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"Accepter le verdict des urnes", par Vincent Présumey.








Samedi 12 mai 2007.


Tout au long de cette semaine, à partir de dimanche soir, des secteurs de la jeunesse sont sortis dans la rue puis ont, dans certaines facultés notamment Tolbiac, amorcé un mouvement de grève. Dans des dizaines de lycées de province on a vu des mouvements spontanés de groupes de quelques dizaines de jeunes amorçant des rassemblements ou des manifestations. Ce mouvement a été brutalement réprimé car il constitue un symptôme important.

En effet, comme l’écrit le texte adopté par une AG étudiants-lycéens tenue à Lyon le lundi 7 mai :

"C’est la première fois de toute l’histoire de la Vème République que des manifestations massives s’opposent à la légitimité d’un président avant même qu’il ne soit investi. Et c’est justifié ! Le mode de scrutin, l’existence même d’un président de la république qui concentre entre ses mains des pouvoirs énormes, les manipulations et connivences médiatiques évidentes qui ont soutenu Sarkozy, sont fondamentalement antidémocratiques et évacuent de la représentation une large part de la société." (supplément à la Lettre de Liaisons du 8 mai).

Mais que disent à ces jeunes la quasi totalité des responsables des partis de gauche et des syndicats ?

Qu’il faut purement et simplement "accepter le verdict des urnes" et que leur mouvement est antidémocratique, donc, de fait, que sa répression est justifiée. "La victoire de Sarkozy est sans appel", nous serinent les dirigeants officiels de la gauche depuis une semaine.

Le simple fait qu’il leur soit nécessaire de marteler cette affirmation ne doit-il pas inciter au doute ?

Certes, N.Sarkozy a gagné l’élection présidentielle et ceci constitue une défaite pour la classe ouvrière et pour la jeunesse, qui marque dans l’immédiat le rapport des forces et rend impossible de se lancer "à l’assaut de la citadelle" au lendemain même de sa victoire. Les groupes qui poussent les jeunes à une telle action de franc-tireurs les poussent dans le mur et complétent en fait le travail des dirigeants qui les condamnent en permettant leur isolement. Les jeunes d’ailleurs ne sont pas dupes : si Tolbiac a repris les cours le vendredi 9 mai, c’est qu’ils ont senti le danger de leur situation et estimé qu’ils avaient déjà , en entrant en grève, donné un avertissement et manifesté leur réactivité.

Mais cette victoire de M.Sarkozy, que l’on ne saurait contester non dans sa "légitimité" mais en tant que fait, cette victoire n’est pas "la démocratie". Les élections présidentielles sont le contraire de la démocratie : la désignation du chef suprême s’apparente plutôt à un rituel d’investiture collective débouchant sur la soumission. Ce n’est pas parce que tout le monde vote qu’il y a démocratie : cette condition nécessaire n’est pas suffisante. La concentration des pouvoirs et la manipulation médiatique, comme le dit la déclaration de l’AG lyonnaise, étaient déjà là et ont construit ce résultat "démocratique". Mais surtout, surtout, N.Sarkozy n’a pas gagné par ses propres forces, malgré ce pouvoir effectif, étatique, policier, médiatique, financier, qu’il avait déjà . Il n’a gagné que parce que les candidats dits de gauche lui ont offert sa victoire sur un plateau, notamment S.Royal. Si l’on considère les conditions réelles de la campagne, l’étonnant n’est pas son élection, mais le fait que l’électorat ouvrier organisé et conscient ait autant résisté, parvenant à limiter les dégâts.

La démocratie, ce n’est pas le pouvoir du capital ; la démocratie, ce n’est pas la V° République.

La démocratie, pouvoir réel de la majorité, c’est ce que revendiquent les jeunes qui contestent immédiatement l’élection antidémocratique de Sarkozy.

La démocratie, c’est la tentative de grève totale d’Airbus menée au même moment par ses salariés pour interdire les licenciements décidés par le capital. La démocratie réalisée serait la force concentrée de la majorité contre le capital et contre son Etat.

