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L’idéologie nucléaire des États-Unis d’Amérique

Jusqu'à présent seule la Russie a respecté une ligne rouge, celle de ne pas s'attaquer à un pays de l'OTAN. L'OTAN, elle, n'a respecté aucune ligne rouge.

Ou plutôt, l’OTAN les a fait reculer sans cesse, depuis la fourniture des premières armes anti blindés, et anti aériennes jusqu’aux missiles "patriotes" et aux chars en passant par les canons à longue portée à rockets multiples (Himars) et autre canon Caesar français, et ainsi, petit à petit, jusqu’à la quasi confrontation directe avec la Russie par des attaques de missiles à longue portée. Cette éventualité n’est plus à exclure dans l’escalade continuelle étatsunienne et l’idée quasi démente de certains cercles belliqueux qu’ils peuvent aller toujours plus loin, sans risques de riposte globale de la Russie.

Comment peuvent-ils en être si sûrs ? Seuls les Russes aujourd’hui paraissent craindre une déflagration nucléaire et multiplient leurs mises en garde à ce sujet. Lorsque Vladimir Poutine parle de la supériorité stratégique de la Russie sur le plan des armes nucléaires, avec notamment les nouvelles armes hypersoniques, les Occidentaux lui répondent que c’est de la forfanterie ou qu’elles ne servent à rien en Ukraine puisqu’il s’agit d’une guerre conventionnelle. Ils lui rient même au nez, lui disant qu’il aurait dû mieux investir dans l’équipement de ses soldats que dans de telles armes ultrasophistiquées. Ils renvoient avec mépris toutes ses mises en garde. Les États-Unis n’y voient que du chantage, du bluff.

Ils le répètent tellement souvent qu’on est bien obligés de penser qu’ils le croient vraiment et que ce n’est pas pour eux une simple tactique, une simple ruse de guerre. On est donc bien obligés alors d’essayer de comprendre pourquoi ils le croient aussi fort et de prendre au sérieux cette conviction étatsunienne. A quoi tient-elle ? A quel mécanisme obéit-elle ? Il faut trouver une explication.
L’explication pourrait résider dans une approche de la question nucléaire, voire dans une idéologie nucléaire qui s’est façonnée au fur et à mesure du développement de la guerre en Ukraine. Cette idéologie comporte deux volets : une vision de la guerre conventionnelle et une vision de la dissuasion nucléaire.

La guerre conventionnelle

Pour les États-Unis, ils l’ont dit et révélé au grand jour, la guerre conventionnelle armée par eux, menée par l’Ukraine, doit durer et affaiblir définitivement la Russie. Ils la gèrent, ils la dirigent, ils l’orientent en fonction de cet objectif géopolitique. Dans cette vision, la guerre conventionnelle, n’est plus considérée seulement comme une option imposée par l’environnement nucléaire du conflit, mais comme le meilleur moyen d’atteindre leurs objectifs concernant la Russie. Cette nuance est importante. La guerre conventionnelle devient alors elle-même un objectif stratégique, à maintenir, à entretenir. À chaque étape de l’évolution du conflit, il va y avoir une escalade, destinée à faire durer la guerre conventionnelle, à la développer, à la conduire de plus en plus loin en matière de consommation de ressources matérielles et humaines, bref à affaiblir de plus en plus la Russie suivant la stratégie décidée. Bien plus, cette logique conduit inévitablement à vouloir réaliser la parité militaire entre l’Ukraine et la Russie, c’est-à-dire à doter l’Ukraine d’armes étatsuniennes équivalentes à celles de la Russie, et donc aussi à la doter de missiles à longue portée. Elle peut donc déboucher sur une guerre globale.
L’escalade dans cette guerre conventionnelle devient ainsi elle-même une nécessité pour entretenir cette guerre, et relègue alors, chez les décideurs aux États- Unis, au second plan, la conscience des risques de cette escalade.

Persuadés du bien-fondé de leur stratégie en Ukraine, sûrs qu’elle leur permet le maximum d’avantages sans grands dommages pour eux, obnubilés par leurs objectifs géopolitiques, les États-Unis peuvent être aveuglés ou s’aveugler. Ils vont alors raisonner et agir comme si les deux guerres, conventionnelle et nucléaire sont étanches l’un à l’autre, alors qu’au contraire, l’une peut déboucher sur l’autre du fait même qu’elle concerne deux grandes puissances nucléaires.

La dissuasion nucléaire

Mais cette idée que la guerre en Ukraine, quoi qu’il arrive, conventionnelle n’est peut-être pas le principal dans l’explication de la sous-estimation du risque nucléaire chez les dirigeants américains. Il y a surtout, dans certains milieux dirigeants, une idée, une vision subjective, une vision qui ne repose sur aucun fondement objectif, sur aucune certitude empirique, une idée en fait arbitraire, celle que la dissuasion nucléaire impose la guerre conventionnelle puisqu’elle empêche tout recours à l’arme nucléaire, car ce recours signifierait l’anéantissement réciproque.

