RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Affaire Djouhri : les juges anglais face au vide français.

Bon, je sais. Et je ne vous en veux pas si vous m'envoyer en vacances avec Victor Orban. C'est que vous ne m'aurez pas compris. Si je m'intéresse au dossier Djouhri ce n'est pas pour sa proximité avec la droite et la pire, Sarkozy, c'est qu'il est victime d'un piège judiciaire intolérable dans une République. Avoir des "principes" c'est tenter de les défendre tous, même quand c'est inconfortable.

Nos amis « investigateurs », ces journalistes hors norme qui accomplissent un travail admirable d’époque pré-Gutenberg, en recopiant la langue tordue par l’application, les procès-verbaux fournis à eux par des amis magistrats, policiers ou avocats, étaient tous le 12 septembre dernier en voyage à Londres. La Westminster Magistrates Court, la « right stuff » de la justice de sa Majesté, se réunissait ce jour pour examiner, une fois de plus, le sort d’Alexandre Djouhri citoyen français arrêté le 7 janvier dernier à la demande du Parquet National Financier. Le PNF, un OVNI judiciaire français créé en forme d’exorcisme par François Hollande après le cataclysme de l’affaire Cahuzac...

En fait non, le grand inquisiteur qui guide ma plume informatique allume ici le feu rouge et me signale que je déraille. Comme un train de banlieue à Brétigny. Dans l’oreillette d’un wifi imaginaire, le spectre me dit : « Pas du tout, les journalistes français présents le 12 septembre dans les couloirs de la Westminster Court ne venaient pas pour Djouhri, mais pour le jugement d’un autre grand bandit tricolore : Hugo Loris, portier de nuits trop longues, coupable d’avoir conduit bourré ! ». Le spectre a raison et je suis très déçu. Marri que les « investigateurs » n’aient pas pris la peine de venir investiguer au pays de Sherlock. Sans doute messieurs Niel et Drahi n’ont-ils plus assez de sous pour offrir le voyage à leurs employés modèles, qui n’ont permission que de se rendre à la « Brasserie du Palais », là où le PV se ramasse à la pelle.

Donc Djouhri devant l’honorable Emma Arbuthnot, présidente de la Court, assisté de son barrister Mark Summers (par ailleurs avocat d’un autre colossal malfaiteur, Julien Assange), était pour l’audience sans « investigateurs » sur le dos. Me voici donc contraint de suppléer mes collègues (je ne dis pas confrères), impécunieux. Mais, patatras, l’objet du débat prenait vite la forme du fameux drame de Samuel Beckett, En attendant Godot. Sauf qu’à la Westminster Court le 12 septembre, ce n’est pas Godot que l’on attend (depuis des semaines), mais le PNF représenté par le barrister Ben Watson. Pardon cher Ben mais le PNF fut donc une chaise vide.

Et voilà que la présidente Arbuthnot commence à s’irriter des tergiversations des magistrats français. Pour l’instant incapables de répondre aux questions posées par sa Court : les interrogations portent sur la légitimité de la répression exercée par Londres contre Alexandre Djouhri, à la demande de Paris. Emma Arbuthnot est connue au palais pour sa rigueur d’épée, n’est-ce pas elle qui a mis fin au libéralisme fou des taxis Uber au Royaume Uni ? Ce 12 septembre la magistrate à perruque s’énerve un poil. Au point de grommeler un « wrong » qui a du sens. Il s’applique aux dispositions qu’elle a prises à la demande du PNF : Djouhri privé de liberté, attaché à une chaîne pendant plusieurs semaines (y compris lors d’une opération du cœur) avec à la clé deux millions d’euros de caution. Ces détails ne sont pas du Benalla au pays de l’Habeas Corpus, celui de la liberté avant toute chose : outre la perruque la dame ne veut pas perdre son honneur et porter le chapeau. Ben Watson lui-même avait du mal à expliquer calmement la vacuité des réponses de son client PNF, pourtant à l’initiative des poursuites contre Djouhri... Bref le barrister a obtenu un délai supplémentaire d’une semaine. Les « investigateurs » ont donc le temps de commander des billets d’Eurostar à prix réduit pour rattraper le temps perdu.

