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Le châtiment de Julian Assange (Counterpunch)

La dernière tentative de Julian Assange pour obtenir l’annulation de son mandat d’arrêt en Grande Bretagne a échoué ; au sein de ce qui apparaît comme l’un des exemples les plus flagrants et les plus cruels du système juridique britannique, utilisé comme un outil de persécution contre un homme dont l’unique crime est de dire la vérité au pouvoir.

La juge qui a présidé l’audience et qui a sommairement rejeté l’affaire, est Lady Arbuthnot d’Edrom. Vous avez bien lu. Durant cette seconde décennie du 21ème siècle, le système juridique britannique est toujours dominé par le genre de personnes dont le programme du matin consiste à flageller le majordome. Lady Arbuthnot est aussi l’épouse de l’ancien Ministre délégué de la Défense, le conservateur lord James Arbuthnot, dont le père était le Major John Sinclair Wemyss Arbuthnot.

Ces ridicules privilégiés du système et de la public school britanniques (l’éducation privée pour ceux qui ne connaissent pas les codes invraisemblables et impénétrables de l’élite britannique au pouvoir) sont les gardiens d’une classe oppressive à domicile et impérialiste à l’étranger. En osant leur arracher ce masque d’humanisme et de droiture morale derrière lequel ils ont, ainsi que leurs maîtres états-uniens, longtemps exercé leurs actes de brutalité et de barbarie dans leur patrie et dans le monde, Assange est la victime de leur immense fureur.

Si Julian Assange avait été confiné dans une ambassade étrangère à Moscou ou à Pékin pendant cinq années, pour les mêmes raisons ayant conduit à son confinement dans l’ambassade équatorienne à Londres, son calvaire aurait été une cause célèbre, suscitant des appels au boycott, des sanctions et une action de l’ONU par les libéraux, défenseurs de la liberté d’expression et des prisonniers d’opinion, qui ne cessent d’excorier la Russie et la Chine.

Il y a pourtant eu intervention de l’ONU à cause de la situation critique du fondateur de Wikileaks. En Février 2016, son groupe de travail sur la détention arbitraire a décidé que la « détention arbitraire de Julian Assange doit cesser, que son intégrité physique et sa liberté de mouvement doivent être respectées, et qu’une compensation doit lui être accordée ».

Puisque les autorités suédoises ont abandonné l’enquête sur les accusations de viol et d’agression sexuelle contre Assange en 2010, qu’il a toujours niées et qu’il a dénoncé comme ayant des motivations politiques, le mandat d’arrêt britannique en cours, pour violation des conditions de la liberté sous caution en 2012, en lien avec les frais de caution, est aujourd’hui contestable.

Julian Assange, rappelez-vous, a cherché refuge dans l’ambassade équatorienne à Londres, non pas par peur d’une extradition vers la Suède mais parce qu’il craignait d’être extradé vers les États-Unis en tant que fondateur et « visage » de Wikileaks.

En 2018, la menace d’une extradition vers les États-Unis pèse toujours sur lui et avec le mandat d’arrêt britannique toujours maintenu, cette menace est encore plus grande à cause du rôle joué par Wikileaks dans la diffusion des faits accablants concernant Hillary Clinton, la Fondation Clinton, et la direction du DNC (Democratic National Committee) à l’approche de l’élection présidentielle américaine en 2016. Il s’ensuivit une rage volcanique de l’establishment libéral de Washington lorsque Clinton a perdu l’élection face à Donald Trump.

Clinton, ses soutiens et des éléments de l’establishment à Washington prétendent que les informations publiées par Wikileaks proviennent d’un piratage russe alors qu’Assange et des groupes comme Veterans Intelligence Professionals for Sanity (VIPS), constitués d’anciens agents et officiels des services secrets états-uniens, maintiennent que ces informations proviennent d’une fuite à l’intérieur même de Washington. Jusqu’à ce jour, le prétendu piratage russe ou le Russiagate reste à prouver.

Encore une fois, le vrai crime commis par Assange n’est pas d’avoir violé les conditions de sa mise en liberté mais d’avoir osé dire la vérité au Pouvoir. Wikileaks sous sa direction est devenu la bête noire des gouvernements, en particulier ceux de l’occident, en révélant la sinistre vérité des crimes commis par les forces US en Irak, le rôle de l’occident dans la déstabilisation de l’Ukraine en 2014, la destruction de la Libye, sans parler du rôle joué dans la dénonciation d’Hillary Clinton en tant que politicienne dont le dossier est un monument à la gloire de la duplicité.

Wikileaks est, et continue d’être, une épine qu’ils veulent détruire. Ce qui signifie que Julian Assange doit être détruit, un homme qui nous enseigne que croire que nous vivons dans une société libre et agir comme si c’était vraiment le cas, n’est pas pareil.

La première idée vous permet de vivre dans une bulle de confort soporifique, pendant que la seconde est susceptible de vous confiner dans une ambassade étrangère pendant cinq années voire plus.

Le prix payé par Assange physiquement et psychologiquement suite à son confinement ne doit pas être négligé. En effet, deux médecins ont récemment confirmé son état après l’avoir examiné dans l’ambassade en Octobre 2017, ils ont appelé à ce qu’on lui garantisse l’accès aux soins, en toute sécurité, dans un hôpital londonien. Dans un article du Guardian, les médecins déclarent : « bien que les résultats de l’évaluation [médicale] soient protégés par la confidentialité médecin-patient, selon notre avis professionnel, poursuivre ce confinement est dangereux pour sa santé physique et mentale, c’est une violation certaine de son droit d’être humain aux soins de santé. »

Il convient de le répéter : Julian Assange, tout comme le fut Chelsea Manning, et le sera Edward Snowden s’il ose quitter la Russie, est puni pour avoir ôté le voile de la liberté, des droits de l’Homme, et des libertés civiles de la face de l’empire du mensonge et de l’hypocrisie. Ils nous ont menti à propos de l’Irak, ils nous ont menti à propos de la Libye, ils nous ont menti à propos de la Syrie et ils mentent tous les jours sur les relations troubles entre les gouvernements, les entreprises, et les riches qui renient leurs prétentions de gouverner dans l’intérêt du peuple.

Tant que Julian Assange n’est pas libre, aucun d’entre nous ne le sera.

John Wight

John Wight est l’auteur de Dreams That Die, une étude non politiquement correcte et irrévérencieuse, publiée par Zero Books. Il a également écrit 5 romans, disponibles au format Kindle. Vous pouvez le suivre sur Twitter @JohnWight1

Traduit par Vagabond

»» https://www.counterpunch.org/2018/02/15/the-scourging-of-julian-assange/
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