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L’État islamique sert de prétexte à une nouvelle agression de la Libye

Il existe actuellement deux gouvernements en Libye. Un gouvernement « islamiste modéré » à l’ouest de Tripoli et un autre à Tobrouk, dans l’est. Celui de l’est est « laïc » et reconnu internationalement, mais il est aussi soutenu par des groupes salafistes. Les deux gouvernements ont leur propre parlement et chacun est soutenu par quelques milices. L’État islamique, encadré par des Irakiens et des Syriens, a pris pied à Syrte, au milieu de la longue côte est-ouest. Il recrute des adeptes en Afrique du Nord et se prépare à saisir les champs pétrolifères les plus proches pour financer son expansion.

Ce développement inquiète l’« occident » qui veut intervenir militairement. Les forces spéciales de plusieurs pays sont déjà sur le terrain. Mais les deux gouvernements et leurs parlements ne veulent pas d’une intervention étrangère.

L’ONU ou quelqu’un d’autre a eu l’idée géniale de créer un troisième gouvernement censé remplacer les deux existants. La tâche de ce troisième gouvernement sera « d’inviter » les forces étrangères et de valider ce qu’elle feront. Ce troisième gouvernement est maintenant constitué en Tunisie et a zéro pouvoir sur le terrain en Libye :

Rien ne garantit que les autres factions cèdent. Alors, la guerre actuelle entre les deux gouvernements rivaux soutenus par des milices risque de devenir une guerre entre trois gouvernements rivaux, dont aucun ne reconnait les autres.

Naturellement, les Libyens détestent l’idée d’un gouvernement imposé par l’étranger. Ils vont sûrement lutter contre toute troisième force qui tenterait d’usurper leur souveraineté. Face à un gouvernement imposé par l’étranger et des forces militaires étrangères, davantage de Libyens se joindront à l’État islamique pour combattre les intrus. Le manque de clairvoyance de l’ONU et des gouvernements « occidentaux » sur cette question dépasse l’entendement.

Mais il y a encore beaucoup d’argent à faire en Libye et les gouvernements français et britanniques en particulier veulent continuer à voler aveuglement le pays. Cela nécessite d’être sur le terrain. Le « cerveau » et profiteur en chef qui est probablement derrière tout cela semble être une personnalité bien connue.

Un article révélateur dans le Times of Malta décrit quelques étonnantes connexions politico-commerciales cachées :

Une importante opération militaire par un groupe de puissances étrangères se prépare contre Isis dans le but d’installer un gouvernement soutenu par l’ONU, mais elle a été si mal organisée qu’elle risque de se retourner contre ceux qui l’ont conçue.

Premièrement, il y a ceci d’étrange que [l’ambassadeur de Grande-Bretagne en Libye, Peter] Millett est sous les ordres de l’envoyé libyen de la Grande-Bretagne, Jonathan Powell, un contractant du FCO (The Foreign and Commonwealth Office). Oui, le même Powell qui, avec le Premier ministre Tony Blair, avait négocié l’accord avec Mouammar Kadhafi pour mettre fin à l’isolement de son régime dictatorial, il y a dix ans – ce qui a permis ensuite à Blair d’engranger des émoluments substantiels de consultant auprès de ce même tyran, après avoir quitté ses fonctions de premier ministre.

Parmi les autres avantages de cette nouvelle ouverture de la dictature de Kadhafi, il y a eu un contrat de développement immobilier massif avec une société présidée par nul autre que le frère de Powell, Lord Charles Powell, qui a également impliqué un réseau célèbre et pittoresque de millionnaires arabes vivant à Londres. Powell est donc très proche d’un acteur qui a là des intérêts.

La Libye est inondée d’armes et de munitions de toutes sortes en vente libre. Il suffit d’avoir de l’argent pour pouvoir acheter de puissantes armes antichars ou des canons anti-aériens faciles à installer sur les tous terrains Toyota omniprésents. Mais la Grande-Bretagne veut vendre des armes, pas en acheter :

Millett a révélé qu’il veut vendre encore plus [d’armes] à la Libye - mais seulement aux « bonnes » milices, celles qui soutiennent le nouveau gouvernement d’accord national (GAN).soutenu par l’ONU.

Le GAN, conçu pour remplacer les deux gouvernements en conflit de Libye, Tripoli et Tobrouk, est la pierre angulaire de la politique occidentale en Libye, il doit unir le pays pour qu’il retourne ses canons sur Isis. D’où les armes.

L’insistance de Millett à soutenir que les armes iront seulement aux « bonnes » milices, rappelle la prétention occidentale de soutenir les « bons » terroristes en Syrie dans la guerre contre Isis.

On en arrive maintenant au vrai business dont l’élément le plus précieux est la Libyan Investment Authority avec ses quelque 65 milliards de dollars d’actifs. Ce fond est détenu par le peuple libyen, mais celui qui le contrôle sera en mesure de siphonner des tonnes d’argent :

Une grande partie des retombées de cette inapte décision de créer un troisième gouvernement en Libye se fera sentir à Malte, où les batailles commerciales entre les deux gouvernements libyens existants font rage pour arracher le contrôle d’une foule d’entreprises dont le siège est ici - et à qui vont bientôt se joindre les dirigeants du gouvernement d’unité qui en veulent également le contrôle.

