats y a-t-il au four en ce qui concerne l’Ukraine ? Il est logique de penser que la Russie va chercher à obtenir un arrêt immédiat de l’offensive militaire ukrainienne contre les séparatistes de l’est de l’Ukraine. Jusqu’ici Washington a poussé Kiev à poursuivre implacablement ses opérations. Mais cela pourrait changer. C’est une première chose.

Si cela arrivait, cela donnerait à la Russie et l’Allemagne assez de latitude pour introduire les termes de l’accord de paix que Poutine et Merkel ont fignolé. Jusqu’ici Washington a systématiquement sapé dans l’oeuf tout effort de dialogue intra-ukrainien. Mais Les Etats-Unis ne vont pas pouvoir s’entêter beaucoup plus longtemps dans cette sorte de ‘rejectionnisme’ si l’Allemagne pèse de tout son poids en faveur du dialogue.

En résumé, si nous ouvrons les oreilles, nous discernerons peut-être le bruit lointain des tambours indiquant que l’Oncle Sam bat en retraite. Le célèbre stratège russe, Boris Kagarlitsky, dans un article au style provocateur selon son habitude, nous donne un aperçu des tractations et manœuvres extrêmement complexes qui ont lieu en Ukraine de l’est dans le but de créer un terrain propice aux négociations de Minsk mardi prochain. Une chose est sure, le Kremlin a plus d’un atout dans sa manche.

M K Bhadrakumar

Traduction : Dominique Muselet

 http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2014/08/22/endgame-begins-in-ukraine/
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COMMENTAIRES  

25/08/2014 14:45 par Peuimporte

Obama « aurait besoin de la coopération de Moscou dans la nouvelle guerre à venir contre le terrorisme qui représente sans doute une grande menace pour la "sécurité intérieure" étatsunienne, en l’occurrence la guerre contre l’EIIL (QU’OBAMA LUI-MEME VIENT DE QUALIFIER DE “CANCER” QUI MENACE TOUT LE MOYEN-ORIENT ET QUI N’A PAS SA PLACE AU 21IEME SIECLE.), nous dit M. BHADRAKUMAR.

Obama aurait donc mis plus qu’une année pour finir par dire exactement ce qu’a dit le Président syrien ! La question est : pourra-t-il se passer de la coopération de la Syrie dans sa prétendue guerre contre le terrorisme ? Qu’a-t-il donc suggéré à ses larbins du Golfe réuni au Caire avant-hier pour discuter de la situation syrienne ? Leur a-t-il demandé de s’arranger pour lui sauver sa face et la leur ?

Président Bachar al-Assad : « Ce qui se passe en Syrie n’est pas une révolution »
http://www.mondialisation.ca/president-bachar-al-assad-ce-qui-se-passe-en-syrie-nest-pas-une-revolution/5342188
« Car le terrorisme est comme le cancer. Si vous lui donnez un coup de bistouri sans pratiquer une exérèse totale, il métastase. Il faut donc l’éradiquer, non se contenter de le frapper. Mais la guerre n’est pas un moyen suffisant pour réussir son éradication. Il faut y ajouter l’éducation, la culture, la communication et même l’économie. Ils n’ont pas voulu écouter et nous souffrons toujours des conséquences de la guerre en Afghanistan. Ou alors ils ont écouté mais ont choisi de refaire leur coup en Irak bien que nous les ayons prévenus que la situation allait se transformer en guerre sectaire et mener vers la partition, et c’est ce à quoi nous assistons. Quant à nous, dès 1976 nous sommes entrés au Liban en raison des répercussions immédiates de la guerre sur la Syrie. Oui nous sommes entrés pour protéger le Liban, mais pour protéger la Syrie aussi ! »

25/08/2014 18:56 par Autrement

Dans un précédent commentaire concernant les BRICS, gérard disait : " Mais est-ce que les citoyens, sont d’une quelconque façon associés au développement des BRICS ? – Excellente question, fondamentale pourrait-on dire".
Voir : http://www.legrandsoir.info/ne-diluez-pas-le-brics-counterpunch.html

On voit ici à propos de l’Ukraine que la première condition pour que les citoyens s’impliquent dans les grandes décisions de politique extérieure les concernant, c’est qu’ils soient informés clairement et en détails des tractations dans lesquelles sont engagés les pays concernés. Ce qui n’est évidemment pas le cas dans nos pseudo-démocraties, dont les élites baignent encore dans la marmite empoisonnée des Young European Leaders. il faudrait évidemment libérer l’information des puissances d’argent, éduquer politiquement nos concitoyens, et en attendant... salut aux administrateurs de LGS !

25/08/2014 19:03 par Antar

’’... la guerre contre l’EIIL (qu’Obama lui-même vient de qualifier de “cancer” qui menace tout le Moyen-Orient et qui n’a pas sa place au 21ième siècle.)’’ Cancer au moyen-Orient mais avec vertus thérapeutiques en Syrie et en Libye. Obama, un bien médiocre oncologue...

’’En fait, l’aile droite étatsunienne semble contrariée par les démarches de Merkel.’’ La chancellière devrait peut-être siasir l’occasion pour répondre à Nuland : ’’ ... et Fu**ck Victoria, Mccain et autres néocons...’’

25/08/2014 20:09 par PA

Lien vers l’article de kagarlitsky : http://democracyandclasstruggle.blogspot.in/2014/08/boris-kagarlitsky-eastern-ukraine.html?m=1
qui explicite la démission de strelkov et donne un éclairage sur les relations nouvelle russie - kremlin.

26/08/2014 00:03 par domi

Et si la guerre contre l’EIIL en Irak qu’Obama veut étendre en Syrie (comme si la Syrie lui appartenait déjà) n’était qu’un autre moyen de renverser Assad sous prétexte de protéger la Syrie d’EIIL.
Fabius fidèle lieutenant US/SION prépare le terrain, on dirait :
loindevant @loindevant
La dernière perle de Fabius sur RMC : Assad a créé l’état islamique !!! http://bit.ly/1srueYY #celuiquireste

On chasse les USA par la porte mais ils rentrent par la fenêtre...

26/08/2014 17:17 par triaire

Domi, je suis assez d’accord avec vous .Obama et ses affreux ont subi une leçon par la Russie au sujet de la Syrie...Elle n’est pas digérée..Peut-etre ont-ils dans l’idée de traiter avec Poutine l’Ukraine contre la Syrie..Ce serait ennuyeux si Poutine avalisait cela car jusqu’à aujourd’hui il a fait aux yeux du monde un sans-faute .De plus, je pense qu’une fois la Syrie mise à feu et à sang, Obama se retournerait contre l’Ukraine .

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