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Contribution à l’analyse d’une idéologie d’extrême droite

Un discours du FN sur l’immigration en France

Le 21 février 2011, à l’approche des élections présidentielles, Marine Le Pen, tient une conférence de presse sur la politique migratoire du gouvernement Français. Quels sont ses constats et ses craintes ? Quelles présentations des figures de l’immigration donne-t-elle à voir et entendre ? De quoi les immigrés sont-ils le nom ?

J’avance quelques hypothèses à partir de son discours-programme, appuyées sur d’autres extraits choisis. J’ai pris au « pied de la lettre » son discours. Où donc mène la route empruntée par ses signifiants ?

1- La crainte de l’envahissement

Le 25 février 2011, alors qu’elle est de passage au Salon de l’Agriculture, Marine Le Pen déclare à propos du printemps arabes et de la supposée vague d’immigration qui en découlerait : « L’union européenne est totalement impuissante à nous protéger, il faut passer un accord bilatéral avec l’Espagne et l’Italie pour permettre à nos marins de préserver nos eaux territoriales et repousser dans les eaux internationales les migrants qui voudraient entrer en Europe ». Marine en appelle aux marins. Il faut nous protéger, protéger la France des « migrants » qui menacent de débarquer sur notre territoire. C’est ce qu’elle dit. Comment les marins vont-ils repousser les migrants hors des eaux territoriales ? Quelles armes vont-ils utiliser ? Quel serait le contenu de cet accord bilatéral ? Un accord bilatéral à trois ? Veut-elle parler d’accord trilatéral ? Ou bien parle-t-elle d’un accord entre l’Espagne et l’Italie ? Aurait-elle oublié quelqu’un ? La France ? Pourquoi un accord passé entre trois pays européens serait-il plus efficace qu’une Europe impuissante ? Qui sont ces « migrants » ? D’où viennent-ils ? Combien sont-ils ? Qu’est-ce qui les pousse à venir ?

Le 21 février 2011, lors d’une conférence de presse à Nanterre, elle soutenait, dans un souci prospectif qui s’est avéré aussi inexact que fantasmatique : « Vraisemblablement, des milliers de clandestins tunisiens et demain libyens, algériens, égyptiens ou marocains, qui débarquent sur les côtes italiennes et commencent à s’installer en France, ne sont que les éclaireurs d’une nouvelle vague migratoire gigantesque ».

Là , elle nous inquiétait. Ces milliers qui débarquent. Dans l’imagerie de la guerre, le débarquement renvoie plutôt à 39-45. Ces milliers ne seraient que les éclaireurs d’une nouvelle vague gigantesque C’est précis « éclaireurs ». Ils seraient donc encore plus nombreux que des milliers. Plus que des milliers c’est quoi : des centaines de milliers, des millions, des milliards ? Elle dit qu’ils viennent s’installer. Elle affirme donc que c’est durable. Aurait-elle des informations qui nous échapperaient ? N’eut-il pas été légitime d’accueillir ceux qui luttent quand dans leur pays s’installent le feu, le chaos, les bombes ? C’est qu’elle les suppose d’emblée venir avec des intentions guerrières : débarquer, s’installer et venir plus nombreux. Envahir ?

Elle fait peur Marine, avec sa vague. Peut-être qu’elle a peur. La trouille ? Comme une phobie de l’envahissement ?

Elle n’en peut plus Marine. C’est plus fort qu’elle. Comme on dit au troquet : « Tu leur donnes ça, ils prennent ça ». Pour elle, la France ne peut accueillir, elle n’a pas cette grandeur. Pas assez de place. Quand à l’Union Européenne, elle est, selon ses dires « totalement impuissante ». C’est dire où l’impuissance vient se loger dans cette affaire ! Et l’impuissance, ce n’est pas rien.

Comment donc protéger nos eaux virginales, mariales presque, de toutes ces invasions exogènes ? C’est là qu’elle en appelle aux marins... Ils sont jolis les marins avec leurs maillots rayés et leur pompons rouges. Ce serait presque drôle si les marins n’étaient des guerriers de la mer, armés, grenades et bombes, sous-marins, hélicoptères, avions et porte-avions, missiles embarqués et tout le bataclan ! Les marins ont une face sombre qu’un joli pompon rouge peine à recouvrir.

Ce qui l’apeure, à Marine, c’est l’immigration qu’elle appelle « extra-européenne ». Italiens, espagnols, portugais échappent aux invectives. Qui donc alors ? Vous savez les tunisiens, algériens, marocains, égyptiens, libyens, contre qui elle n’est pas raciste mais.... Pourquoi ? Parce que, c’est une autre communauté, avec d’autres modes de vie, une autre religion, qu’elle dit. Avec eux, l’assimilation, l’intégration, l’acculturation, s’avéreraient impossible. Alors il faut stopper. Des marins pour stopper, pour faire une sorte de mur en mer.

