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Une vaisselle de dingue !

Au royaume de France, la « première dame » aime la belle vaisselle. Cela tombe à pic : le pays compte parmi ses plus beaux fleurons artistiques ancestraux la manufactures de Sèvres et ses somptueuses productions. Rien n’étant trop beau pour le Palais de l’Elysée et Emmanuel Premier nous ayant rapidement habitués à régner en monarque absolu, sa souveraine épouse eut toute latitude pour passer récemment commande à la célèbre manufacture d’un nouveau service de table pour les dîners d’apparat organisés au château. Cette commande comptant 1 200 pièces, dont 900 assiettes de présentation et 300 assiettes à pain, pourrait coûter, selon l’estimation du Canard enchainé, la bagatelle d’un demi-million d’euros ! Une polémique occupe alors les dîners en ville : les uns crient au gaspillage des deniers publics, les autres estiment qu’il s’agit là d’un soutien à une industrie de luxe et d’un investissement dont il serait malséant de chipoter le prix.

Le peuple éclairé par les fastes de l’Histoire de son pays accepte souvent de bonne grâce que les plus beaux trésors du patrimoine dont il est fier fassent l’objet d’une attention certaine. A ce titre, que Mme Macron donne l’exemple de cette attention ne semble pas vraiment choquant en soi. La Manufacture de Sèvres appartient bien au patrimoine culturel à préserver et que l’Etat se doit de soutenir. Créée en 1740 à Vincennes sous l’impulsion de la marquise de Pompadour, favorite du roi Louis XV et mécène des arts de l’époque, la manufacture fut transférée à Sèvres en 1756. Elle fut d’abord royale, puis impériale et est aujourd’hui nationale. A l’origine il s’agissait de soutenir la porcelaine française face à celle de Saxe et d’inciter l’aristocratie à orner ses tables de réception. Chaque année, Louis XV prenait même l’initiative d’exposer les nouvelles productions à Versailles. La Manufacture de Sèvres a servi tous les régimes politiques de France, la royauté, l’Empire et la République. De nombreux artistes de renom ont participé à ses créations tels Boucher, Rodin, Mayodon ou Calder. Mme Macron a choisi pour sa part l’artiste Evariste Richer qui a prévu de s’inspirer d’un plan du Palais de l’Elysée sous la IIIème République pour décorer les assiettes du nouveau service, baptisé… « Bleu Elysée », en écho pas très original au fameux bleu de Sèvres, obtenu par incorporation d’un oxyde de cobalt. La somptueuse commande va nécessiter deux ans de fabrication. L’on constate donc que dans certains domaines le Prince n’est pas trop empressé ! Le rythme de la construction d’une majesté rayonnante n’est à l’évidence pas le même que celui du train des réformes imposées au peuple.

Seulement, voilà : le peuple est aussi éclairé des vicissitudes du temps présent qui lui sont serinées presque quotidiennement par le monarque. Que voulez-vous, les temps sont difficiles. Pour que la France trouve sa « juste place » dans la compétition économique mondiale chacun doit faire un effort pour le pays. Les retraités modestes sont ponctionnés. On retire cinq euros d’allocation logement aux plus humbles quand on allège grassement l’impôt des plus nantis. Ces derniers sont récompensés car ils sont « les premiers de cordée ». Leur effort en tant qu’avant-garde désignée du redressement national est, comme chacun le suppose, déjà considérable ! Alors vint l’abjection : « On consacre un pognon de dingue » aux minimas sociaux. M. Macron considère anormal que malgré la générosité de l’Etat les bénéficiaires de ces revenus minimaux « ne s’en sortent toujours pas ». Il a fait de brillantes études. Cependant, il a très mal assimilé les leçons de sociologie qu’il a reçues ou bien en séchait les cours car ayant mieux à faire ailleurs. Il devrait pourtant savoir que sans les minimas sociaux – ou si l’on en réduisait le montant – les intéressés passeraient de la pauvreté à la misère . Oui, car il y a pire que la pauvreté. Non content de manier ici l’insulte envers les plus démunis M. Macron affiche son ignorance. Les minimas sociaux sont un filet de sécurité, non un tremplin vers un avenir radieux. Comment les « bénéficiaires » des minimas sociaux auraient-ils pu supporter sans sourciller, à quelques jours d’intervalle, l’injurieuse sortis de M. Macron et l’annonce de la mirobolante commande de Madame ?

Le vaisselier de la première dame est potentiellement si bien garni qu’il n’est pas même permis d’y glisser une pincée de tact ou un doigt d’empathie à l’égard des manants hélas de plus en plus nombreux dans le royaume. La croyance du monarque placée dans les prétendues vertus du Marché libre autorégulateur conduit, en France comme ailleurs, au délabrement des sociétés humaines. Faut-il chercher plus loin les raisons de la montée lancinante des partis fascisants en Europe ? Demain, le bleu Elysée pourrait ne plus être qu’une tâche discrète sur la toile de fond brunâtre de l’aventure européenne sacrifiée.

Yann Fiévet

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