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Bush savaté, RSF dans ses petits souliers.

Voici venir les fêtes. Voici que se déverse le sirop compatissant de la charité pour les pauvres, de l’espoir que le papa Noël n’oubliera les petits souliers de personne, ne serait-ce que pour y déposer une mandarine ou un bonhomme en chocolat au lait enrobé dans du papier alu.

Par un réjouissant renversement de la situation, un pauvre, légèrement en avance sur le calendrier, a tenu à offrir, sous l’oeil des caméras, son cadeau à l’homme le plus puissant du monde.

George W.Bush a voulu faire un dernier voyage à Bagdad.

Il s’y est rendu précautionneusement, en catimini, sans tambour ni trompette (militaires). Sa visite surprise n’avait pas été annoncée, un faux programme avait même été diffusé sur ses activités du week-end à Washington. Son traîneau personnel, l’avion présidentiel Air Force One s’est envolé de la base aérienne d’Andrews à la faveur de la nuit de samedi. Quelques journalistes triés sur le volet et informés à la dernière minute étaient du voyage.

Or, il s’est trouvé un journaliste de Bagdad, tellement tourneboulé par le sort fait à son pays, qu’il a confondu le cadeau dans les chaussures et les chaussures en cadeau.
En effet, alors que Bush commençait sa conférence de presse devant un parterre de journalistes choisis, fouillés, accrédités, encadrés de gorilles à oreillettes, un journaliste irakien, Muntazar al Zaidi, correspondant connu d’une chaîne de télévision locale, s’est déchaussé et a jeté ses deux chaussures à la figure du président des Etats-Unis d’Amérique. Bush a esquivé les projectiles en plongeant derrière son pupitre.

Avant d’être maîtrisé, terrassé, tabassé, le journaliste irakien a eu le temps de crier : « Tiens, voilà ton cadeau d’adieu, espèce de chien ! De la part des veuves, des orphelins et de tous ceux qui sont morts en Irak ! »

Muntazar al Zaidi a été emporté sans ménagement, ne laissant derrière lui que des traces sanglantes à l’endroit où les services de sécurité l’ont neutralisé (on apprend qu’il a aussi un bras cassé). Des gouttes de sang et sans doute un nom dans l’histoire de son pays.

Remis de ses émotions, Bush a trouvé « bizarre » l’acte du journaliste irakien, dont il ne comprend pas les « griefs ».

En effet, que reprocher à Bush ? Pas grand-chose en vérité : un pays dévasté, le pétrole pillé, 800 000 morts civils d’après certains, un million d’après d’autres, parmi lesquels une partie de la famille de Muntazar al Zaidi.

Muntazar al Zaidi a osé et réussi ce que beaucoup de vrais démocrates à travers le monde, d’amoureux de la liberté, de partisans du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ont rêvé : faire ravaler sa morgue au représentant de l’Empire, lui faire courber vivement l’échine, l’obliger à se cacher sous un meuble.

Le geste de Muntazar al Zaidi est à ce point en phase avec l’opinion, que le gouvernement fantoche de Bagdad, après avoir fait saisir le film de l’exploit, a dû en autoriser la diffusion. On peut voir là un second affront fait à G W BUSH dont l’armée, en Irak, fait taire depuis 2003 les journalistes qui montrent ce qu’il ne faut pas montrer.

Le correspondant de la chaîne américaine ABC a expliqué que Muntazar al Zaidi, « a pété les plombs ». Trop fragiles, les journalistes irakiens ! Rien à voir avec les nôtres qui, stoïques, supportent qu’on les convoque au commissariat et qu’on les fouille au corps (Vittorio Filippi de Libération) en se contentant d’ameuter toute l’Europe.

Le 43e président des USA, l’homme qui termine son mandat sous un jet de godasses, était venu dire le contraire de ce qu’il disait en Juillet 2003, à savoir que la guerre n’est pas terminée.

Lors d’une récente interview sur ABC, Bush avait confessé que « le plus grand regret » de sa présidence restera « l’erreur » de ses propres services de renseignements au sujet des armes de destruction massive de Saddam Hussein.

La vérité est que les inspecteurs de l’ONU qui cherchaient ses armes depuis des années ne cessaient de dire qu’ils ne trouvaient rien, que Collin Powell avait brandi à la tribune de l’ONU une petite fiole contenant, disait-il un produit mortel détenu par l’Irak et dont il s’avéra ensuite qu’elle était empli de sable. Bush n’a pas été victime d’une erreur de la CIA, il a menti depuis le début.

S’il confesse à présent que la guerre était fondée sur des arguments fallacieux, qu’il parte de ce pays, et vite, avec ses tueurs en uniforme. Et que son pays répare, et que les criminels paient pour leurs crimes.

200 avocats ont déjà fait savoir qu’ils souhaitent assurer gratuitement la défense de Muntazar al Zaidi.

Reporters sans frontières dispose d’un réseau, appelé Damoclès, dont la fonction est de soutenir devant la Justice les journalistes emprisonnés. C’est le moment de l’activer. Non pas pour cautionner le lancer de chaussures à la tête des conférenciers, mais parce que ce journaliste-là n’avait pas d’autre moyen d’exprimer dans les médias irakiens et aux yeux du monde, ce qu’il pensait du chef des envahisseurs et ce que chacun, hormis les kollabos, pense en Irak.

Quel est le problème de RSF ? En avril 2003, G.W. Bush décrétait que la guerre en Irak était finie. En juillet 2003, RSF publiait un rapport intitulé : « Les médias irakiens trois mois après la guerre. Une liberté nouvelle mais fragile ». On y lit : « Voici trois mois qu’un vent de liberté souffle sur la presse irakienne… », mais aussi que « Seules l’armée américaine ou l’Autorité intérimaire de la coalition sont autorisées à condamner les médias. […] Le décret 7 de l’administrateur Paul Bremer, fin juin 2003, interdit et réprime, entre autres l’incitation à la violence contre les forces de la coalition ».

En clair, rien ne peut être dit dans la presse contre l’occupant. Muntazar al Zaidi vient de faire voler en éclat cette censure. Pour cela il doit être défendu.

Certes, la censure fut tolérée hier par RSF dirigée par Ménard. Mais l’ONG a un nouveau patron. L’occasion lui est donnée ici de montrer que la page de la collusion avec l’US Army est tournée.

Maxime Vivas.

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