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12 commentaires

Vaincre Sarkozy, maintenant, par Abéles, Balibar, Castel, Chemillier-Gendreau, ...








Libération, lundi 12 février 2007.



L’ensemble de la gauche doit penser au second tour et ne pas se tromper d’ennemi.



Marc Abéles, anthropologue (EHESS-CNRS)
Etienne Balibar, philosophe (Paris-X Nanterre)
Robert Castel, sociologue (EHESS)
Monique Chemillier-Gendreau, professeur de droit (Paris-VII)
Yves Duroux, philosophe (ENS-Cachan)
Françoise Héritier, anthropologue (Collège de France)
Emmanuel Terray, anthropologue (EHESS)
Michel Tubiana, avocat.



Les péripéties de la campagne électorale ­ candidatures projetées ou abandonnées, « petites phrases », polémiques ­ risquent fort de faire oublier l’enjeu principal de l’affrontement.

Cet enjeu, quel est-il ? Voici un candidat qui se présente au nom d’une droite nouvelle, et qui représente effectivement une synthèse, inédite en France, entre Thatcher et Berlusconi. Bien entendu, ce candidat multiplie les rideaux de fumée, rend hommage aux « travailleurs », évoque Jaurès et Blum, dont il n’a sans doute jamais lu une ligne, afin d’amuser la galerie.

Mais sitôt qu’il passe aux propositions concrètes, la réalité apparaît. Elles sont toutes marquées du signe du libéralisme économique le plus offensif. Qu’on en juge :
­
- bouclier fiscal à 50 %, vidant de toute substance l’impôt sur la fortune ;

-abolition de l’impôt sur les successions ;

­ - démantèlement du Code du travail, par l’institution d’un « contrat unique », inspiré de l’actuel CNE, et aboutissant à priver le salarié de toute sécurité effective pendant les premières années de son embauche ;

-franchise uniforme sur les dépenses de santé, à la charge des assurés ;

-limitation du droit de grève, par l’institution d’un référendum obligatoire au bout de huit jours de conflit ;
­
- non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux, et notamment d’un enseignant sur deux, avec tous les effets qu’une telle mesure peut produire sur les services concernés.

Si, à ces propositions, on ajoute l’atlantisme agressif affiché par le candidat de l’UMP, on obtient le côté Thatcher. Quant au côté Berlusconi, il se manifeste sous deux aspects :

- ­l’utilisation sans vergogne de tous les moyens de l’Etat (préfectures, services de police) à l’appui de sa candidature. Que le ministre de l’Intérieur, chargé d’organiser les élections et de veiller à leur loyauté, soit lui-même candidat, voilà qui nous ramène aux beaux jours du second Empire et de la candidature officielle ;
( N.d.l.r. Des magistrats s’étonnent de propos pro-Sarkozy du chef de la PJ, Reuters, 12/02/2007.)

- les liens étroits qui unissent le candidat aux dirigeants des grands groupes de l’audiovisuel et de la presse écrite : Bouygues, Lagardère, Dassault, etc. D’où le formidable battage organisé par ces groupes en sa faveur.

Par rapport à ses deux modèles, Thatcher et Berlusconi, le candidat de l’UMP n’apporte que deux touches vraiment originales : d’une part, la multiplication, sous couvert de lutte contre l’insécurité, de textes répressifs instituant un contrôle social de plus en plus étroit sur des catégories de plus en plus nombreuses de la population ; d’autre part l’intensité de l’offensive qu’il mène contre les étrangers ­ non seulement contre les étrangers en situation irrégulière, avec la multiplication des rafles, l’arrestation des enfants dans les écoles, etc. Mais aussi contre les étrangers régulièrement établis sur notre sol, avec la précarisation des titres de séjour et les restrictions draconiennes apportées au droit au mariage et au droit de vivre en famille.

Face à une menace aussi redoutable, la mobilisation de la gauche devrait être générale. Or ce n’est pas ce que l’on observe. On observe d’abord un Parti socialiste qui ne défend que très mollement sa candidate contre le tir de barrage auquel elle est soumise. Tout se passe comme si les « éléphants » éliminés avaient décidé de se retirer du terrain et d’assister en spectateurs à la suite du match. Comportement suicidaire, bien sûr, car ils seront eux aussi entraînés, et pour longtemps, dans une éventuelle défaite...