La bataille judiciaire pour la société publique de télécommunications LPTIC a mis en lumière la complexité du problème, et un nouveau bras de fer est en cours pour le contrôle de la Libyan Investment Authority (LIA), dont les bureaux pilotés par Tobrouk sont situés à Malte.

Pour l’instant, la bataille pour LIA a lieu à Londres, mais, étrangement, le procès a été stoppé en plein milieu, la semaine dernière, sur le conseil du Foreign Office britannique, suscitant la controverse.

Le juge qui rend l’ordonnance qui empêche les deux gouvernements existants de mettre la main sur cet actif de 65 milliards de dollars, n’est nul autre que William Blair, le frère de (devinez qui ?) Tony.

Peu importe que Tony ait travaillé avec le LIA dans les dernières années du règne de Kadhafi.

Conflit d’intérêt ?

Eh bien, décidez vous-mêmes. Mais pour moi, cela ressemble à un autre coup en préparation, cette fois en introduisant un troisième gouvernement qui sera entièrement contrôlé par des étrangers. Tout cela, non pas pour « combattre l’Etat islamique », mais pour que Tony Blair et d’autres puissent contrôler et voler tous les actifs qu’il reste aux Libyens. (Et au fait, pourquoi la Fondation Clinton est-elle impliquée dans tout ça ?)

Je crois que rien de bon ne sortira de cette misérable tentative de vol déguisée en lutte contre l’État islamique. Ni pour la Libye et son peuple, ni pour les gens des pays dont les « élites » se préparent maintenant à nouveau à faire la guerre à la Libye.

Traduction : Dominique Muselet

 http://www.moonofalabama.org/2016/03/the-islamic-state-is-pretext-to-again-mug-libya.html#more
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COMMENTAIRES  

24/03/2016 06:35 par calame julia

Aïe, aïe, ail ! merci pour la traduction.

24/03/2016 09:48 par Esteban

...Mouammar Kadhafi...régime dictatorial...tyran..dictature de Kadhafi...

C’est devenu pénible de lire encore aujourd’hui ces qualificatifs servis sur un plateau par qui l’on sait et colportés par Moon Alabama c’est encore plus désolant. Lorsque l’on voit ce que la Libye est devenue et ce qu’elle était, avant, sous la "dictature" de la Jamahyria avec les avantages pour le peuple libyen qui n’avait rien à envier à notre "démocratie" occidentale et à tous ses laissés pour compte.

24/03/2016 17:28 par Roger

Une "couche" supplémentaire de complexité chaotique.
On saura pourquoi le prochain attentat, et ses victimes, innocentes des magouilles lucratives de la "Noblesse Britannique", aura lieu à Londres...hélas !

25/03/2016 03:30 par depassage

@Roger
Je n’aime pas jouer aux oiseaux de mauvais augure, mais plutôt à ceux de bon augure. Je souhaite qu’il n’y ait plus d’attentats nulle part. Par contre, si le but de ces attentats est de crier un climat de peur et de panique et qu’ils ne sont pas l’œuvre de quelques déçus de la tournure que prennent les événements au Moyen-Orient, ça ne serait pas en Angleterre et je ne dirais pas plus.

25/03/2016 09:06 par macno

Hé ! Esteban
« c’est devenu pénible de lire encore aujourd’hui ces qualificatifs servis sur un plateau par qui l’on sait et colportés par Moon Alabama c’est encore plus désolant », Ce n’est qu’une citation (d’ailleurs mise en italique) de Moon of Alabama du Times of Malta :
« le même Powell qui, avec le Premier ministre Tony Blair, avait négocié l’accord avec Mouammar Kadhafi pour mettre fin à l’isolement de son régime dictatorial, »
@ depassage,
Effectivement excellent mais inquiétant article de par son aspect très factuel, mais je ne sais pas si l’allusion de ton commentaire est bien claire : « ça ne serait pas en Angleterre »...
Est-ce à dire qu’on a le même et bien malheureux présage, car : « cela ne fait pas partie des traditions des Anglo-saxons de lâcher prise après avoir planté leurs crocs dans une proie comme un pitbull » ? (Andrej fursov)
Et des Anglo-saxons « déçus de la tournure que prennent les événements au Moyen-Orient », il n’y en a pas qu’en Grande Bretagne.
Le chaos en Afrique du Nord serait un bien pire cauchemar que l’actuel, et pour toute l’Europe...

25/03/2016 19:13 par reneegate

Quand les politiques aiment l’entreprise, ils ne lui refusent rien.

26/03/2016 08:32 par Esteban

@macno
En effet, il s’agit d’une citation du Times of Malta. Il m’avait semblé, lorsque j’ai lu la traduction, que la citation n’était pas en italique comme sur l’original, et l’absence de guillemets m’a induit en erreur même si la citation est annoncée par une phrase avec en-tête "article révélateur" qui m’a laissé penser que l’auteur adhérait à toute la citation...
Veuillez donc m’excuser pour ma faute d’interprétation.

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