« ... Cette sorte de jeu de miroirs se réfléchissant mutuellement produit un formidable effet de clôture, d’enfermement mental. » (1)
Le feuilleton de l’été : le videur et le chef d’entreprise
C’est inutile de rappeler les noms de ceux qui ont joué les rôles du videur et du chef d’entreprise. Comme il est superflu de résumer le sujet du feuilleton. Cependant, on ne peut omettre de souligner le discours tenu par le héros du feuilleton dans les jardins de la maison de l’Amérique latine.
Paroles déclamées sous la forme d’un défi, manqué le lancer de gant :« celui qui a fait confiance à Alexandre Benalla, c’est moi, le président de la République. S’ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ils viennent le chercher ».
Ravie, la cours applaudit !
Je fais l’économie des protestations de ceux qui ont dénoncé le comportement du videur lors des manifestations du 1° mai sans pour autant relever le défi. Mais on ne peut passer sous silence l’émerveillement d’un membre de la cours présidentielle qui l’admira parce qu’il l’a trouvé « très bon ». (1) Ceci d’autant plus que le héros s’est comporté comme « un chef d’entreprise » (1) qui « sait faire les choses. » Et d’en rajouter dans le cas où la plèbe n’aurait pas compris : « il assume tout, il va falloir aller le chercher . » (2) … Pour ce membre de la cours, en agissant tel un chef d’entreprise, le président fait bien son ’’job’’. Autrement dit, la République doit être conçue comme une entreprise pour être mieux ’’gérée’’. Pas une entreprise d’un peuple citoyen construisant son destin avec comme boussole les valeurs universelles, égalité, fraternité, liberté et laïcité. Un idéal comme horizon à atteindre. Non, il est question d’une vulgaire entreprise qui peut fermer ou se vendre au plus offrant...
Mais si la ’’politique’’ intérieure française servait de feuilleton pour divertir la plèbe sans discontinuité. En ce même mois de juillet, sur le plan international, les autorités françaises accusèrent l’Iran d’être derrière une soi-disant tentative d’attentat contre l’organisation des Moudjahidin Khalk (OMK) à Villepinte. Cette accusation fut prononcée quelques jours avant la venue du Président iranien Rohani en Europe. Une accusation suivie d’un conseil de l’Elysée adressé aux iraniens : c’est dans l’intérêt de l’Iran de rester dans l’accord nucléaire. A ce conseil, les autorités iraniennes répliquèrent sans langue de bois diplomatique : « plutôt que les intérêts iraniens, les autorités françaises feraient mieux de se soucier de ceux de la France ». (2) Tout en dénonçant l’alignement de l’Etat français sur la politique « américano-sioniste ».
Une réponse iranienne qui traduit une réalité : la collaboration de l’Etat français avec l’oligarchie financière et ceci au détriment de l’intérêt de la France et du peuple qui l’habite.
La destruction des biens communs, des acquis sociaux et le démantèlement du code du travail reflètent cette collaboration sur le plan économique. Mais pour que cela devienne une réalité, il a fallu tout d’abord diluer la souveraineté républicaine dans l’Union européenne sur le plan économique et politique. Dans l’Otan, sur le plan géopolitique.
Bref, si le feuilleton de l’été n’est pas une affaire d’Etat, néanmoins, associé à d’autres faits politiques et culturels, il reflète la lente déliquescence de l’Etat français... Quant à la République..
Le braqueur et le président
Il s’agit d’un ’’selfie’’ où apparaissent deux jeunes gaillards entourant un autre jeune bien habillé et hilare. Oublions un instant les commentaires des spécialistes en tout, les ’’toutologues’’ comme les surnomme R.Debray et faisons deux hypothèses.
1°) Une personne regarde la photo tout en ignorant les activités et la fonction des dits jeunes. Une telle personne pensera, par exemple, que se sont des amis, heureux de s’être retrouvés. Une photographie parmi des millions d’autres qui inondent la ’’toile’’.
2°) La personne qui regarde la photo sait que l’un est un braqueur et celui qui rit à plein dent représente l’Etat français. Elle est aussi au courant qu’ après avoir sermonné le braqueur en lui apprenant que voler n’est pas bien, le jeune bien habillé accepte d’être photographié avec lui. Enfin, la personne qui regarde la photo n’ignore rien de la prise de la bastille, de la Commune de Paris. Et de tous ceux qui ont donné naissance à la République... Robespierre... Clemenceau... De Gaulle...
A partir d’une telle hypothèse la dite personne aboutirait à la conclusion suivante:celui qui représente l’Etat français est un minable représentant de la République. Il n’est pas à sa place...