Ainsi donc, si on suit un tel raisonnement, les armes nucléaires ne peuvent être utilisées. Or c’est exactement l’inverse : c’est dans la mesure où les armes nucléaires peuvent être utilisées qu’elles sont dissuasives. On imagine la gravité du contresens.

C’est probablement ce que veut signaler la Russie en exhibant ses dernières armes. D’ailleurs même la théorie de l’anéantissement réciproque mérite d’être relativisée puisque tous les efforts des grandes puissances militaires consistent à développer des moyens nucléaires qui neutralisent ceux de l’adversaire, qui les mettent à l’abri d’une première frappe ennemie ou l’anéantissent avant. Mais c’est cet engrenage qui représente, en fait, un danger encore plus grand.

Une grande partie du conflit en Ukraine ainsi que de l’"Otanisation" des pays proches des frontières de la Russie relève d’ailleurs de cet engrenage mortel. C’est l’encerclement par l’OTAN qui a poussé la Russie à développer sa technologie nucléaire pour disposer d’armes qui compensent par leur vitesse et leur technologie cet encerclement. On se trouve ainsi, des deux côtés, Russie comme États Unis, devant ce paradoxe où la dissuasion nucléaire entraine sans cesse une course aux armements nucléaires, pour acquérir un avantage sur l’adversaire, et donc rompre l’équilibre existant et donc finalement la situation de dissuasion nucléaire réciproque.

En résumé, l’idéologie nucléaire des États- Unis, telle qu’elle apparait dans le conflit ukrainien, est révélée par le comportement à risque extrême de leur gestion de la guerre conventionnelle en Ukraine. Ce comportement n’est que le pendant d’ une conception de la dissuasion nucléaire qui tend à sous-estimer grandement le risque de guerre nucléaire dans un conflit qui oppose directement ou indirectement deux grandes puissances nucléaires et qui a des prolongements géopolitiques.

Les lignes rouges

En faisant la démonstration de ses armes nucléaires nouvelles, la Russie ne s’éloigne pas du sujet de la guerre en Ukraine, n’agit pas ainsi, comme le prétend une propagande occidentale bête et primaire, parce qu’elle subit des revers militaires sur le terrain, dans la guerre conventionnelle, mais pour attirer l’attention sur le lien inévitable entre une guerre conventionnelle et une guerre nucléaire lorsque le conflit concerne deux puissances nucléaires majeures. La démonstration que fait la Russie de ses forces nucléaires aurait alors pour intention de rappeler aux milieux dirigeants des États-Unis les moins bellicistes, les plus responsables, l’existence d’un rapport de forces nucléaires au désavantage des États- Unis. Dans cette optique, la possibilité ainsi soulignée, d’une guerre nucléaire, réelle et non pas théorique, viendrait alors rétroagir sur la guerre conventionnelle en cours et en indiquer les lignes rouges.

On peut dire qu’il y a une large sous-estimation d’un conflit nucléaire dans une partie des milieux dirigeants étasuniens actuels, la partie la plus belliciste, la plus dominatrice. Ce sont eux qui sont à l’origine de la propagande va-t’en guerre ravageuse qui, des États-Unis, se propage dans tous les médias occidentaux. Tout est fait pour démobiliser les gens sur les dangers d’une troisième guerre mondiale. Tout est fait pour minimiser ce danger. On se gausse de ceux qui l’invoquent, on les traite de défaitistes. Tout est fait pour traiter de cette guerre comme d’une guerre classique, d’un pays qui en agresse un autre, d’une guerre à la limite coloniale. Tout est fait pour nier le caractère nouveau, inconnu historiquement de cette guerre en Ukraine.

Imaginons si en Yougoslavie, en Irak, ou en Libye, la Russie ou la Chine s’étaient ingérées et interposées comme le font les États-Unis maintenant en Ukraine. La situation aurait été dangereuse pour la paix mondiale. Ils ne l’ont pas fait malgré leur hostilité extrême à ces aventures. Ils ont été responsables.

Par leur aventurisme nucléaire, ceux qui dirigent actuellement la politique des États-Unis ne sont pas dignes des responsabilités que leur confère l’énorme puissance de leur pays.

La minorité qui dirige les États-Unis exploite à son profit la puissance des États-Unis. Elle est emportée par une volonté d’hégémonie, qui l’aveugle. Seul le peuple américain pourrait utiliser cette puissance colossale de façon sage, responsable, utile pour le genre humain. Il faut espérer que ce jour-là arrive. Ou est-ce une utopie ? Ou est-ce déjà trop tard ?

Djamel LABIDI

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