On observe ensuite une gauche de la gauche représentée par non moins de quatre candidats. Comme il est naturel, chacun d’eux veut arrondir sa petite part du gâteau électoral. Il s’en prend donc beaucoup moins à la droite ­ regardée comme hors d’atteinte ­ qu’à ses concurrents les plus proches ou à la candidate socialiste, dont il espère débaucher quelques électeurs. Démarche ruineuse : car qu’on le veuille ou non, plus on jettera le discrédit sur Ségolène Royal avant le premier tour, moins l’appel in extremis à voter pour elle au second tour aura de chances d’être entendu, et on aura finalement travaillé pour le roi de Prusse, ou plutôt pour l’homme de la place Beauvau.

On observe enfin des intellectuels qui se proclament ­ en vertu de quel mandat ? ­ représentants de leur corporation et qui se disent vexés de ne pas avoir été choisis comme experts ou comme conseillers privilégiés. Du haut de leur vanité froissée, ils se déclarent donc prêts, eux aussi, à se retirer sur l’Aventin, ou flirtent avec tel ou tel candidat plus complaisant à leur égard.

Il faut alors le dire bien haut : face au danger qui nous menace, tous ces comportements sont irresponsables. On peut certainement critiquer Ségolène Royal, rejeter telle ou telle de ses propositions, juger qu’à ce jour son projet est trop imprécis. De fait, qu’il s’agisse du nucléaire iranien, du mur israélien ou de la justice chinoise, chacun(e) d’entre nous est en désaccord avec une ou plusieurs des positions qu’elle a dernièrement prises. Par ailleurs, on peut aussi lui faire crédit de sa détermination, et du caractère innovant de sa démarche. Mais une chose est sûre : aujourd’hui comme hier, la gauche et la droite ne peuvent pas être renvoyées dos à dos, surtout quand la droite est représentée par l’apprenti César de Neuilly.

Si Ségolène Royal l’emporte, à supposer même que rien dans ses projets ne nous donne satisfaction, les conditions de notre lutte resteront ce qu’elles sont aujourd’hui ; nos associations pourront s’exprimer, défendre leur point de vue, poursuivre leur action, mobiliser l’opinion et faire pression sur le futur gouvernement, comme elles l’ont fait dans le passé. Rien à voir avec la chape de plomb médiatique et policière qui s’abattra si par malheur l’actuel ministre de l’Intérieur triomphait : demandons à nos amis italiens de nous dire ce qu’ont été les années Berlusconi...

Car la victoire de Sarkozy, nous savons bien qui en paierait le prix fort : non pas tant les élus socialistes, les militants encartés de l’extrême gauche ou les experts autoproclamés, que, avant tout, les sans-papiers, les demandeurs d’asile, les sans-logis, et l’immense armée des RMistes, des précaires et des travailleurs pauvres, dont la condition s’aggraverait encore, comme elle s’est aggravée en Grande-Bretagne après vingt ans de thatcherisme. C’est en pensant à eux que nous voulons dire fermement : assez de ces petits jeux délétères.

Certains d’entre nous donneront dès le 1er tour leur voix à Ségolène Royal, à la fois pour écarter tout risque de voir se répéter le 21 avril 2002, et pour empêcher que ne se creuse entre elle et Sarkozy un écart qui ne pourrait plus être comblé au second tour ; d’autres donneront la préférence à d’autres candidats.

Entre nous, le débat peut et doit être franc et ouvert, à condition de ne jamais oublier que nous nous trouvons dans le même camp, et ce que signifierait le succès du camp adverse. La victoire au second tour se prépare dès aujourd’hui ; elle suppose qu’à l’intérieur de la gauche, la discussion et la critique demeurent fraternelles et préservent les chances du rassemblement final ; elle exige que nos coups soient tous dirigés contre l’adversaire principal.


 Source : www.liberation.fr



Sarkozy dresse tous les citoyens les uns contre les autres, par Jean-Jacques Chavigné.


Nicolas Sarkozy ou la collusion avec les grands patrons (de presse), par NonASarko.

Sarkozy : mainmise sur la presse tricolore, Ian Hamel.






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COMMENTAIRES  

12/02/2007 20:34 par Anonyme

certes, Sarkozy doit être battu au second tour ; cela n’empêchera personne de se remémorer l’action politique de la gauche plurielle notamment Barcelonne et plus récemment la bataille acharnée pour le oui à la constitution libérale européenne menée par royal et hollande (+ la photo de se dernier avec Sarko sur paris-match !)