Et pour finir sa conclusion, il ajouterait : le nouveau monde dont les toutologues nous parlent n’est rien d’autre que ’’l’ancien’’ dans sa phase de décadence !
Maintenant, sortons de ces hypothèses et de la conclusion pour rappeler qu’ayant récidivé, le doigt d’honneur exprimait déjà sur la photographie ce que le braqueur pensait du conseil de E.Macron.
Décidément, seul le braqueur est à sa place !
Mais comme l’écrivait le philosophe Gramsci du fond de la prison, « il faut allier le pessimisme de la raison à l’optimisme de la volonté ». (3) Une vérité qui exige de la raison une hauteur de vue..
Encore un mauvais feuilleton : la République c’est moi !
Nul besoin de résumer le scénario de ce feuilleton puisque réseaux sociaux, journaux écrits et télévisés en parlent en long et en large. En revanche,certaines scènes interpellent à plus d’un titre puisque l’un des acteurs et son mouvement la France insoumise (FI)sont porteurs d’une espérance.
L’espoir que la France de demain ne sera pas une ’’Startup Nation’’ sous tutelle de l’oligarchie financière et un pion au service du chef suprême de l’Otan.
D’où la première question.
Pourquoi celui qui crie à l’injustice pour raison de perquisitions dans les locaux du mouvement et dans les domiciles de ses dirigeants adoube-t-il autant F. Miterrand qui, ministre de la justice sous Guy Mollet, donna plein pouvoir à l’armée française pour que les portes des gourbis de villageois algériens soient défoncées sans autre forme de procès ?
Je passe sous silence la collaboration avec Pétain, René Bousquet... Ecoutes téléphoniques... Affaire des irlandais de Vincennes... Et interrogeons-nous sur le comportement du dirigeant de FI.
Si ce qu’ affirme ce dernier est une vérité, à savoir que justice et police politique est une caractéristique de l’Etat ’’macronien’’, alors une opportunité politique s’offrait au dirigeant de la France insoumise. Tout en laissant faire cette justice et cette police, appeler sans colère et avec lucidité la population française à dénoncer cet état de fait et les conditions sociales qu’elle subit... Sur la place de la Bastille.
C’est ainsi que se construit pas à pas la « révolution citoyenne » qu’appelle de ses vœux la France insoumise... Enfin, n’oublions pas que de belles révolutions ont eu lieu de part le monde, à commencer par la France, sans smartphone ni facebook mais en utilisant le téléphone arabe.
Cependant la volonté était présente ! Il faut le préciser.
Conclusion : Confusion entre l’idée et sa représentation
Prenons deux exemples.
1°) Un professeur de mathématiques demande à un élève de tracer une droite. Ce dernier à l’aide d’une règle et d’un crayon trace un long trait droit. Pourtant le trait ’’parfaitement droit’’ n’est pas une droite ...Une droite est invisible...Le professeur aurait dû demander :tracer la représentation d’une droite. Ce n’est nullement jouer sur les mots mais tout simplement faire la différence entre l’idée et sa représentation...
Une idée juste peut-être mal représentée.
2°) Le peuple français sous l’occupation était sous l’autorité de l’Etat français avec Pétain comme président de la république. Pour De Gaulle et la Résistance, l’Etat français et son chef, le héros de la première guerre mondiale ne représentaient pas la République... Et donc, le 16 juillet 1995, le président J.Chirac a fait une erreur en considérant que la rafle du Vel’d’Hiv’ est une horreur commise le 16 juillet 1942 par la République. Et pour cause, les véritables représentants de cette dernière étaient exilés à Londres et dans le maquis.
La République est une idée véhiculant des valeurs universelles dont beaucoup de révolutionnaires de différents continents s’en sont inspirés en se soulevant contre l’Etat français qui, lui, colonisait leurs terres en traitant l’indigène comme un être inférieur... Hô Chi Minh... Patrice Lumumba... A. Boudiaf... M.Ben Barka... Frantz Fanon...
De ce qui précède découlent une conclusion et une question.
La conclusion : J.L Mélenchon n’est pas la République.
La question : le député a-t-il bien représenté la République ?
M. El Bachir
(1) Pierre Bourdieu. Sur la télévision. Liber. RAISON D’AGIR. 12 décembre 1996 (page 25)
(2) Le Monde. 24 juillet 2018 . Propos du député du Modem, Bruno Millième.
(3) http://french.almanar.com.lb/1091488
(4) Antoine Gramsci : Lettres de la Prison. https://blogs.mediapart.fr/salem-sid-ahmed/blog/150616/le-pessimisme-de-la-raison-loptimisme-de-la-volonte