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Cent ans de la Révolution d’Octobre : entretien avec Georges Gastaud

Entretien d’Initiative Communiste avec Georges Gastaud, auteur du Nouveau défi léniniste (Delga), secrétaire national du PRCF, à propos d’Octobre 17 et du rassemblement du 4 novembre 2017 à Paris. Inscrivez vous au rassemblement du 4 novembre 2017 à Paris pour les 100 ans de la révolution d’Octobre. Ne manquez pas le meeting international et le spectacle exclusif de la compagnie Jolie Môme pour retrouver l’élan révolutionnaire, la solidarité internationaliste pour faire place aux peuples.

IC – Le PRCF organise, avec de nombreux PC étrangers, un rassemblement à propos du 100ème anniversaire de la Révolution d’octobre. Qu’est-ce qui le distingue d’autres « commémorations » organisées en France ?

Georges Gastaud : Tout d’abord, nous nous opposons du tout au tout à la campagne tapageuse de diabolisation de Lénine, d’Octobre 17, de l’URSS, et plus généralement, de l’idée même de révolution et de lutte populaires (y compris, donc, de la Révolution française et de la Commune de Paris !) qu’organisent actuellement la grande bourgeoisie, ses médias et ses pseudo-historiens, avec naturellement la totale complicité de la fausse gauche, type Libé, mais aussi du faux communisme. C’est donc « légèrement différent » de l’étrange « commémoration » d’Octobre qu’a organisée, par ex., l’Huma-Dimanche en posant la question, ô combien offensive, « que reste-t-il de la révolution d’Octobre ? » et en donnant la parole à cet anticommuniste acharné qu’est Nicolas Werth, l’un des bons amis du très douteux Stéphane Courtois.

Nous ne sommes évidemment pas de ceux qui prétendent que « le communisme est intrinsèquement pervers », comme le disait naguère le Vatican car il est facile de montrer que, relançant l’énorme élan historique issu de la Révolution française (que Lénine admirait), la révolution ouvrière et paysanne russe a donné une impulsion majeure aux luttes et aux progrès sociaux et aux avancées civilisatrices du XXe siècle : forgée dans la lutte contre la guerre impérialiste mondiale qu’impulsèrent avant tout les bolcheviks, la révolution soviétique a donné une dynamique énorme aux luttes prolétariennes de par le monde, mais aussi au mouvement mondial pour l’émancipation des peuples colonisés, au mouvement pour l’émancipation des femmes (combien des « journalistes » bourgeois qui palabrent chaque 8 mars savent-ils que cette journée de lutte, impulsée par Clara Zetkin – fondatrice de l’Internationale communiste, mais aussi du Parti communiste français ! -, a donné le signal du soulèvement anti-tsariste le 8 mars 1917 ?) et plus globalement, à toutes les dynamiques progressistes du 20ème siècle ? Sans entrer dans un grand débat historique, tout syndicaliste tant soit peu revendicatif, tout progressiste sérieux, tout antifasciste conséquent, tout patriote attaché au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, est bien forcé de constater que, depuis que l’URSS est tombée à l’issue d’affrontements de classes (à la fois internes et géopolitiques), le camp du capital, de l’impérialisme et de la réaction a provisoirement repris l’initiative historique, même s’il se heurte à des résistances croissantes. « Tu reconnaîtras l’arbre à ses fruits », dit quelque part ce texte – plus matérialiste qu’on ne croit – qu’est l’Evangile. Les fruits d’Octobre rouge, ce furent les immenses mouvements d’émancipation du XXe siècle que couronna la victoire sur le nazisme et les immenses conquêtes qui en résultèrent (en France, celles du CNR et des ministres communistes ET LENINISTES qu’étaient Thorez : statut de la fonction publique, statut du mineur, M. Paul : nationalisation des Charbonnages, de l’EDF, de Renault...), Croizat (Sécurité sociale, retraites par répartition, code du travail, généralisation des conventions collectives, comités d’entreprise...), Joliot-Curie (création du CEA), Wallon (renouveau démocratique de l’Education nationale...). Alors que le fruit pourri de la CONTRE-révolution qui a triomphé de la 1ère expérience socialiste de l’histoire, c’est la réaction sur toute la ligne, c’est le monstrueux néolibéralisme, ce sont les Empires prédateurs continentaux et transcontinentaux, UE atlantique en tête, c’est la multiplication des guerres impérialistes, la fascisation politique, la régression sociale travestie en « transformation », etc. Bref, le 4 novembre prochain, le PRCF – dont les fondateurs ont vu clair sur ces sujets dès avant la chute de l’URSS, et même dès les premières dérives du PCF dans les années 70 – rappellera cette évidence : on ne peut avancer d’un pas dans la lutte sociale, on ne peut remettre notre peuple à l’offensive, sans dénoncer le contenu CONTRE-révolutionnaire de l’implosion sous influence de l’URSS ; ce qui impose de revenir sur l’énorme mensonge opportuniste que la direction révisionniste et « eurocommuniste » du PCF, très en amont du congrès de Martiales soit dit en passant, a tristement propagé dans la classe ouvrière quand elle a présenté la chute de la RDA et de l’Union soviétique comme autant de « bouleversements démocratiques à l’Est »...

