@benjabulle : doutez d’abord, cela vous permettra de réfléchir ensuite.
@Frédéric : aucun risque, contrairement à vous, apparemment, je ne vais pas sur les sites de fachos.
@Laurent Dauré
Je ne vois pas en quoi je serais "injuste" avec Emad Burnat : je n’ai pas parlé de lui, sauf pour dire qu’il parlait anglais.
D’ailleurs, vous affirmez :" "Sinon, le fait qu’Emad Burnat parle l’anglais n’est en rien surprenant si l’on prend en compte le fait qu’il est devenu journaliste …" mais, où avez-vous donc pris cela ? Ce n’est pas ce qui est dit par tous les médias, qui le présentent comme "paysan" ou "cueilleur d’olives".
Et comment pourrait-il avoir désormais un statut de journaliste, alors que ce qu’il a fait, c’est filmer les événements de son village et assurer la promotion du film ? On deviendrait, donc, journaliste en correspondant seulement avec les médias ?
D’autre part, le fait qu’il serait devenu "journaliste" ne justifie aucunement qu’il parle anglais couramment.
Ensuite, vous estimez qu’il serait "judicieux et prudent de voir 5 caméras brisées avant d’exprimer de tels jugements" : je n’ai pas parlé du contenu du film, là non plus, mais du contexte, dont on peut retrouver partout sur Internet la même version.
"Vous dépossédez en quelque sorte Emad Burnat de son statut d’auteur, mais aussi de son autonomie et de son libre arbitre" : ah bon ? Tout ça ?
Vous n’avez sans doute jamais collaboré à un travail pour ignorer qu’automatiquement l’un influence l’autre et vice-versa, sinon à quoi servirait-il de collaborer, autant agir en "autonomie", non ?
Et cette collaboration n’est tout de même pas superficielle et uniquement technique.
Guy Davidi n’a pas travaillé sous la direction de Burnat (d’ailleurs, ils cosignent le documentaire et en font la promotion ensemble), c’est lui qui a tout de même écrit le texte que dit Emad Burnat, car, dit-il :
"je pense que la qualité de cette voix résulte de l’alliance de nos deux sensibilités et j’ai une approche très poétique de la langue. Je me suis inspiré de mon expérience à Bil’in, et des conversations que j’ai pu avoir avec les habitants sur place".
On ne peut être plus explicite. Je ne rêve, donc, pas : c’est dans le texte que vous proposez en lecture et que j’ai bien lu avant d’écrire mon commentaire, peut-être plus attentivement que vous.
"Qu’est-ce qui vous permet de soupçonner que son combat en faveur des Palestiniens est "forcément" contaminé par des "préjugés" et des "limites""
Veuillez ne pas interpréter ce que je dis :
1 - je n’ai pas parlé de "contamination"
2 - je ne "soupçonne" rien du tout, et Davidi est certainement sincère, mais j’affirme que leur point de vue est "forcément" différent.
Car, comme tous ceux qui ont le courage d’aller soutenir les Palestiniens, il a toujours la possibilité de rentrer chez lui, et n’est pas, donc, nu et cru à la merci d’une force occupante.
Il me semble qu’il n’est pas difficile de saisir que cela change le point de vue, aussi empathique que puisse être celui de l’observateur, sans que ce soit pris pour de la médisance ou de la mesquinerie.
D’autre part, quand deux personnes collaborent, elles le font chacune avec leur vécu. N’importe qui peut comprendre cela. Et dans le cas du film, un film militant de surcroit, il est clair que l’un ne s’est pas effacé devant l’autre et si la base, c’est ce qui a été filmé par l’un, il a bien fallu trier des km de pellicule et, déjà cela signifie qu’il y a eu choix, et donc, censure et "limites".
Je n’en dis pas plus que cela, parce que je ne sais pas ce qui s’est passé entre eux, qui était le plus virulent et qui était le plus modéré. N’extrapolez donc pas.
Mais c’est une évidence dans le cas de toute collaboration, et, en particulier, en ce qui concerne des images. L’objectivité n’existe pas, puisqu’il y a obligatoirement choix entre ce qu’on montre et ce qu’on ne va pas montrer, et que le commentaire qui est fait de l’image ajoute une nouvelle subjectivité.
Et un documentaire, c’est, justement, une somme de choix et de subjectivités.
Je ne suis pas, moi, novice dans le soutien des Palestiniens et de leurs luttes.
Je ne découvre donc pas ce qu’ils subissent depuis des décennies et ce n’est pas un film, promu par la "communauté internationale", qui plus est, qui va m’ébranler plus qu’un autre. Je comprends, cependant, que certains aient besoin de cela pour être confrontés à la sinistre réalité.
Mais, cela fait des années qu’il y a des articles concernant Bi’lin (et d’autres villages concernés par le mur d’apartheid) et la résistance non-violente des villageois.
L’histoire de Bassem Abu Rahme, elle est bien connue, et ce n’est pas le seul à être mort lors de manifestations pacifiques contre la construction du mur (quelques exemples : ici, où on voit, justement, la vidéo de la mort de Bassem, là ou là ).
Et il y a de nombreuses photos et de nombreux reportages qui ont été tournés sur le sujet.
Donc, un film romancé ne m’apprendra pas plus que ce que je sais déjà . Et qui me révolte, certes.
Mais malgré la médiatisation des manifestations pacifiques contre le mur, que s’est-il passé pour les Palestiniens ? RIEN, ou plutôt, si : les colonies avancent encore et reprennent toujours plus de terrain aux Palestiniens.
Malgré les bombardements réguliers sur Gaza et l’indignation mondiale qu’ils suscitent, quelles avancées y a-t-il eues pour les Palestiniens ? Aucune.
Les condamnations de l’ONU pleuvent, mais l’embargo se poursuit, les Gazaouis sont enfermés dans une prison à ciel ouvert, et leurs mouvements sont réduits à quasiment rien : ils ne peuvent sortir de leur enclave, et le blocus destructeur les empêche de se nourrir correctement, de travailler (même l’accès des pêcheurs à la mer est limité), d’instruire leurs enfants, de se soigner et de reconstruire ce que l’armée d’occupation s’acharne à détruire régulièrement.
Et cela fait 60 ans qu’on les enserre progressivement dans un étau pour les décourager de rester.
60 ans que les Palestiniens sont chassés de leurs terres, et vivent, frappés d’ostracisme, là aussi, dans des camps de réfugiés sans espoir de retour, quand des étrangers sont installés d’autorité sur leurs propres terres, et qu’on les prive constamment des ressources vitales, comme la nourriture, l’eau et l’électricité.
Il est là , le vrai film. Et il est d’une ampleur énorme.
Mais les Palestiniens sont des résistants, c’est leur force qui leur a permis de rester debout, malgré les multiples coups du sort, et s’ils sont contents du soutien des militants internationaux, ils voient bien que rien n’avance.
Et rien n’avancera tant que nous continuerons à élire des dirigeants qui fermeront les yeux sur, voire encourageront, les crimes de l’Etat d’Israël.