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L’étape manquante

En Suède, les procureurs ont demandé aux tribunaux suédois de délivrer un mandat d’arrêt contre Julian. Il y a une histoire extraordinaire derrière cette simple déclaration.

Le mandat d’arrêt européen doit être délivré d’un pays à un autre par une autorité judiciaire. La demande d’extradition initiale de M. Assange n’a pas été présentée par un tribunal, mais simplement par le procureur. C’était d’autant plus étrange que le procureur général de Stockholm avait initialement classé l’affaire après avoir décidé qu’il n’y avait pas d’affaire à répondre, puis qu’un autre procureur, très politiquement motivé, avait rouvert l’affaire et délivré un mandat d’arrêt européen, sans demander confirmation à un juge.

L’appel initial d’Assange devant la Cour suprême du Royaume-Uni était en grande partie fondé sur le fait que le mandat ne provenait pas d’un juge mais d’un procureur, qui n’était pas une autorité judiciaire. Je n’ai aucun doute que si une autre personne au Royaume-Uni avait été accusé, les tribunaux britanniques n’auraient pas accepté le mandat d’un procureur. La partialité incroyable et flagrante des tribunaux contre Assange est évidente depuis le premier jour. Ma thèse est confirmée par le fait que, immédiatement après qu’Assange a perdu son procès contre le mandat devant la Cour suprême, le gouvernement britannique a modifié la loi pour préciser que les futurs mandats doivent être délivrés par un juge et non par un procureur. Ce n’est là qu’un des éléments incroyables de l’affaire Assange que les grands médias cachent au public.

Le jugement rendu contre Assange par la Cour suprême du Royaume-Uni sur la question de savoir si le Procureur suédois constituait une "autorité judiciaire" reposait sur un raisonnement totalement inédit et franchement incroyable. Lord Phillips a conclu que dans le texte anglais du traité sur les Mandats d’Arrêt Européens, "judicial authority" ne pouvait pas inclure le procureur suédois, mais que dans la version française, "autorité judiciaire" pouvait inclure le procureur suédois. Les deux textes ayant la même validité, Lord Phillips a décidé de préférer le texte français au texte anglais, une décision absolument étonnante car les négociateurs britanniques pouvaient être présumés avoir travaillé à partir du texte anglais, tout comme les ministres et le parlement britanniques lorsqu’ils ont ratifié la décision.

Je n’invente rien - vous trouverez Phillips, à la page 9, paragraphe 21 de son jugement, un incroyable numéro de gymnastique linguistique. Encore une fois, il est impossible que cela aurait été fait à qui que ce soit d’autre que Julian Assange ; et le tollé des médias contre la préférence donnée à la formulation française et donc la tradition juridique française aurait été assourdissant. Mais étant donné l’animosité ouverte de l’État à l’égard d’Assange, tout a été adopté discrètement et la loi a simplement été modifiée toute suite après pour empêcher que cela n’arrive à quelqu’un d’autre.

La loi ayant été modifiée, les Suédois doivent cette fois-ci procéder correctement et s’adresser à un tribunal pour obtenir un mandat. C’est ce qui se passe actuellement. Comme d’habitude, le quotidien The Guardien aujourd’hui ne peut résister à la tentation de débiter un mensonge.

"La Suède demande l’arrestation de Julian Assange..."

Le titre est complètement faux. La Suède n’a pas déposé de demande d’arrestation. La Suède est en train de passer par les procédures judiciaires - qu’elle a sautées pour la première fois - afin de décider s’il y a lieu ou non de déposer une demande d’arrestation. Cela donne à Assange l’occasion d’entamer le processus de lutte contre les allégations, qu’il nie catégoriquement, devant les tribunaux suédois. Toutefois, à l’heure actuelle, son avocat suédois ne peut pas lui rendre visite dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, ce qui est typique des abus de procédure auxquels il est soumis.

Ce n’est pas le politiquement correct qui empêche les grands médias britanniques d’enquêter sur la nature extraordinaire des allégations contre Assange en Suède. Dans le cas de Nafissatou Diallo, par exemple, l’ensemble des médias grand public britanniques n’ont eu aucun scrupule à publier le nom de la victime présumée dès le tout premier moment des allégations contre DSK, et la probabilité ou non de toute l’histoire a été analysée en détail par chaque journal national, et largement par la BBC.

Je n’ai jamais entendu personne tenter d’expliquer pourquoi il était correct que les grands médias examinent en détail les accusations de Diallo et publient son nom, mais que Anna Ardin et Sofia Wilen ne doivent jamais être nommées et leur histoire ne doit jamais être mise en doute. La réponse n’est pas la position du droit suédois - la loi suédoise stipule que ni l’accusateur ni l’accusé ne peuvent être nommés, loi qui dans l’affaire Assange a été brisée avec entrain tous les jours depuis neuf ans. Quand il s’agit d’Assange, il faut simplement l’injurier. Il est évident qu’il est traité différemment par l’État et les grand médias, à tous les points de vue. Peu importe pas que son mandat d’arrêt n’ait pas été délivré par un juge ou que les médias appliquent des règles entièrement différentes lorsqu’il s’agit d’Assange, des règles appliquées en vertu d’un mantra féministe auxquels ces mêmes médias ne croient pas ou n’adhèrent pas dans d’autres cas. Il faut tout simplement qu’il soit détesté, sans poser de questions.

Pourquoi n’y a-t-il jamais eu de documentaire au Royaume-Uni comme le brillant "Sex, Lies and Julian Assange" du programme phare de l’Australian Broadcasting Corporation, Four Corners ? Si vous ne l’avez pas déjà fait, n’hésitez pas à le regarder : https://www.abc.net.au/4corners/sex-lies-and-julian-assange/4156420 [sur le site, on trouvera la retranscription complète du documentaire - NdT]

Julian Assange a révolutionné la presse en donnant au public un accès direct à des quantités massives de matières premières montrant les secrets que les gouvernements voulaient cacher. En donnant cet accès direct au public, il a supprimé le rôle de filtre et de médiateur des classes journalistique et politique. Comparez, par exemple, avec les Panama Papers dont, contrairement aux promesses, moins de 2% ont été publiés et où les grandes entreprises et personnalités occidentales ont été complètement protégées des révélations grâce à l’utilisation d’intermédiaires des grands médias. Ou comparez Wikileaks aux fichiers Snowden, dont la grande majorité ont été enterrées et ne seront jamais révélées, après avoir été sottement confiées au The Guardien et The Intercept. Assange a supprimé le rôle d’intermédiaire du journaliste médiateur et, en permettant aux gens de voir la vérité sur la façon dont ils sont gouvernés, a joué un rôle majeur dans la perte de confiance du public dans l’élite politique qui les exploite.

Il y a un parallèle intéressant avec la réaction aux travaux des spécialistes de la Réforme qui ont traduit la Bible en langues vernaculaires et ont donné à la population un accès direct à son contenu, sans les filtres médiateurs de la classe des prêtres. De tels développements provoquent toujours une animosité extraordinaire chez ceux dont la position est menacée. A cet égard, je vois un parallèle historique entre Julian Assange et William Tyndale. C’est quelque chose qu’il vaut la peine de garder à l’esprit en essayant de comprendre l’ampleur de la haine de l’État à l’égard de Julian.

Craig Murray

Traduction "derrière chaque fait médiatisé, au choix : une demi-vérité ou un mensonge" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

»» https://www.craigmurray.org.uk/archives/2019/05/the-missing-step/
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