IC – Quel lien fais-tu entre la révolution russe et la révolution française, donc entre la contre-révolution russe et la régression galopante de la société française ?

GG – Il est facile de constater que les mêmes qui attaquent sans relâche Lénine (mais aussi Fidel, Che, Chavez, Sankara...) traînent aussi dans la boue Robespierre, Saint-Just et Rousseau. Déjà les « nouveaux philosophes » du type Glucksmann, BHL, etc. expliquaient dans les années 70/80, avec l’appui de la presse « socialiste », que Pol Pot, c’est Staline*, que Staline c’est Marx, que Marx, c’est Rousseau... et ainsi de suite, de Descartes à Platon, toute la tradition rationaliste y passait allègrement en tant qu’inspirateurs bien connus du « goulag ». Car lorsqu’on déroule le film de la réaction, on peut toujours remonter plus avant dans la dénonciation des courants progressistes. Aujourd’hui, c’est l’humanisme lui-même que l’on attaque sans relâche, y compris auprès des enfants, quand on leur explique à longueur d’émissions pseudo-écolos que « l’homme » est foncièrement méchant (alors que les requins, par exemple, sont gentils tout plein, c’est évident...), que la technique est une horreur, que « la nature » est la seule vraie valeur... alors que bien évidemment, il conviendrait de dialectiser un peu les rapports entre l’homme et la nature, de réfléchir à l’usage capitaliste dévoyé qui est fait des techniques, à la manière dont des millions d’hommes sont abrutis et ensauvagés dès l’enfance par un système économique et social donné, etc.

Le fait est que la grande Révolution française (ainsi que la qualifiait Lénine) n’a pu advenir qu’en associant la bourgeoisie française, alors progressiste, au peuple Sans Culotte : et c’est ce qui a donné à notre révolution son tour éminemment populaire à la différence des révolutions anglaise et américaine, lesquelles n’ont même pas remis en cause l’esclavage. C’est aussi ce qui a permis l’émergence en France d’un noyau populaire et révolutionnaire qui s’est maintenu vaille que vaille de 1794 à 1830, de 1830 à 1848, de 1848 à 1870, etc. En outre, Robespierre a tellement combattu la réaction féodale et tous ceux qui voulaient concilier avec elle qu’il a promu des formes d’intervention populaire inconnues jusqu’alors : au point que le centralisme démocratique, la démocratie populaire, le parti d’avant-garde (dont le rôle était alors tenu par le Club des Jacobins), la dictature du prolétariat sont en germes, sous une forme évidemment utopique, contradictoire et embryonnaire, chez Marat par exemple). La continuité entre 1793, « l’An II », la Commune et l’Octobre russe est absolument évidente et revendiquée et c’est bien en référence ouverte à la Commune française que Lénine a choisi le nom de la nouvelle Internationale ouvrière, le Komintern, de même que les ouvriers bolcheviks sont montés à l’assaut du Palais d’Hiver en chantant la Marseillaise en russe. Dès le début des années 90, les fondateurs de la Coordination communiste, dont je m’honore d’être, avertissaient du reste que la criminalisation de l’URSS aboutirait à diaboliser dans la foulée, non seulement le CNR et les acquis de 45, mais de proche en proche toute l’histoire progressiste de notre pays : lois laïques de 1905, République une et indivisible issue de l’An II, et en amont de la Révolution, la construction même de l’Etat national centralisé qui est aujourd’hui inlassablement moquée et méprisée auprès des jeunes générations.

Conséquence : ceux qui veulent sauver et développer les acquis de 45 doivent cesser de pactiser avec l’antisoviétisme. Il leur suffit de relire la fameuse interview du patron Denis Kessler (Challenges, novembre 2007) pour voir que le patronat, lui, fait très explicitement le lien entre les conquêtes qu’il s’agit d’araser – y compris celles qui proviennent de 1793, notamment la souveraineté de la nation sacrifiée à l’Europe atlantique – la force du Parti communiste (alors LENINISTE, répétons-le !), la force de la CGT d’alors, et... « la présence de l’Armée rouge à quelques centaines de kilomètres de nos frontières » suite à la victoire historique de l’Union soviétique sur l’« invincible » Wehrmacht...

