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Elections catalanes et indépendantisme.

Au lendemain des élections catalanes (le 26 novembre), El Periodico (journal basé à Barcelone et paraissant en double édition, espagnole et catalane, mais de tendance "socialiste") titrait : "Le coup de massue", présentant un Artur Mas sonné par la défaite : c’est une analyse pour le moins sommaire. Tout se passe comme si on voulait punir Mas pour l’audace de son projet indépendantiste ; la punition, du reste, avait commencé avant les élections, avec la campagne de discrédit lancée depuis Madrid accusant Mas et son parti, CIU, de magouilles financières (tous les partis qui alternent au pouvoir trempent dans ce genre de délits, mais les medias chiens de garde ne les dénoncent que lorsqu’on les lance sur la piste d’un gêneur).

Il faut donc regarder de plus près les résultats et distinguer deux enjeux : celui de Mas, qui voulait par ces élections anticipées renforcer la majorité de CIU (il lui manquait 6 députés pour avoir la majorité absolue, soit 68 députés sur 135) et celui de l’indépendance qui suscite en Catalogne un élan qu’il comptait capitaliser.

Certes, CIU a perdu 12 sièges, mais, avec 50 députés, elle reste, et de loin, le premier parti du Parlement catalan. L’exercice du pouvoir, avec ses coupes dans les budgets sociaux (du reste imposées à tous les gouvernements européens, de quelque couleur qu’ils soient, par Berlin : Mas continue la politique de Montilla comme Rajoy celle de Zapatero, ou Hollande celle de Sarkozy), a déjà entraîné une usure que le nouveau projet indépendantiste n’a pu compenser.

Mais il faut maintenant examiner les résultats du vote indépendantiste dans son ensemble : le grand vainqueur des élections est ERC (Gauche Républicaine de Catalogne), le parti historique de centre gauche, qui était déjà au pouvoir en 1931, lorsque la nouvelle république a redonné à la Catalogne un statut d’autonomie (perdu depuis 1711) ; c’est son président, Francesc Macià , qui avait alors, le premier en Espagne, proclamé la République, depuis Barcelone. Ce parti a doublé son nombre de sièges, passant de 10 à 21, devenant la deuxième force au Parlement catalan.

L’autre vainqueur est la CUP (Candidature d’unité populaire), qui représente, elle, l’extrême-gauche, et qui entre pour la première fois au Parlement, avec 3 députés.

Si on fait les comptes, les partis indépendantistes totalisent à peu près le même nombre de députés : si ce n’est pas un raz-de-marée, c’est la preuve que la volonté d’indépendance est un mouvement de fond. L’autre constat intéressant, c’est que les indépendantistes penchent de plus en plus à gauche : ils n’ont pas fait confiance à Mas, mais ils ont approuvé son projet d’indépendance en votant pour les partis indépendantistes situés plus à gauche.

Voyons maintenant le bloc espagnoliste : le grand perdant est ici le PSC (antenne catalane du PSOE, le parti socialiste espagnol) qui tombe de 28 à 20 sièges, essuyant le plus mauvais résultat de son histoire. Comment l’expliquer ? par le souvenir récent des gouvernements Zapatero, qui n’a rien changé à la politique économique et sociale d’Aznar (les fermetures d’usines se sont succédé à un rythme toujours plus rapide), mais aussi par la stratégie suivie pour flatter l’électorat populaire (majoritairement issu de l’immigration espagnole) : le PSOE-PSC a durci le ton, et les règlements concernant les conditions de vie des nouveaux immigrés, extra-européens (en clair : les Noirs et les Arabes). Or, cette attitude éloigne les électeurs de gauche, mais aussi l’électorat anti-immigrés (qu’il faut bien qualifier de raciste, quelles que soient les raisons de sa dérive), qui trouve une meilleure offre à droite et surtout à l’extrême-droite.

En effet, le PP (Parti Populaire) ne gagne qu’1 député, passant de 18 à 19 ; le gagnant, c’est son "jeune" rival, Ciutadans (Citoyens, un beau nom qui cache une réalité peu reluisante), parti d’extrême-droite, qui triple son score, gagnant 6 députés (de 3 à 9). Si on additionne 6 +1, on trouve à peu près le nombre de députés perdus par le PSC (bien sûr le jeu des transferts a dû être plus complexe, et une partie de l’électorat socialiste a dû s’abstenir).

Ainsi donc, le front indépendantiste se gauchise, tandis que le front espagnoliste se droitise ; si les Français veulent comprendre ce qui se passe en Catalogne, ils doivent abandonner les schémas hérités de la Révolution française : en Espagne, la ligne "jacobine" est de droite, la ligne "girondine" de gauche.

Cette analyse serait sans doute renforcée si on disposait de chiffres plus précis concernant le comportement de l’électorat de CIU (Convergencia i Unio) : ce parti regroupe en fait deux formations, Unio Democratica (dirigée par Duran Lleida) et Convergencia Democratica (dirigée par Artur Mas). Or, la première représente le grand capital catalan associé à l’espagnol et basé à Madrid, tandis que la deuxième représente les petits patrons enracinés en Catalogne et se reconnaissant dans les valeurs catholiques (c’est une démocratie chrétienne catalane). Leur alliance a permis à ces deux partis de gouverner la Catalogne depuis la transition démocratique, en 1980, jusqu’en 2003 (sous la présidence de Jordi Pujol). Mais le catalanisme d’Unio democratica passe bien après ses intérêts économiques et le projet indépendantiste de Mas ne peut que l’inquiéter. Aussi peut-on penser qu’une partie de cette aile droite de CIU est passée au PP.

Vazquez Montalban avait consacré un livre, en 2000, à cette rivalité interne : dans L’Homme de ma vie (de la série des Carvalho), il oppose les requins de la finance catalane (partagés entre Unio et le PP), partisans d’une euro-région regroupant Lombardie, Midi toulousain et Catalogne (dans laquelle l’identité de celle-ci se dissoudrait), et les cadres de Convergencia, petits patrons qui s’efforcent d’oublier leurs scrupules chrétiens pour mettre en place un service d’espionnage et contre-espionnage catalan afin de lutter contre ce projet !

Il est probable que l’option indépendantiste de Mas ne fera qu’aggraver ces tensions et sa situation est délicate : ses associés d’Unio sont réticents, ERC (avec qui il pourrait avoir une majorité absolue) peut le soutenir, mais non entrer avec lui au gouvernement (ce serait donc un soutien fragile), et, après sa campagne indépendantiste, il ne peut demander l’appui du PP sans se discréditer complètement et une alliance avec le PSC ne serait pas plus cohérente.

Mais, quelles que soient les manoeuvres au sommet (et les coups bas venus de Madrid), il sera difficile de s’opposer à l’élan indépendantiste de la Catalogne.

Rosa Llorens

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