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A propos de la loi sur les heures supplémentaires.




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Novembre 2007.


Cette mesure fonctionne complètement à l’aveuglette. Pour que le pouvoir d’achat d’un salarié augmente, il faut d’abord qu’il fasse des heures supplémentaires mais il faut aussi que l’employeur fasse la demande d’exonération (ce n’est pas automatique) autrement dit qu’il y trouve son avantage.

Il y a en réalité trois sortes d’heures supplémentaires : celles qui sont déclarées ; celles qui ne le sont pas mais sont payées sous forme de primes ou de RTT ; et celles qui se font au noir, payées de la main à la main ou non. Tout dépendra alors de la taille et du secteur de l’entreprise, du niveau du salaire, de la durée du travail figurant dans le contrat de travail et du rapport de forces local.

Bref, une évaluation a priori est impossible, et le bilan ne pourra valablement être tiré avant au moins une année pleine et à condition que soient construits les instruments d’évaluation qui n’existent pas encore. Le gouvernement table sur une enveloppe qui concernerait 900 millions d’heures supplémentaires, ce qui représente moins de 3 % du nombre total d’heures salariées. Mais personne ne sait qui va bénéficier des mesures prises.

Mesure à l’aveuglette, et donc mesure inégalitaire en fonction de la possibilité de faire des heures supplémentaires, qui ne dépend jamais du choix du salarié. Inégalité aussi à l’encontre des femmes à temps partiel dont les heures complémentaires seront peu revalorisées et qui ne pourront pas plus qu’avant accéder à un temps plein. Les gains seront rognés pour les bas salaires qui perdront une partie de la prime pour l’emploi et ne bénéficieront pas de baisse d’impôt sur le revenu si leur ménage n’en paie déjà pas.

Lagarde triche carrément quand elle se vante devant les députés, le 31 octobre dernier, qu’un smicard « qui fait quatre heures supplémentaires touchera 1188 euros net à la fin du mois, soit 18 % d’augmentation ».

Ce serait vrai pour un smicard qui ne faisait aucun heure sup. auparavant et, encore une fois, cela ne dépend pas de sa volonté de « travailler plus pour gagner plus ». Ce slogan creux oublie en outre que beaucoup de salariés travaillent trop et n’ont pas envie de travailler encore plus.

Même si la mesure fait le plein, le gain de pouvoir d’achat global ne dépassera pas 0,4 %. Cette petite relance ne créera pas beaucoup d’emplois, puisque la mesure encourage le recours aux heures supplémentaires plutôt que l’embauche. A terme, on peut craindre deux effets pervers : il faudra bien trouver des ressources budgétaires pour financer la mesure ; et la tentation sera grande dans les entreprises de prendre prétexte des avantages accordés aux heures supplémentaires pour freiner la progression générale des salaires.

Le recours aux heures supplémentaires pourrait ainsi se substituer à une norme générale de progression salariale. La rémunération de base aurait pour vocation de stagner (ainsi que le Smic) et seul l’accès aux heures supplémentaires permettrait d’assurer une progression salariale ainsi individualisée. La négociation collective des salaires, qui souffrait déjà du développement des augmentations individualisées, serait ainsi vidée d’une bonne partie du reste de son contenu.

Cette loi est aussi la grande revanche sur les 35 heures. A partir du moment où les heures supplémentaires ne coûtent pas plus cher à l’employeur au moins jusqu’à un certain niveau de salaire (il les paie plus mais obtient des allégements) la notion de durée collective du travail perdrait encore un peu plus de substance.

C’est une étape vers la disparition de fait du contrat collectif de travail.

Le seul « avantage » de cette loi, du point de vue des salariés, c’est son possible effet boomerang : si les salariés constatent que, sous prétexte de « travailler plus pour gagner plus », les salaire sont gelés, que la pression fiscale augmente pour tous les salariés et que l’on réduit les nouvelles embauches en allongeant la durée du travail, alors cette prise de conscience pourrait nourrir des mouvements visant à rétablir la négociation collective au centre du rapport salarial.

Michel Husson, économiste, administrateur de l’ INSEE, chercheur à l’ IRES (Institut de recherches économiques et sociales), membre de la Fondation Copernic. Auteur entre autres, de "Les casseurs de l’ Etat social", La Découverte.






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