Assommé, groggy et d’ une grande tristesse depuis cette nuit de dimanche où les résultats sont tombés, et je ne peux toujours pas y croire , même si , depuis 3 mois que je suis au Venezuela , je voyais arriver cette défaite, mais un miracle était toujours possible, par ces mobilisations incroyables dont on avait pris l’habitude.
Si critiques de Maduro il y a, ce n’est pas à moi de les faire , pas assez qualifié, au moins sur le volet économique, mais les élections approchaient et on voyait bien qu’on allait dans le mur, les mesures radicales pour tenter d’inverser cette tendance ne venaient pas , tout était « étrangement » calme, même si l’ambiance était parfois pesante.
La guerre économique a été un piège bien orchestré, pilotée par qui on sait, mon impression est qu’elle a été savamment dosée , suffisamment pour provoquer frustration, mécontentement et colère dans l’électorat « flottant » Chaviste le moins conscientisé, mais pas trop pour ne pas provoquer une grande réaction populaire et faire réagir le gouvernement de façon radicale.
L’opposition déroulait , j’allais dire tranquillement, son plan , sa stratégie, jusqu’à la date du 6 décembre. C’est peut être ce qu’elle a fait de plus intelligent en 17 ans de révolution.
Je pense que ce qui a fait le plus mal est l’hyper-inflation, plus que les pénuries et les files d’attente, j’ai vu beaucoup de Chavistes en colère devant , non pas une simple perte de « pouvoir d’achat » mais d’un appauvrissement rapide, affolant, semaine après semaine. L’un d’eux me disait qu’il ne pouvait même plus se racheter et remplacer une simple paire de chaussures, passée en quelques mois de 1000 à 10 000 Bolivars, soit juste au dessus du nouveau salaire mensuel minimum d’environ 9000 Bolivars.( après la dernière augmentation de 30%, en octobre )
En numéro 2 des calamités , l’effondrement artificiel à visée géopolitique ( visant le Venezuela, la Russie, l’ Iran ) du prix du baril de pétrole a privé le gouvernement Bolivarien de ressources qui lui auraient beaucoup servi à contrer cette guerre économique. A ce niveau le piège se refermait.
Je suis persuadé que le Venezuela était le premier visé par cette mesure.
Depuis le 6 décembre ( et même avant) je me pose ces questions.
Fallait-il au nom de la démocratie (mais ici à sens unique) laisser se dérouler ces élections dans ce contexte de guerre économique aussi anti-démocratique que possible ?
Les 2 parties n’ont pas été sur un pied d’égalité ( c’est le moins qu’on puisse dire), l’une des parties seulement se prêtant pleinement aux règles démocratiques, pendant que l’autre, utilisait cette démocratie sans contrepartie, trichait et conspirait avec l’aide de pays étrangers ( Etats-unis en tête, Colombie, certains pays Européens …)
Il faudra obligatoirement finir par en tirer les leçons, la première étant que tant que l’hydre impérialiste US sera en mesure de continuer à nuire, il sera toujours terriblement difficile de pérenniser une société socialiste .
Autre question, fallait-il continuer sans frein les programmes sociaux , comme si de rien n’était, sans prioriser les problèmes de pénuries en vivres de base, pièces détachées, médicaments etc… ?
Et surtout n’était-il pas possible d’instaurer en urgence un blocage total des prix avec un contrôle extrêmement sévère ?
La mise en place sans contrainte des « prix justes » ( precio justo) par le gouvernement n’ayant eu que peu d’efficacité .
Je remets ici la conclusion de cet excellent article paru sur le GS il y a quelques jours , désormais à conjuguer au passé.
http://www.legrandsoir.info/elections-legislatives-au-venezuela-la-revolution-bolivarienne-face-a-son-plus-grand-defi.html
« Il n’y a qu’un seul moyen de résoudre les problèmes auxquels la révolution fait face. Hugo Chavez l’avait déjà annoncé avant sa mort, dans un discours célèbre nommé « le coup de gouvernail » (Golpe de Timón). Il y préconisait de construire une économie socialiste et de remplacer l’Etat bourgeois par un Etat basé sur les communes.
Une chose est claire : la voie tentant de réguler le capitalisme a échoué et sans un brusque virage à gauche, la révolution bolivarienne sera vaincue. »
J’enrage de savoir que le FMI , la banque mondiale, les multinationales principalement états-uniennes et toute la clique vont reprendre la main sur ce pays, ExxonMobil, Chevron en tête.
J’enrage de savoir que cette reprise des richesses du Vénézuéla , et elles sont nombreuses, vont redonner un grand bol d’oxygène à l’empire à un moment ou il a un genou à terre.
Il fallait être naïf pour s’imaginer que les états-uniens laisseraient enfin l’Amérique Latine en paix et souveraine, Macri en Argentine, la tentative de coup d’état constitutionnel en cours contre Dilma Roussef, le Venezuela, prouve qu’il n’en est rien et que leurs « occupations » et leurs soucis actuels au Moyen Orient, contre la Russie et contre la Chine ne les ont en rien distraits de ce qu’ils considèrent toujours comme leur arrière cour.