La démocratie, elle est dans ce "spectre de mai 68" que M.Sarkozy veut renvoyer en enfer et qui s’est manifesté au lendemain de son élection dans cette synchronie entre des mouvements à la Sorbonne et des mouvements dans l’ancien pôle aéronautique de Nantes-St-Nazaire ...

De plus, beaucoup d’études et de sondages et ce que nous pouvons tous constater le disent : les 18-24 ans ont massivement voté contre Sarkozy. Sans préconiser un eugénisme électoral qui ne serait guère démocratique, il faut dire que sans le vote des plus de 70 ans Sarkozy serait battu ! Et probablement aussi si l’on votait dés 16 ans. Cela ne veut pas dire qu’en bloc "les jeunes" sont tous contre Sarkozy : il redevient majoritaire dans le vote des 25-34 ans, la génération qui a accédé à la vie politique dans les années 1990 et qui a trouvé des emplois et plus subi l’idéologie de l’entreprise que les jeunes qui ont suivi dans les années 2000. Mais comment ne pas se révolter quand on est jeune contre ce dictat ?

Le "vote des vieux" doit être analysé. Au vote des rentiers (plus nombreux dans ces classes d’âges) et au vote des grabataires, s’ajoute un vote en tant que "vieux", catégorie construite depuis une vingtaine d’année : le retraité est artificiellement coupé des luttes des salariés et subi un matraquage médiatique et idéologique le présentant en "victime", objet non de la solidarité de classe qui est pourtant encore matérialisée dans la Sécurité sociale et les régimes de retraite par répartition, mais de la charité compassionnelle, illustrée par ce "lundi de Pentecôte" de Raffarin que S.Royal ne voulait pas abroger. Confiné dans la peur au lieu d’être associé à la vie sociale, le "vieux" devient alors un sujet aliéné, qui va voter Sarkozy non parce qu’il est vieux, mais parce que le capitalisme a créé cette catégorie nouvelle, coupée de la vie sociale et manipulée contre elle. Honneur à ceux de nos vieux restés conscients, restés jeunes, qui résistent à cette emprise !

Alors que des jeunes qui accédent à la conscience et donc à la révolte et qui voient ce monde hideux de l’entreprise, de la précarité et de la catastrophe environnementale qu’on leur lègue, sont soi-disant "minoritaires" et doivent "accepter le verdict des urnes", des vieux ayant perdu leur autonomie, au déclin de leur conscience, viennent voter contre ces jeunes et l’on appelle ça "la démocratie" ! Ils entendent dire qu’on ne doit pas léguer la soi-disant "dette publique" aux générations futures et ils voient ce spectacle indigne de vieux aliénés venir leur léguer, à eux, comme une punition, Sarkozy ? ! Comment ne pas s’insurger ?

Le mouvement des jeunes est un symptôme trés important de la capacité de toute la classe ouvrière non pas à "résister à Sarkozy", non pas à "rééquilibrer les pouvoirs en attendant 2012", non pas à "montrer qu’ils n’en ont rien à foutre du verdict des urnes" -nous citons là diverses variantes, au fond, de la même chanson ! - mais de sa capacité à affronter Sarkozy pour le défaire.

C’est pourquoi ce mouvement ne doit pas être laissé seul livré à la violence et à la provocation policière étayée par des ânneries "ultra-gauches". D’ores et déjà il cherche à se centraliser : la grève générale n’est pas à l’ordre-du-jour au moment présent, ni la grève générale des universités et des lycées, mais la recherche de la centralisation est d’ores et déjà nécessaire. Les AG de Nanterre et de l’université Lumière Lyon II appellent à une ou des manifestations le mercredi 16 mai, jour de l’investiture de Sarkozy, des secteurs importants de l’UNEF et du MJS s’engageant dans cette bataille. Tournant ainsi le dos à l’isolement "ultra-gauche", ils montrent la perspective à toute la classe ouvrière : se préparer à l’affrontement pour défaire Sarkozy.

Vincent Présumey




Kouchner et les tyrans sanguinaires, par Maxime Vivas.


Une défaite historique de la gauche, Denis Collin, Christophe Miqueu, Jacques Cotta.

Le coup de Trafalgar caché contre le Code du travail et le programme de Sarkozy, par Matti Altonen.






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