C’est l’histoire connue d’un mal étrange qui répandit la terreur : un mal que les Éléments en leur fureur libérèrent comme pour punir les outrages et les excès faits à la Terre (*). Le nouveau virus, le covid-19, puisqu’il faut bien l’appeler par son nom, capable d’enrichir en un seul jour le monde de l’au-delà, fit aux humains la guerre.
Ils n’en moururent pas tous, mais tous furent frappés soit dans leur chair, soit dans leur entourage. Ils furent dix, cent, mille, dix mille à rendre leur dernier souffle de vie, à partir dans une profonde solitude. D’aucuns, à la vue de l’hécatombe, furent frappés d’hystérie individuelle ou collective, se battant pour un rien, en venant même à stigmatiser les soignants vus comme de potentiels vecteurs du mal sournois.
Le Macron, tel le Lion de la fable de La Fontaine « “ Les Animaux malades de la Peste ”, tint conseil, et dit : « Mes chers compatriotes, je veux saluer la mémoire des soignants qui ont payé de leur vie leur engagement pour sauver d’autres vies, d’autres vies [...] Mes chers compatriotes, nous sommes engagés dans une guerre, une guerre contre un ennemi invisible [...] Lorsqu’on s’engage dans une guerre, on s’y engage tout entier, on s’y mobilise dans l’unité [...] Partout nos militaires sont prêts, je le sais. Nous sommes en guerre, et face à ce qui se profile, ce pic de l’épidémie qui est devant nous, j’ai décidé de lancer l’opération Résilience. »
Et le blabla martial de se poursuivre. Et les remerciements, et les promesses de se poursuivre. Et, en même temps, l’occasion faisant le larron, la casse du code du travail, et autres libertés individuelles...
Certains marmonnèrent et dirent « haro sur les baudets », « Quand on parle de guerre, encore faut-il que ceux qui sont sur le front soient dûment armés (à moins de les considérer comme de la simple « chair à canon » ou comme les nouveaux « liquidateurs »). Ce n’est pas l’état d’urgence sanitaire, non, mais plutôt l’état de pénurie généralisée (pénurie de gants, de protections, de tests, de respirateurs, de bouteilles d’oxygène, de médicaments quand les principes actifs viennent d’ailleurs, de lits, ...). Qui sont ces donneurs de leçon, qui sont ces donneurs d’ordre qui ont mis à genoux les services de santé au nom de la doxa libérale, qui ont fermé toujours plus de lits d’hôpitaux (69 000 lits en quinze ans), fermé des maternités, qui n’ont pas payé les millions d’heures supplémentaires, qui n’ont pas embauché, qui ont méprisé ceux qui se sont mis en grève dès le 18 mars 2019 pour alerter du délabrement en cours, pour dénoncer l’asphyxie des services de santé bien avant la crise sanitaire, qui ont ignoré les rapports qui alertaient sur la nécessité de faire de la recherche fondamentale sur les coronavirus et autres virus, sur la nécessité d’avoir des stocks de protections ? Qui sont ces gens criminels qui ne pensent qu’à sauver, coûte que coûte, le système financier ? (système qui, sans la pandémie, aurait généré une nouvelle crise, à cause des liquidités mal utilisées qui n’ont servies qu’à créer de nouvelles bulles spéculatives prêtes à exploser) »
Vous connaissez déjà la morale de cette mauvaise fable, elle est toujours la même : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».
« La Peste soit de l’avarice et des avaricieux. » (Molière)
D’après La Fontaine.
(*) Lire « Contre les pandémies, l’écologie », Sonia SHAH, Monde Diplomatique de mars 2020