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Crimes de guerre : « A présent, jugeons Tel Aviv »

Interview de Gilles Devers, représentant à La Haye de centaines d’ONG qui se sont constituées pour amener à la barre le gouvernement Olmert : processus nécessaire pour que les Etats comprennent que l’ordre mondial ne peut pas être fondé sur des crimes contre l’humanité. Pour le procureur de la Cour Pénale internationale Ocampo, l’enquête est possible, « il existe une possibilité que cela arrive ». C’est ce qu’a dit avant-hier (9 mars 2009, NdT) Luis Moreno-Ocampo sur la possibilité d’ouvrir auprès de la Cpi une enquête pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » à l’encontre d’Israël pour les massacres de Palestiniens perpétrés pendant l’opération « Plomb durci » à Gaza. Il s’agirait d’une révolution car - selon Perfil, l’hebdomadaire de Buenos Aires qui a rapporté les déclarations de Ocampo- ce serait la première fois qu’un organisme international reconnaît l’Autorité palestinienne (Anp) comme « Etat indépendant ». « Nous sommes en train d’évaluer la question -a ajouté Ocampo- nous sommes dans une phase d’analyse ».

Nous avons parlé de la procédure avec Maître Devers qui était hier (10 mars 2009, NdT) à Rome pour l’initiative juridique de la société internationale soutenue en Italie par le Network degli Artisti italiani et lancée par la Rete dei Traduttori per la diversità linguistica Tlaxcala.

Maître Devers, pouvez-vous nous expliquer comment est née votre initiative ?

Il s’agit à l’origine d’une initiative militante, portée à ce jour par plus de 450 associations - européennes, africaines, moyen-orientales et sud-américaines- témoins de l’offensive « Plomb durci » contre la Bande de Gaza. Le 22 janvier nous avons déposé la plainte pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » auprès de la Cour Pénale Internationale (Cpi). Le même jour - élément très important de la procédure - l’Autorité palestinienne (Anp) a donné compétence à la Cpi. Si elle la lui avait refusée, seule une intervention du Conseil de Sécurité de l’Onu aurait pu obliger la Cpi à enquêter, comme cela a été le cas pour le Soudan. Une hypothèse non crédible dans notre cas, compte tenu des doubles standard qui ont cours devant le Conseil de Sécurité. C’est pour cette raison que les ONG ont décidé de se constituer témoin du crime. Puis l’Anp - avec un accord politique entre Hamas et Fatah- a reconnu l’autorité de la Cpi. Le procureur Ocampo a demandé des éclaircissements parmi lesquels celui de savoir « qui est l’Etat à Gaza ». A ce moment-là , il y a eu une seconde visite à La Haye, du ministre de la justice, et des affaires étrangères palestiniens, après une réunion de nombreux ambassadeurs de l’Anp pour réunir tous les éléments et montrer que l’Anp représente le peuple palestinien, et que si la Cpi envoie des enquêteurs à Gaza, ils seront bien accueillis.

Mais Israël n’est pas signataire du Traité de Rome qui a institué la Cpi en 1998 : ceci n’invalide-t-il pas la procédure ?

D’abord, la CPi juge les hommes et non pas les Etats. Dans une démarche de droit pénal, elle recherche le criminel X, Y ou Z. Elle s’occupe avant tout des faits : il faut qualifier le fait, et ensuite aller le plus loin possible dans la recherche des auteurs. Commençons donc par le début : Où a été commis le crime ? A Gaza, et l’Autorité palestinienne a donné compétence à la CPI. Donc la Cour peut enquêter à Gaza. Il y a encore des points à examiner, pour assurer la démarche de la Cour, mais je crois que ce ne sont pas des problèmes insurmontables.

Pourquoi s’adresser à la Cpi et pas aux juridictions nationales, comme cela s’est produit dans le passé pour d’autres massacres à Gaza ?

Nous nous adresserons aussi aux juges des Etats nationaux. Au mois d’avril, nous allons déposer à Madrid un dossier pour un astrophysicien de la Nasa qui travaille aux Etats-Unis mais qui est originaire de Gaza, et y vit souvent avec sa famille. Tous les enfants de Gaza connaissaient sa maison, certains d’entre eux ont appris à observer les étoiles avec le télescope qu’il avait installé sur le toit. Or, sa maison a été bombardée par les F16. Elle a été entièrement détruite, et il a perdu un de ses enfants. Il y a beaucoup d’autres cas similaires. Nous formerons d’autres plaintes auprès d’autres cours, en fonction de la nationalité des victimes. Nous essaierons de présenter des plaintes dans les 47 pays du Conseil d’Europe qui dépendent de la Convention Ue sur les droits de l’homme.