Donc il faut affirmer une exigeance de gauche au premier tour : pas lutte ouvrière qui par ses caricatures roule manifestement pour la droite, pas pour la ligue qui a refusé dès l’abord toute négociation en vue d’un rassemblement anti-libéral : reste Bové (peu présent jusqu’ici) et buffet...moi je choisis buffet (dans tous les cas évitons trop de dispersion)

13/02/2007 08:31 par Anonyme

En effet, il ne faut pas oublier l’action de la gauche ps pour le oui, mais alors n’oublions pas non plus l’action de la gauche ps pour le non (emmanuelli, melenchon, montebourg...) car si cette gauche ps n’avait pas été présente, et aux avant-postes de ce combat, ce ne sont pas les lcr et autres lutte ouvrière ou pc qui auraient empêchés le oui de passer. Tout ca pour dire qu’il faut faire attention quand on dit "il ne faut pas oublier" !

14/02/2007 12:24 par Thomas

Je respecte vos positions "pragmatiques" mais je crois que vous rêvez là .. Vous comprenez pas que le fait même d’aller voter à cette supercherie d’élection revient à cautionner la dérive de ce système ; je crois sans prétention que la plupart des gens connaissent les positions de SR qu’à travers ses discours de marketing politique ; et son alignement total sur Israël ? sa position pour la fausse constitution européenne ? quelle remise en cause des logiques de l’ultra libéralisme ??? Alors c’est ça la démocratie, voter pour le moins pire des 2 "éligibles" car les autres sont là pour amuser la galerie, le seul qui mérite le respect est malheureusement au cachot. Vous ne comprenez même pas que la République française n’est plus que l’ombre d’elle-même ; autant que Sarkozy gagne, il n’y aura plus de bricolages et de demi mesure, les gens comprendront enfin l’essence même de ce système.
Je n’ai plus d’illusions...Le but pour vous est donc de ne pas voter pour, mais contre le pire des 2 derniers discours...

14/02/2007 14:03 par Anonyme

Au cachot ???? qui ?

* * *

D’ accord avec vous, mais ça, sauf à dire que c’ est rien .... :

Rien à voir avec la chape de plomb médiatique et policière qui s’abattra si par malheur l’actuel ministre de l’Intérieur triomphait : demandons à nos amis italiens de nous dire ce qu’ont été les années Berlusconi... (...)

14/02/2007 23:50 par Anonyme

...n’oublions pas non plus l’action de la gauche ps pour le non (emmanuelli, melenchon, montebourg...) car si cette gauche ps n’avait pas été présente, et aux avant-postes de ce combat, ce ne sont pas les lcr et autres lutte ouvrière ou pc qui auraient empêchés le oui

Finalement, à te lire, c’est grâce au PS qui appelait à voter OUI, que le NON l’a emporté !

C’est sans doute pour cela aussi que les militants bobos du PS ont désigné Royal pour mieux faire gagner Sarko !
Comprenne qui pourra ?

Mais de concession en concession au capitalisme, nous avons Blair comme modèle soce référent de Sarko !

Nous devions avoir Jospin...et on a eu Chi-Chi. Quel bilan en ont tiré les dirigeants sociaux-libéraux en 5 ans ?
Les mêmes causes produisant les mêmes effets...

Et maintenant, vous demandez au petit peuple de réparer in-extrémis l’autisme qui vous égare depuis tant d’années.

Depuis trop longtemps dans vos rangs, le peuple n’est plus une cause à défendre, mais un problème à résoudre.
Toto

21/02/2007 17:08 par damso

Ces mêmes Mélenchon et Emmanuelli qui font campagne avec Royal, qui a votée oui à la constitution.
N’y avait il pas quelques arrières pensées politico-arriviste à leur choix ??

12/02/2007 23:46 par Anonyme

Je partage totalement votre position. Tous les "égo" de gauche devraient se mettre en veille et soutenir la seule qui aujourd’hui peut éviter le plus grand danger que la 5ème ait connu. Point n’est besoin d’être grand clerc pour l’avoir déjà compris. Au delà du danger immédiat ( Présidentielle) je pense aussi au reste ( libre échange en panne et planète en danger) et sur ces points elle me paraît être plus ouverte et créative que bornée.
Par contre et bien que de sensibilité différente, je voterai d’entrée pour SR dont l’intervention devant les jeunes de Grenoble m’a parlé et celle d’hier convaincue . Ce matin, j’avais retrouvé un peu de légèreté pour tenter de convaincre à mon tour . Je n’ai d’ailleurs pas de grande difficulté à le faire car les sages et les généreux , ont déjà compris que le moins pire sera le meilleur dès le premier tour. Nous n’avons le droit de jouer à la roulette russe dont les plus fragiles d’entre nous assumeront surtout les conséquences.
j’ai été très déçue par les réactions fielleuses d’AL et MGB à l’annonce du pacte SR. Du même jus que celui dont nous abreuve le cabinet des coups tordus de NS.