Pour les lecteurs égarés dans mes lignes, je rappelle rapidement les fameuses questions d’Emma Arbuthnot. Elles portent sur la validité du mandat d’arrêt délivré par Paris contre Djouhri. Analysée par le professeur de droit Didier Rebut, un homme dont la rigueur n’est pas contestée, la procédure engagée par le PNF pourrait, au choix des mauvaises langues, être qualifiée de faux mandat ou de traquenard judiciaire ! Rappelons que Djouhri, avant de faire l’objet d’un mandat d’arrêt européen, n’a jamais été convoqué par les juges, et a fortiori, jamais mis « en examen ». Avec un casier judiciaire vierge et l’absence de délit reconnu, il est juridiquement impossible, nous dit Didier Rebut, de se lancer dans cette chasse à l’Alexandre.

Pour leur part, deux des avocats de Djouhri ont envoyé un dossier à Emma Arbuthnot. D’abord le défenseur suisse Jean-Luc Herbez tente de donner un sens au vide. Son client, qui réside en Suisse depuis des années et qui participe aux votations locales, aurait, alors qu’il séjournait chez lui à Genève à la fin décembre 2017 et aux premiers jours de 2018, échappé au fameux mandat français... Mais pourquoi les magistrats du PNF ont-ils oublié de préciser l’adresse de Djouhri ? Alors qu’ils connaissent sa résidence pour l’avoir perquisitionnée en 2015 ? Pourquoi ce « fugitif » à l’insu de son plein gré a t’il été embarqué dans un avion pour Londres plutôt que questionné en Suisse. En adressant une demande d’entraide judiciaire aux autorités helvétiques, le PNF pouvait sans difficulté interroger l’homme d’affaires à Genève... Voilà, mis en avant par maître Herbez, les trous dans la raquette des enquêteurs.

C’est aussi Pierre Cornut-Gentille, le défenseur parisien, et historique du « fuyard » de Londres, qui adresse ses remarques à la présidente de la Court. Une fois encore, l’avocat répète que son client n’a jamais été convoqué légalement par le PNF, et que l’argument de la fuite ne tient pas plus que la valeur du mandat qui créé le motif : « la délivrance d’un mandat d’arrêt au cours de l’information ne confère pas à celui qui en est l’objet la qualité de mis en examen... ».

Cette précision permet aux avocats de Djouhri de faire prévaloir l’innocence de leur client puisqu’il ne fait l’objet d’aucunes poursuites légales...

Voilà donc les questions simples posées à un PNF compliqué. Et qui semble se gratter longuement la tête avant de répondre. Silence qu’Emma Arbuthnot ne va pas, semble-t-il, être en mesure de supporter sans perdre son self control et déclencher son propre « brexit ».

URL de cet article 33811
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Éric Laurent. Le scandale des délocalisations.
Bernard GENSANE
Ce livre remarquable est bien la preuve que, pour l’hyperbourgeoisie, la crise n’est pas le problème, c’est la solution. Éric Laurent n’appartient pas à la gauche. Il est parfois complaisant (voir ses livres sur Hassan II ou Konan Bédié). Mais dans le métier, on dit de lui qu’il est un " journaliste d’investigation " , c’est-à -dire … un journaliste. Un vrai. Sa dénonciation des délocalisations, par les patronats étatsunien et français en particulier, est puissamment documentée et offre une (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Citoyens,

Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre vie, souffrant des mêmes maux. Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne consultent que leur propre intérêt et finissent toujours par se considérer comme indispensables. Défiez-vous également des parleurs, incapables de passer à l’action ; ils sacrifieront tout à un beau discours, à un effet oratoire ou à mot spirituel. Evitez également ceux que la fortune a trop favorisés, car trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère. Enfin, cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du peuple, résolus, actifs, ayant un sens droit et une honnêteté reconnue. Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c’est aux électeurs à choisir leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter. Citoyens, Nous sommes convaincus que si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des mandataires qui ne se considèrent jamais comme vos maîtres.

Le Comité Central de la Garde Nationale »

Texte de l’affiche apposée avant l’élection de la Commune de Paris, 25 mars 1871.

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.