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Lagarde rapprochée du Président

En plein été maussade, l’affaire Tapie change de look. Elle devient, par la décision de la Cour de Justice de la République d’ouvrir une enquête pour détournement de fonds publics et usage de faux, l’affaire Lagarde. Elle va rapidement se révéler comme le plus grand scandale politico-financier de la Vème République. Pourtant, elle n’est que la partie émergée de l’iceberg régulièrement consolidé depuis plus de vingt ans par de douteuses pratiques politiques que le sarkozysme a grandement banalisées. La crise politique qui est d’abord la perte de confiance des citoyens envers la classe politique doit beaucoup à l’abandon coupable des représentants de l’Etat aux sollicitations appuyées des intérêts privés dominants. Pour restaurer la démocratie ainsi sacrifiée il ne suffira pas que Mme Christine Lagarde aille au tapis. L’arbre abattu découvrira une forêt profonde à éclaircir. N’oublions pas qu’un été plus tôt M. Eric Woerth était sur la sellette.

L’accession au pouvoir politique est elle-même devenue une grande affaire nécessitant la constitution d’un solide réseau imbriquant étroitement personnalités politiques éminentes, dignes représentants des « milieux d’affaires », membres les plus visibles ou lisibles des médias influents. Cette nécessité cardinale a été puissamment renforcée depuis que l’économique a pris le pas sur le politique. La conséquence essentielle de ce changement fondamental de l’organisation des sociétés humaines réside dans le brouillage croissant de la frontière entre la sphère des activités privées et celle des préoccupations publiques du service de l’intérêt général. L’abolition progressive de la frontière public /privé permet la vulgarisation du renvoi d’ascenseurs, sport désormais favori des élites politico-économiques. Je finance ta campagne, tu soigneras mon impôt et m’ouvriras des marchés. Gageons que les débats actuels autour de la notion de conflit d’intérêts ne sont pas près de trouver une concrétisation mettant fin à un mélange des genres clairement antidémocratique. Le projet de loi en matière de « gestion du médicament » n’est qu’un exemple, parmi de nombreux autres domaines, du manque de volonté politique de rétablir des frontières étanches entre intérêt général et intérêts particuliers.

Pour donner de la chair au calamiteux constat il convient de pénétrer les arcanes du sarkozysme. Au coeur du réseau tissé bien avant l’élection du 6 mai 2007 on trouve la déjà légendaire « bande du Fouquet’s. Ce n’est pas tant la victoire d’un homme que l’on arrosa ce soir-là en ce lieu symbolique du « bling-bling » Que les fructueuses retombées à venir induites par ce succès tant escompté. Jetons pêle-mêle quelques exemples du fric-à -frac qui annonça très vite sa couleur. Le sondeur Pierre Giacometti bénéficie de contrats à l’année avec la présidence de la République et Matignon. Le publicitaire François de La Brosse a récupéré une partie des commandes concernant la stratégie internet de l’Elysée et de l’UMP. Alain Minc, conseiller du Président et de nombreux PDG du CAC 40, est peut-être le plus symptomatique de l’affairisme ambiant : il a défendu l’ouverture des jeux en ligne et la limitation de la publicité à la télévision, deux dossiers dont certains de ses clients ont tenté de tirer parti. Entremetteur de haute volée, Alain Minc a plaidé à l’Elysée en faveur de la fusion GDF-Suez, dont l’un des principaux bénéficiaires financiers fut le milliardaire belge Albert Frère. Henri Proglio a été nommé en novembre 2009 à la tête d’EDF en obtenant même, dans un premier temps, de pouvoir garder parallèlement sa casquette de président du conseil de surveillance de Veolia, avec des émoluments annuels de 450 000 euros. M. Nicolas Sarkozy a également aidé indirectement nombre de ses amis PDG : il a joué les VRP pour l’avionneur Serge Dassault dans tous les pays où il s’est rendu, a reçu dignement M. Evo Morales afin que Vincent Bolloré puisse discuter avec lui de l’exploitation des gisements de lithium destiné à alimenter les batteries de ses voitures électriques. Les casinos du groupe Barrière - dont le Fouquet’s fait partie - dirigé par Dominique Desseigne, ont bénéficié d’autorisations d’installation de machines à sous et se sont alliés à la Française des jeux pour le poker en ligne. La fondation Louis Vuitton pour l’art contemporain (émanation du groupe LVMH dirigé par Bernard Arnault (a été reconnue d’utilité publique afin de faciliter son installation à Paris. Le groupe Bouygues ne pouvait échapper à la distribution des prix : il a été choisi pour construire le futur « Pentagone français » dans le 15ème arrondissement de Paris. Enfin, ce n’est pas moins d’une vingtaine de convives de la soirée du Fouquet’s qui furent depuis décorées de la légion d’honneur.

Copinage et barbotage sont bien les deux mamelles du sarkozysme avide. Sur cet arrière-fond à peine voilé de la politique officielle qui peut croire sérieusement que Mme Lagarde a agi de son propre chef dans l’affaire qui désormais intéresse la justice ? Son affaire n’est que l’un des fragments - certes de belle taille ! - d’une vaste mosaïque dont la vie politique aura du mal à se départir. Mme Martine Aubry prépare ardemment l’après-sarkozysme. La maire de la capitale du Nord a rassemblé récemment plus d’une vingtaine de grands dirigeants du privé de l’agglomération lilloise, de Maxime Holder (boulangeries Paul) à Vianney Mulliez (Auchan), en passant par le président du Medef régional, Jean-Pierre Guillon. Ils ont tous accepté de retrousser leurs manches à ses côtés pour l’emploi des jeunes, première préoccupation des grands patrons comme chacun le sait. Si, grâce à ces soutiens précieux, Mme Aubry entrait à l’Elysée il serait bon qu’elle convainque la famille Mulliez, l’une des premières fortunes de France, domiciliée fiscalement en Belgique, de revenir chez nous payer ses impôts. Sinon, l’air du soupçon se lira encore longtemps sur les lèvres de nombreux citoyens définitivement perdus pour la chose politique. Patience !

Yann Fiévet

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