L’ex-président de la Cpi Antonio Cassese a dit que la Cour « ne peut accomplir une action efficace qu’avec la collaboration des Etats » et que « la justice internationale doit être prudente et sage, sinon elle risque d’être considérée comme peu crédible ».

La coopération existe du moment que 110 états ont ratifié la Cpi. Susan Rice, la représentante de l’Administration étasunienne auprès de l’ONU, a déclaré dans son discours d’investiture, que la Cour est un outil digne d’estime. Nous utilisons la procédure prévue par le Traité de Rome et donc je ne vois pas de risques de miner la crédibilité de la Cour. Si la procédure devenait un obstacle à la paix - dans le cas où demain un accord politique et économique adviendrait- le Conseil de sécurité aurait le pouvoir de la suspendre pour une année (renouvelable). La justice doit suivre son cours afin qu’Israël et le monde entier comprennent que les crimes contre l’humanité doivent être exclus de l’ordre public international. C’est ne pas s’attaquer à cette réalité là qui minerait l’autorité de la Justice internationale.

Quels indices de « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » avez-vous recueillis ?

Avant tout faisons une distinction : les premiers sont des actes à but militaire, conduits dans précaution pour les populations civiles, les seconds sont des crimes de guerres systématisés où d’emblée des objectifs civils sont attaqués avec des moyens militaires. Par exemple, le premier jour de l’agression (le 27 décembre 2008, NDR) un ordre de bombardement, par 40 chasseurs bombardiers, a été donné à 11h30, l’heure à laquelle les enfants sortent de l’école. Celui qui a donné ces instructions savait qu’il allait tuer des enfants. De fait le premier jour il y a eu plus de 200 morts. De même, des dizaines d’habitants d’un quartier avaient été enfermés dans une école qui, le lendemain, a été bombardée : ceci est un crime contre l’humanité. Puis, l’emploi des munitions au phosphore blanc en plein jour et sur des zones densément peuplées, ce qui implique l’intention de brûler et mutiler le plus grand nombre possible de personnes. Et puis il y a aussi dans notre dossier une chose qui n’impressionne pas autant que le sang mais qui témoigne de l’intention criminelle : 30% des terres arables de Gaza ont été dévastés avec des bulldozers.

Pour éviter que l’armée ne soit salie par les procès le gouvernement Israélien a interdit aux militaires qui ont participé à « Plomb durci » de se faire interviewer et photographier. Comment alors les identifier ?

Il faut avant tout établir les faits, à travers les témoignages des victimes et les indices recueillis ; puis nous exercerons une forte pression sur Israël. Israël n’est pas un bloc monolithique, il y a des jeunes, des soldats, des journalistes qui pensent que ce qui a été fait à Gaza est abominable. Nous dirons à Israël : vous avez une conscience, aidez-nous à juger les criminels. En outre la Cour a des moyens de pression, des instruments pour enquêter et recueillir des témoignages. Et si l’enquête devait s’arrêter parce que les responsables matériels n’ont pas été trouvés, nous aurions déjà démontré qu’il y a eu des crimes. Après l’action pénale, viendra celle civile. Israël peut cacher ses officiers et ses ministres, mais pas lui-même.

Comment fait-on, dans le cas de votre procédure, pour éviter des accusations d’antisémitisme comme celles qui ont déjà été adressées à la Conférence de Durban II ?

L’action juridique doit être conduite avec des règles strictes. Pour ne pas tomber dans l’antisémitisme alors qu’on porte plainte contre Israël, il est nécessaire de mettre des preuves sur la table, de parler des faits. L’antisémitisme, c’est généraliser : Israël, les juifs. Cela n’a rien à voir avec notre démarche. Si on généralise, des malentendus peuvent émerger. Si on se réfère à la réalité judiciaire, le discours devient clair. Il faut en somme analyser les faits, ces faits d’une gravité exceptionnelle qui ont eu lieu à Gaza. Mais s’il n’accepte pas la confrontation, ce sera Israël qui prendrait le risque de lever le vent de l’antisémitisme, que de toute façon, nous combattons. Notre arme, c’est le droit humain.

Edition de mardi 10 mars 2009 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/il-manifesto/in-edicola/numero/20090310/pagina/11/pezzo/244267/
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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