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Le journaliste sans carte a dit la vérité. Il doit être exécuté.

A défaut de se poser des questions sur leurs qualités professionnelles, sur leur traitement honnête de l'information, éventuellement sur leur talent, les caporaux chefs du journalisme, pour affirmer leur pouvoir, ne s'abritent plus que derrière leur mince "Carte de presse". Biseauté le rempart de papier.

Les journalistes constituent une tribu morte et un autre Lévi-Strauss n’a pas eu le temps de les étudier. Triste topique (1) : les derniers qui gigotent encore dans les sables mouvants crient en sombrant : « Journaliste ! Journaliste ! ». Pour nous convaincre de leur jeter une laisse afin de les sauver. Ne sont-ils pas la démocratie ? Leur carte tricolore n’est-elle pas notre territoire ? Ne faut-il pas qu’ils continuent de nous éclairer le bon chemin ?

L’ultime indice du létal qui gagne la réaction des professionnels de la profession après que de jeunes photographes, experts en misère sociale et en Gilets Jaunes, ont été privés de liberté par la police et sa justice. Ils s’imaginent contrôleurs du poids et de la mesure, garant du juste, employés au tri sélectif du vrai et du faux. Mais qui les a fait rois ? Sinon un équivalent Macron ou Drahi ? Ces oblitérés, ces « diplômés en journalisme », n’ont aucune légitimité. Sauf celle, aussi, venue de l’argent de parents assez fortunés pour payer leurs études. Ces hommes de presse s’abritent derrière leur Carte comme les pharmaciens de Chaval « fuyant devant l’orage ». Privés de ce sésame ils sont nus alors que le typhon d’Internet les tue.

Le tenancier en chef de la petite boutique de l’horreur, celle qui dénonce et veille à ce que les images, les bonnes, ne soient prises et diffusées que par des journalistes encartés, se nomme Xavier Gorse. C’est la tête de gondole, mais il a des clones. Vous le connaissez, ce Xavier, il tient banquise dans les pages du Monde. Son corporatisme d’arrière-garde, digne de la messe en latin au Chardonnet, le dessinateur le manifeste à l’aide de pingouins, ou de manchots. On ne sait trop. Pourquoi pas : les oiseaux sont des cons, nous a enseigné ce même Chaval, ils ont besoin d’un maître. Mais ne l’accablons pas, ce Gorse, qui ne supporte que les journalistes parcheminés a jadis souffert sous Philippe Val. Une séquence de vie dont on ne sort pas intact. Et notre ami du Monde de dauber sur ces journalistes sans carte, les sans-papiers du métier.

Sa dernière blague, dans le quotidien du soir - qui est la propriété d’un ancien tenancier de sexshop, d’un ami du barbare Sassou Nguesso et d’un oligarque tchèque - est d’avoir mis en scène l’un de ses manchots disant à un congénère : « Vous êtes journalistes ? » et l’autre de répondre « Oui : j’ai la facture de ma Go Pro ». Ce qui décrypté, signifie que les jeunes photographes qui sont aujourd’hui victimes des indignes outrances de la police et de sa justice, sont des professionnels de la Go Pro, des experts en films de soirée catégorie Club Med. Ce dessin, commis par un être humain qui se présente comme « peintre » (Ripolin ?) et vomit de façon injurieuse les Gilets Jaunes depuis leur « Acte 1 », colle parfaitement au contenu de son journal : le mépris. Le mépris de celui qui doit vivre avec pas grand-chose, de celui « qui n’est rien ». Et donc du photographe qui penche son œil sur eux. Et qui n’est –ouh lala- pas digne de recevoir le chrême du journalisme.

Ce qui serait bien, avant de moquer, bafouer, nier les qualités d’autrui, serait que ce Gorse s’informe sur l’histoire du journalisme qu’il dit défendre, et donc de celle de la photo de presse. Il découvrirait que sans une contribution massive de photographes sans carte, des agences comme Gamma ou Sipa, celles qui ont inventé le photo journalisme français, n’auraient jamais vécu. Un exemple. En 1975, Arnaud Borrel, lassé des chagrins d’amour et des photos de mariage, part à Phnom Penh avec un « Foca Sport », quelques pellicules et un casque lourd. Arrivé au Cambodge il se rend dans un hôtel et demande « la direction du champ de bataille ». Heureusement des journalistes, des vrais, qui picolent dans le hall l’arrêtent, le prennent dans leur équipe. Il va survivre et devenir photographe « de guerre ». Sans même une carte de presse.

Et Françoise Demulder, la fée des photographes, première femme à obtenir le World Presse pour sa photo iconique prise à Beyrouth, celle des Palestiniens chassés des baraques de la Quarantaine...cette « Fifi », alors mannequin en rupture, a-t-elle une « Carte de presse » en 1972 quand elle débarque au Vietnam avec un Nikon dans un panier d’osier ?

Et Alfred Yaghobzadeh, le seul homme ayant jamais pris des photos debout face à un canon en action... En Iran avait-il une carte à jour ? Ou doit-il déchirer ses photos qui sont de prodigieux monuments de l’histoire, des Tombeaux mallarméens de « nos » guerres ?

Abel Khorti, l’homme qui m’a accompagné en 2000 à Gaza, avant d’être martyrisé puis assassiné par les israéliens, Mohamed Baltaji, mon frère de Beyrouth, tué aussi et par les mêmes, avaient-ils du papier timbré en poche. Et, ici, je demande pardon aux oubliés, à ces photographes, ces journalistes en images qui se sont glissés dans le métier sans effraction mais pas passion.

A ce point d’ignorance, la question qui se pose est de comprendre l’origine de ce corporatisme ranci. Certes il vient de l’origine sociale des employés de presse, tous en haut du ruissellement. Mais quand la production journalistique est indigente, quand la plume n’est plus qu’enclume et les images dignes d’une pub pour le chocolat Poulain, le dernier rempart qui permette de se cacher, est un petit rectangle de plastique marqué en tricolore au coin. Voilà l’outil de l’existence, celui de la distinction. Mais puisque les mots sont maintenant morts étouffés, c’est aux images libres de les suivre. Tout faire pour ne plus les garder à vue.

Jacques-Marie BOURGET

1 Freud créa les topiques psychiques comme un schéma explicatif du fonctionnement mental normal et pathologique de l’être humain.

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