2- « La disparition de la France »

Pour Marine, la France, comme certaines espèces aquatiques, semble être en voix d’extinction. Ce qui inquiète Le Pen, c’est la disparition de la France à laquelle ni la droite ni la gauche jugées « immigrationnistes » n’ont apporté de réponse. Lors de cette même conférence de presse, elle affirme : « Les chiffres de l’immigration que je vous présente aujourd’hui, ne sont pas seulement accablants, ils sont littéralement terrifiants parce qu’ils dessinent une pente irrémédiablement ascendante (…). Ces chiffres montrent que non seulement l’immigration en France n’a pas été freinée mais qu’elle est volontairement accélérée dans un processus fou dont on se demande s’il n’a pas pour objectif le remplacement pur et simple de la population française ».

Et elle donne des exemples « On entend dans certains quartiers que lorsqu’une personne âgée meurt, c’est une famille immigrée qui la remplace dans son appartement HLM » . Une personne-une famille. Soit la personne âgée vivait dans un grand appartement. Soit la famille immigrée s’accommode d’un petit. Notons les « On entend ». Pas vérifié donc. Notons encore le « dans certains quartiers ». Pas partout donc. Ca commence bien ce « discours vérité » sur les « chiffres vérités »…

Quels sont ces chiffres ?

Ces chiffres les voici : en 2010, 198 000 titres de séjours sont accordés (immigration professionnelle, étudiants, regroupement familial…). Le nombre de demandeurs d’asile et de clandestins augmente aussi, affirme-t-elle. Et ça c’est « accablant » ; « terrifiant », « fou ». Car pour Marine, cette immigration, est insoluble dans la République. France serait-elle si fragile qu’elle laisserait s’absorber son idéal républicain, ses principes ? France aurait-elle une identité éternelle ? Pour Marine les élites ont failli. On ne peut pas leur faire confiance…

3- « La capitulation des forces républicaines »

Elle ne peut pas compter sur les politiques pour enrayer ce qu’elle nomme « envahissement », « remplacement ». Le PS qui dirigeait le pays il y a plus de 10 ans et l’UMP qui le dirige depuis, ont échoué. Si les organisations sont différentes, elles sont les constituantes d’un même système. Le système UMPS. Sans distinction possible. Ca se répète sur les marchés : les politiques, c’est tous les mêmes. C’est du pareil-pareil : ça ne change rien. Toujours le chômage. Toujours les femmes voilées dans la rues. Toujours cette corruption généralisée. Cette complaisance…
« Notre carte nationale d’identité est distribuée par les préfectures comme des journaux gratuits à l’entrée d’un RER. On se presse devant les guichets de naturalisation et de régularisation des préfectures comme dans le métro aux heures de pointe ». Comme des gratuits à la sortie du métro. C’est son image. L’accès à la nationalité française « c’est la grande distribution », qu’elle dit. Pour elle, on ne peut pas compter sur les politiques et sur les agents de l’état qui distribuent… Mais auprès de quelles préfectures fait-elle ses observations ?

Si les représentants de l’UMPS se sont détournés de la « vraie France », des valeurs morales et républicaines, pourrait-elle alors compter sur les syndicats ? Que nenni. Ils sont jugés comme des émeutiers. A l’occasion des manifestations contre la réforme des retraites, le 22 octobre 2010, Marine Le Pen avait déclaré : « Le gouvernement doit cesser de jouer avec le feu avec la complicité des syndicats et rétablir immédiatement l’ordre républicain partout. La tolérance zéro doit s’appliquer à tous les émeutiers… ». Voilà qu’aux immigrés, aux élus de la République, de droite et de gauche, aux fonctionnaires-distributeurs s’ajoutent les syndicalistes. Qui d’autre encore ?

Seul le FN soutient l’exigence de sauver France. Pseudo-Jeanne d’Arc qui voit défiler sous son cheval blanc une vague bleu-blanc-rouge.

4- Chien de garde du capital.

Marine Le Pen l’affirme : « je le crois, la démocratie commence par la vérité ; le respect du peuple exige de la lui faire connaître ». C’est pour elle une « véritable politique de salut public ». Alors, elle va la dire, la vérité. Les clandestins ont des « droits ouverts ». Marine Le Pen les énumère. C’est effrayant : « Les clandestins peuvent aujourd’hui se faire soigner sans contreparties, grâce à l’Aide Médicale d’Etat (A.M.E.) mise en place par Lionel Jospin. C’est unique au monde. ».

Le législateur permet aux malades de se soigner. Pour alléger leur souffrance. Par dignité. Par respect de la vie. Les plus cyniques y verront aussi un moyen de ne pas contaminer les autres. C’est que les maladies ne demandent pas la carte d’identité avant de frapper. La grippe se moque du titre de circulation. La maladie se moque des français de souche ou supposés tels.

Autre frayeur du FN : « Du fait du principe de l’obligation scolaire, leurs enfants sont systématiquement pris en charge par l’Education nationale ». Les enfants vont à l’école de la République. Au pays des droits de l’homme, les enfants s’instruisent. Ils ne sont pas dans la rue. Soigner et éduquer en attendant de régulariser, en attendant que s’instruisent les dossiers de leurs mères, de leurs pères, de leurs frères.