En réalité, les « Blancs » de tous les temps et de tous les pays tendent à s’unir parce que de nos jours, le capitalisme devenu parasitaire et impérialiste, tend à liquider tout l’héritage progressiste de la bourgeoisie encore juvénile. Il s’ensuit que tous les progressistes, tous les patriotes républicains, doivent refuser ensemble l’anticommunisme et l’antisoviétisme et que, par ex., ils doivent enfin faire le lien – qui crève les yeux ! – entre la chute du camp socialiste européen et l’émergence de la monstrueuse UE atlantique, véritable prison des peuples, qui broie les pays de l’Est et du Sud, qui prépare la guerre contre la Russie et qui détruit à marche forcée, avec l’aide de Macron, les « fondamentaux » de notre pays, institutions républicaines (communes, départements), « produire en France » industriel et agricole, services publics, acquis sociaux, et jusqu’à notre langue française que le pouvoir « managérial » de Macron sacrifie sciemment, et ridiculement, au tout-anglais « transatlantique ».

IC – Y a-t-il une possibilité de contre-attaque pour les travailleurs de France et du monde ? Le socialisme appartient-il au passé ?

GG – Je répondrai, de manière à la fois pessimiste et optimiste que, s’il y a un avenir pour l’humanité, il sera socialiste et communiste car le capitalisme actuel est tellement exterministe, fascisant, anti-écologique, réactionnaire (Trump n’est en rien un accident de parcours : il s’inscrit dans la lignée destructive des Truman, Nixon, Reagan, Bush père et fils), que le slogan castriste « le socialisme ou la mort ! » résonne de nos jours comme un avertissement adressé à toute l’humanité : soit l’humanité passe au socialisme-communisme au 21ème siècle, c’est-à-dire entre autres à la mise en commun des ressources terrestres, productives et scientifiques sous l’autorité du mouvement ouvrier, soit ce système irresponsable, obsédé par la quête du profit maximal, détruira l’humanité et peut-être même la vie sur terre.

Il en va de même de la France. Dans le cadre du capitalisme, dont le cœur de stratégie est la « construction » euro-atlantique, il n’y a plus aucune place pour une France indépendante, pas même pour notre langue comme nous l’avons vu. Lénine l’avait d’ailleurs entrevu, avec son habituel regard d’aigle : « sous le capitalisme, les Etats-Unis d’Europe ne pourront être qu’utopiques ou réactionnaires », écrivait-il en 1916. Il faut donc sortir par la gauche (démocratie populaire, nationalisation démocratique, coopérations intercontinentales...), de l’euro, cette monnaie unique faite austérité, de l’UE, cette dictature continentale tutorée par Berlin, de l’OTAN, cette machine à mondialiser les guerres états-uniennes, et bien entendu du capitalisme. Sortie de l’UE et révolution socialiste sont donc à penser corrélativement à l’inverse de ceux qui, comme les souverainistes de droite, ou comme à l’inverse, les trotskistes, opposent le socialisme à l’indépendance nationale sans comprendre ceci : la reconquête plénière de notre indépendance nationale imposera de rompre à 100% avec l’oligarchie antinationale, de même que, symétriquement, la révolution socialiste passe aujourd’hui par un large front patriotique et populaire dirigé par les travailleurs et n’hésitant pas devant l’objectif d’une rupture totale avec l’UE supranationale. Mais bien entendu, pour cela, il faut reconstruire au plus tôt un grand parti communiste de combat centré sur la classe travailleuse, un parti marxiste-léniniste tel que celui qui, en 36, a construit le Front populaire, et qui, en 45, fut l’âme du CNR. Avec cette différence qu’à notre époque, le capitalisme est tellement réactionnaire que toute tentative de restaurer le progrès social et la souveraineté nationale conduira à un affrontement de classes massif avec le grand capital, posant ainsi la question du pouvoir politique, la question, en un mot, du socialisme pour la France.

Ce questionnement concerne nos luttes immédiates. Ce n’est pas un hasard que l’euro-réformisme cher aux états-majors syndicaux refuse obstinément d’organiser une grande manifestation de combat, la plus proche possible des lieux de pouvoir, pour appeler à la grève générale reconductible et inter-pro avec blocage du profit capitaliste, sans laquelle on ne stoppera pas Euro-Macron...

Rappelons là encore deux paroles historiques de Vladimir Ilitch Oulianov :

« les réformes sont les retombées des luttes révolutionnaires »

... et

« on ne peut avancer d’un pas si l’on redoute d’aller au socialisme ».

Bref, le retour au léninisme, naturellement dans les formes d’aujourd’hui, est donc une question de vie ou de mort pour l’avenir du communisme en France, pour la France elle-même et au final, pour toute l’humanité. En participant au meeting internationaliste et LENINISTE du 4 novembre, chacun apportera sa pierre, si modeste soit-elle, à l’émergence vitale de ce que j’ai appelé le « nouveau défi léniniste ».


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"Chaque fois que nous sommes témoins d’une injustice et que nous n’agissons pas, nous entraînons notre caractère à être passif en sa présence et nous finissons par perdre toute capacité de nous défendre et de défendre ceux que nous aimons. Dans une économie moderne, il est impossible de s’isoler de l’injustice."

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