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La langue française s’est enrichie d’un nouveau verbe

« Le serpent change de peau, non de nature. » (Proverbe persan)

Parler pour ne rien dire

Après la Bulgarie, Chypre, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Suède et la Tchéquie, le 28 mai 2024, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont officiellement reconnu un État palestinien fondé sur les frontières de 1949 à 1967. Du côté français, le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné juge que les conditions ne sont pas réunies pour qu’une reconnaissance d’un État palestinien « ait un impact réel » sur le processus visant la solution à deux États mais ce « n’est pas un tabou pour la France ».

Mais quelles sont les conditions et qui les dicte pour que la reconnaissance d’un Etat palestinien ne devienne pas un tabou ?

Le mercredi 29 mai 2024, le Président Macron s’est entretenu, par téléphone, avec Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité palestinienne pour réitérer « la très ferme condamnation par la France des attaques terroristes barbares perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023, la libération immédiate et inconditionnelle des otages, y compris les otages français, demeurant une priorité absolue. » (1)

Un rappel présidentiel qui souligne l’urgence de relancer les efforts de paix et de mettre fin à l’ajournement systématique de la mise en œuvre de la solution des deux Etats et de l’établissement d’un Etat palestinien. Dans la même communication le Président français exigeait la « libération immédiate et inconditionnelle des otages » et souhaitait « relancer les efforts de paix » tout en déplorant la situation humanitaire dramatique de la population de Gaza. Et les deux Présidents, français et palestinien, ont appelé à ce que l’intervention militaire israélienne à Gaza cesse immédiatement, comme le demande la Cour internationale de Justice.

Il va de soi que l’inconditionnalité qu’exige le président Macron est incompatible avec le souhait de mettre fin à la « situation humanitaire dramatique » perpétrée par la puissance occupante. Quant aux otages français, le président français oublie de préciser que ces derniers sont des colons et donc, ont participé à l’œuvre de colonisation de la Palestine. En particulier en Cisjordanie. Mais pour Macron, le froid et le chaud sont à la même température.

Quant à l’ajournement systématique de l’établissement d’un Etat palestinien, Emmanuel Macron ne précise pas que les principaux Etats occidentaux responsables de cet ajournement systématique sont : la France, le Royaume-Uni et le chef suprême, l’impérialisme étasunien. Un ajournement consolidé par la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’Etat sioniste tout en fermant les yeux sur la colonisation continue de la Cisjordanie et en entérinant le statut de prison à ciel ouvert de Gaza où vivent entassés plus de 2 millions de réfugiés palestiniens avant de devenir un cimetière.

Croyant que la puissance militaire coloniale allait mettre fin à la résistance palestinienne à Gaza en quelques jours, France, Angleterre et Etats-unis ont soutenu sans retenue l’armée israélienne dans ce qui est devenu un crime contre l’humanité. Le véto étasunien pour empêcher le Conseil de sécurité de voter la Résolution d’un cessez-le-feu proposée par la Russie a laissé les mains libres à la puissance occupante pour détruire et massacrer. « Une tragédie humaine... une honte pour la civilisation » (2).

Au contraire, l’espace de la résistance face à la puissance sioniste s’est élargi au-delà de la bande de Gaza.

Neuf mois après, tragédie, crime contre l’humanité, génocide, peu importe ce que vit la population de Gaza, circonstances politiques internes obligent, le juge suprême, défenseur du ’’bien de l’humanité’’ demande à son allié de ralentir la marche destructrice, sans abandonner pour autant l’objectif stratégique, à savoir, démilitariser la résistance palestinienne et réduire le droit du peuple palestinien à vivre libre dans sa terre à une simple question de gestion administrative dans un espace de plus en plus réduit.

Le chef suprême indique la route et le sous-fifre suit

En effet, le 31 mai 2024, le président des États-Unis Joe Biden fait un discours où il appelle à « un cessez-le-feu total et complet à Gaza ; le retrait des forces israéliennes de tous les centres de population de Gaza ; la remise en liberté d’un certain nombre d’otages – notamment parmi les femmes, les personnes âgées, les blessés – en échange de la libération de centaines de prisonniers palestiniens. » (3)

Prenant connaissance de la position étasunienne, le Président français emboîte le pas en prenant la même route et dans le même sens : « la guerre à Gaza doit cesser. Nous soutenons la proposition d’accord global des États-Unis. » (4)

Macron fait donc fi de ses propres propos énoncés le 29 mai...

Et à l’Académie française, un nouveau verbe du premier groupe a été proposé : macroner.

1°) Parler pour ne rien dire
2°) Parler pour masquer la posture de sous-fifre
Les académiciens ont choisi la seconde définition, considérant que la première est contenue dans la seconde.

Mohamed El Bachir

(1)https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/05/29/entretien-avec-mahmoud-abbas-president-de-lautorite-palestinienne

(2)https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/07/wang-yi-chef-de-la-diplomatie-chinoise-la-guerre-a-gaza-est-une-honte-pour-la-civilisation-les-dirigeants-taiwanais-seront-liquides-par-l-histoire_6220610_3210.html

(3)https://fr.timesofisrael.com/discours-de-biden-sur-un-accord-sur-les-otages-et-un-cessez-le-feu-dans-la-guerre-entre-israel-et-le-hamas/

(4) https://x.com/EmmanuelMacron/status/1796844828522627320

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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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