Le dimanche 11 septembre 2011, lors de son discours de clôture des Journées d’été, la présidente du Front National affirmait : « Nous n’avons pas besoin d’immigration de travail, parce qu’il n’y a pas de travail et que dans cette période difficile le peu qui existe doit d’abord profiter aux nôtres ! ». On retrouve ici le slogan cher au FN « les français d’abord ! ».

Mais les médecins roumains et les infirmières espagnoles, on leur demande de repartir ? Et tous ceux au travail ingrat ? C’est compliqué l’immigration. Quand on prend ça au sérieux. Pour Marine Le Pen, l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère constitue un véritable dumping social. Moins « gourmands » que les salariés français, Marine Le Pen affirme que les immigrés tirent le pouvoir d’achat vers le bas.

C’est donc à eux qu’il faudrait attribuer la baisse des salaires en France ? Comme un renversement riche-pauvre, le tour de passe-passe du FN c’est de transformer la lutte des classes en lutte des races supposées. Français-Immigrés. Son programme, ça vous préserve le « bourgeois », le système ! La vérité qu’elle dit c’est le mensonge du réel ! Le FN c’est un chien de garde du capital qui aboie aux effets plutôt que de mordre la cause !

5- La vérité pour Marine

Alors, on va lui dire à Marine, la vérité. La vérité de la rouge-gauche. Ici l’on y parle de paie, de salaire, de retraite. On ne fait pas de l’immigré un fétiche de ses obsessions. On rappelle le leurre de penser que l’immigration pille les caisses de l’état. On parle de l’insécurité sociale. De la laïcité pilier de la République. De l’abrogation des lois sur l’immigration et de la régularisation des sans-papiers. Il faut dire la vérité. Nous réaffirmons le droit du sol, le droit d’asile. Le retour des exilés politiques au nom de la doctrine Mitterrand. Retour de Battisti s’il le veut. Il faut dire notre souhait de donner aux étrangers, ceux qui veulent l’acquérir, la nationalité au-delà de cinq ans de résidence. Ici c’est l’émigration des cols blancs qui nous préoccupe par-dessus tout. La délinquance patronale. Le chômage dans les quartiers. Les contrôles au faciès. L’absence de service public, de police de proximité pour ceux des quartiers populaires. A 30 dans les classes d’école, c’en est assez. Et les logements sociaux, la mixité sociale dans les centres villes.

On lui dit la vérité à Marine. On lui dit le pipeau de maîtriser les flux migratoires. On lui dit que le capital, les guerres, les spolient de leurs ressources là -bas. Que le capital spécule sur le grain de blé. Qu’il les rend encore plus miséreux. Que la dette les étouffe. Que les passeurs s’engraissent sur leur dos. Qu’ils sont exploités par le capital ici, comme main-d’oeuvre irrégulière. On lui dit la vérité à Marine, puisqu’elle a soif de vérité. Ce n’est pas la mer à boire.

On lui dit que d’exploiter le racisme envers les travailleurs pauvres est honte républicaine ! On lui dit que la France c’est aussi une langue latine, un nom franc, une culture grecque, un peuple celte, espagnol, portugais, italiens, normands, anglais, pieds-noirs, maghrébins… Puisqu’elle a peur, qu’elle se rassure, on fera « France de tout bois ». On ne mettra pas des caméras partout. Les immigrés auront le droit de vote aux municipales. Ils paient les impôts, la TVA. Ils vivent dans la cité. On lui dit que les travailleurs font des travaux pénibles, précaires, peu rémunérateurs. Qu’ils s’y esquintent la santé. On lui dit que c’est démagogique de les rendre responsable des crises. On lui dit qu’on n’appelle pas « Ghetto » le XVIème arrondissement ou Neuilly !

On lui dit que 17 % c’est trop mais qu’on va se débarrasser des idéologies racistes par la force des idées. Marre des boucs-émissaires. On lui dit qu’il faut encore faire un effort pour intégrer les principes républicains. Que sa coutume c’est d’aller dans les bals en Autriche où l’on fait des choses qui ne sont pas nos usages… On lui dit qu’elle se voile la face avec des artifices rhétoriques. On lui dit que la France des lumières c’est la France des idées. Que ce n’est pas la peine de bouder les débats. Que l’on peut se parler. On lui dit la vérité ! Car nous sommes des citoyens envahis par les valeurs républicaines. Un gouvernement du peuple, par le peuple, pour un peuple aux multiples couleurs. On lui dit cela. On lui dit aussi que si elle nous pousse à nous battre, elle nous trouvera. On lui dit la vérité ! Car nous avons fait nôtre la devise. Nous sommes pressés de liberté, d’égalité et de fraternité. Comme dans un métro aux heures de pointe !

Eric W. Faridès

Décembre 2011-mars 2012

Eric W. Faridès écrit pour la Revue Artefacte, travail, art, science… société, (sortie du n° 3 avant les élections) disponible gratuitement en PDF et sans pub sur le site artefacte-asso.com

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