13/02/2007 16:23 par Anonyme

je ne crois pas que la social-démocratie ait prouvée qu’elle soit sage et généreuse...elle reproduit ce qu’elle appelle un ordre juste (ce qui est juste un ordre dominant, pas mieux...) en europe le modèle blairiste semble être l’horizon d’attente des divers alliés de centre droit ou gauche (merkel, strauss-khan,prodi,hollande,...)pas d’illusion de ce coté ! les humbles ont intérêt à chercher d’un autre coté s’ils veulent une vrai redistribution des richesses

16/02/2007 12:46 par à -nos-amis

""( )Tout se passe comme si les « éléphants » éliminés avaient décidé de se retirer du terrain et d’assister en spectateurs à la suite du match. Comportement suicidaire, bien sûr, car ils seront eux aussi entraînés, et pour longtemps, dans une éventuelle défaite... ( )""

FAUX ! seule une catastrophe de ce genre (mais on peut supposer qu’elle n’arrivera pas car personne n’aime Sarkozy et son ego surdimensionné : les loups se dévorent entre eux) peut suscitter un regain de conscience (pour les législatives par ex) et un renouveau du combat social. De toutes manières je préférerais toujours un Bayrou centriste et humaniste qui annonce ce qu’il est, à une libérale-sociale qui anesthésiera davantage in fine la vraie moblisation de gauche, nous braquera contre la Russie et nous jettera dans la guerre. Le PS a mal choisi son candidat pro-constitution, qu’il assume, nous nous assumerons ! Au second tour presque personne ne votera pour Sarkozy comme presque personne n’a voté Le Pen en 2002 ! Comme dit Bayrou "tout le monde sait reconnaître un renard d’une poule !" (qu’il soit de droite ou de gauche.. ndla)

16/02/2007 13:30 par J.m lo

les loups se dévorent entre eux et ... nous aprés .. alors le regain de conscience ???

>L’ huamniste Bayrou centriste

Elu avec les arrangements de ses copain UMP !

>une libérale-sociale qui anesthésiera >davantage in fine la vraie moblisation de gauche,

Toujours donc le bon coup de bâton pour que la vraie gauche se réveille, OK, mais vous le "chiffrer" à combien pour qu’ il reste acceptable quand même ce coup de bâton ?

Vous êtes prêt à payer, oui, ok, mais jusqu’ où ? vous savez quand ça s’ arrête vous ??

>Au second tour presque personne ne >votera pour Sarkozy comme presque >personne n’a voté Le Pen en 2002 !

Ah bon ?????

Et pour le renard et la poule, il y a aussi des renards qui savent se déguiser en poules !

16/02/2007 22:05 par à -nos-amis

" ( )Vous êtes prêt à payer, oui, ok, mais jusqu’ où ? vous savez quand ça s’ arrête vous ? ? ( )"

Non je ne suis pas prêt à payer et, non, je ne sais pas quand ça s’arrête !

Par contre je suis sùr d’une chose : je ne veux pas que le tiers monde paie une nouvelle fois au travers d’une guerre à l’Iran et je crois honnêtement que Ségolène Royal dans son adhesion au conformisme légaliste et prétendument démocratique, n’évitera pas cette guerre, car depuis des décennies le PS est le parti de la guerre.

Enfin, oui, je crois à la transversalité des valeurs en morale politique et donc à la transversalité de l’humanisme, même si l’erreur est justement humaine..

16/02/2007 21:21 par revizor

Tout cela me rappelle une caricature publiée par Charlie-Hebdo en 1974 qui disait : " les gauchistes ne voteront pas Mitterand car ils ne veulent pas être matraqués par des CRS de gauche".Je suis dans le même état d’esprit que ces gauchistes qui ,contrairement à ceux d’aujourd’hui, avaient un peu de jugeote.
Depuis plus de 30 ans le PCF nous a fait le coup à chaque fois de nous appeler à "Battre la droite" avec les résultats que l’on sait : montée du Front national, casse de nos industries, chômage, profits en hausse, précarité,perte de notre indépendance nationale, privatisations et cela le plus souvent sous des présidents ou gouvernements de gauche
Alors je ne fais confiance ni aux duettistes Sarkolène et Ségozy qui veulent faire payer la crise du capitalisme aux travailleurs, ni à leurs challengers de la gauche antilibérale, quelle que soient les chapelles auxquelles ils se rattachent, qui ont trahi la victoire du NON populaire, du NON de classe du 29 mai 2005.
Alors pour moi c’est "Bonnet blanc et blanc bonnet"
Abstention, vote blanc ou nul les 22 avril et 6 mai 2007.

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