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L’économie contre le social : l’Europe va devoir choisir

Je viens de lire l’article de Monsieur Jorion, intitulé "le sauvetage de l’euro n’a pas eu lieu". Mais comment pourrait-il en être autrement ? A partir du moment où l’on raisonne dans le cadre du capitalisme, les règles capitalistes doivent s’appliquer. Que ce soit en temps de crise ou pas, la "Loi du marché" indique que la somme des intérêts individuels doit concourir à l’intérêt général. Point. Cela signifie donc qu’en fonction des éléments contextuels de l’économie actuelle, l’intérêt de l’Allemagne est de laisser tomber l’Europe pour ne pas sombrer avec elle.

La question n’est donc pas de savoir si elle fait bien ou mal d’agir ainsi, mais plutôt de savoir si son intérêt à court terme (sauver "sa peau" économique) ne va pas à l’encontre de son intérêt à plus long terme. Car en se préparant à lâcher l’Europe (et l’euro), l’Allemagne signe l’arrêt de mort de l’indépendance politique de l’Europe, ainsi que la puissance dont elle bénéficiait en tant que moteur de cette entité.

Et cette question, il ne fait aucun doute que l’Allemagne se l’est posée aussi, et y a répondu de manière pragmatique, politique. Car il faut rappeler que la politique n’est pas au service du social mais de l’économie. Le social n’est qu’une donnée secondaire dont le risque est calculé et, géré avec finesse par une propagande subtile, il peut même se retrouver au service du politique. Ce qui importe pour les chefs d’Etat, ce n’est pas de s’attirer le contentement du peuple à court terme, mais de conserver leur pouvoir à long terme, en satisfaisant les véritables maîtres du monde, c’est-à -dire les quelques 5% qui possèdent le pouvoir de les laisser en place.

Pour ce faire ils ont compris, comme je l’avais soupçonné ailleurs, que vouloir sauver l’Europe à la manière "sociale" , c’est à dire en faisant jouer la solidarité entre Etats, n’aboutirait qu’à faire tomber les Etats Européens, un à un, dans le giron soit des Etats-Unis, soit de la Chine. Finie alors la supériorité de la France et de l’Allemagne sur le reste, finie la puissance d’une Europe qui refuse de se laisser dicter sa loi par quelques pays. Tandis qu’en menaçant de laisser couler le navire, l’Allemagne envoie un signe fort de ralliement des plus petits Etats à une cause commune, une sorte d’Europe "fédérale" , dirigée cette fois-ci non plus par un parlement "trop" démocratique pour être efficace, mais par un pouvoir fort capable ou de s’opposer au futur "diktat" du "nouvel ordre monétaire international" , ou de peser à armes égales avec les autres "grands" lors des futurs débats sur le bancor.

Et c’est dans le cadre de cette Europe forte et unie que le social refait surface, avec les polémiques actuelles sur le protectionnisme, les 35 heures, la fiscalité ou le problème des retraites… Eclairées sous cet angle, ces polémiques montrent bien tout l’enjeu de l’Europe : si les chefs d’Etats européens veulent conserver leur pouvoir et continuer de satisfaire à leurs donneurs d’ordre (la finance), ils doivent contraindre leurs peuple à accepter des sacrifices. Pour garder sa compétitivité économique, l’Europe doit s’aligner sur les salaires, les droits et protections sociales les plus "optimisées" … Pour garder le pouvoir politique, les "Grands" de l’Europe doivent sacrifier le social sur l’autel de l’économie, et l’on rejoint ainsi mon titre.

Mais prenons maintenant le jeu dans l’autre sens, et imaginons que l’on sorte du "qu’est-ce qu’on peut bien faire alors ?"

Et bien il va falloir se poser la question en partant non plus de l’économique, mais du social. En admettant que l’opinion publique possède encore la capacité de se libérer de la propagande habituelle (celle de l’intérêt individuel pour satisfaire l’intérêt collectif), il est encore possible non pas de faire cesser la dépendance du pouvoir politique envers le pouvoir économique, mais de contraindre le pouvoir politique à modifier les règles qui les enchaînent l’un à l’autre. Et cela n’est évidemment possible qu’en faisant passer le social avant le reste, c’est à dire changer de paradigme, et faire comprendre qu’en réalité seul l’intérêt collectif peut ensuite rejaillir et satisfaire l’intérêt individuel

Cette logique est la seule alternative idéologique susceptible de combattre l’injustice capitaliste, mais doit pour y parvenir engager les citoyens dans une véritable participation à la «  chose publique », et s’intéresser non pas au court terme, mais au long. Il existe des moyens pour cela, et la mise en place d’une Assemblée Constituante doit en faire partie. Mais pour qu’elle soit légitime, il lui faut le soutien populaire, ce qui exige son implication dans la vie politique non plus seulement pour se défausser de sa responsabilité, mais pour l’assumer.

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
http://lavoiedespeuples.unblog.fr

 

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COMMENTAIRES  

31/01/2011 10:49 par EW

Quelque part ça me rassure, je pensais être le dernier grand naïf, encore un coup de mon ego surement. Ceci dit ça n’explique pas comment fait-on pour, dans le même temps, constater notre totale soumission au système et se dire que nous pouvons influer sur celui-ci avec nos gesticulations. Mon cher Caleb, j’ai très peur que nous souffrions de troubles mentaux sévères...

Blague à part, si une telle assemblée est constituée mais qu’elle ne possède aucun pouvoir coercitif ; à quoi pourrait-elle bien servir ?

Les personnes au pouvoir ne reconnaitront jamais spontanément le statut d’une telle assemblée, il faudra leur forcer la main, en menaçant de nous révolter ? On va les faire bien rire.

Une telle assemblée ne peut trouver d’écho que dans un système sain, ce qui est loin d’être le cas, il faudra au préalable assainir le système et pour le faire pacifiquement on en arrive au paradoxe où nous aurions besoin qu’une telle assemblée soit déjà en place au sein d’un système sain pour appuyer le mouvement de réforme. Impasse.

Ce paradoxe démontre bien que l’idée en soi n’est pas à remettre en question et qu’il s’agit bien d’un projet nécessaire (voire vital), simplement il devrait s’articuler autour d’un mouvement révolutionnaire fort ; on en revient un peu à la case départ : to be a revolutionary or not to be, that is the question.

L’histoire de tout mouvement social se confondant avec les concepts de masse critique (qui précisent en substance qu’il faut qu’un certains nombre de voisins mettent une clôture à leur jardin -pour pallier à ces dépôts sauvages de déjection canine, pas pour signifier à vos voisins que c’est VOTRE jardin bien sûr- pour que nous en mettions une au notre sans avoir l’air ridicule, même le ridicule pourra désormais naître du fait de posséder un jardin non-clôturé -le ridicule étant comme on le sait létal-), tu dois défendre ce projet malgré les réserves qu’il est possible de formuler et tu as besoin que des gens se positionnent favorablement.

Ca vaut ce que ça vaut mais entre naïfs il faut se soutenir, voilà ma voix :

Que chacun sache ici que ce projet d’assemblée constituante est parmi ceux que nous (peuple libre de France) souhaitons voir aboutir dans le cadre de notre conquête du pouvoir envers et contre les intérêts capitalistes dominants.

(Normalement à ce moment là il doit y avoir un lâcher de colombes, un orchestre symphonique doit faire retentir la marseillaise et la patrouille de France doit survoler la foule en délire en laissant derrière elle ses trainées patriotiques ; on est un peu juste côté budget mais l’intention y est)

Sur ce je vais jeter un oeil à ton sondage et te le renvoyer.

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