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Contestation antisystème et populisme.

« La protestation antisystème se ventile entre la gauche radicale et la droite populiste » écrivent les auteurs de « Les origines du populisme » sous-titré « Enquête sur un schisme politique et social » (1).

Ces expressions sont floues mais derrière l’ambiguïté il y a, pour le dire en quelques mots, un « fond » de perte de confiance contre les élites incapables de protéger le peuple. Mais de quelle protection s’agit-il ? De quoi ? Comment ? Avec des frontières et des polices ou avec des droits pour tous et toutes et des services publics pour les rendre effectif ?

 Populismes : lequel ?

Le terme d’antisystème, fort ambigu du fait de cette ventilation, est moins employé que celui de populisme qui lui a fait l’objet de nombreux débats depuis quelques années à cause de la promotion des positions théoriques de Chantal Mouffe et du populisme de gauche revendiqué par certains partis politiques progressistes de gauche en France et en Espagne. Le populisme de gauche ne se réduit donc pas à ce qu’écrit ou dit Chantal Mouffe. Il est divers et ne signifie pas nécessairement absence des autres dominations que celle de la classe dominante contre le peuple-classe. On pense ici aussi bien à l’écologie qu’au racisme ou au sexisme. Il n’y a pas que le « classisme ».

Pendant très longtemps le terme de populisme visait ce qu’on nomme aujourd’hui le populisme de droite et une proximité avec l’extrême-droite en défense de l’ordre et de la sécurité. Aujourd’hui on distingue trois populismes : outre celui de droite qui défend la nation française contre l’Union européenne et contre l’immigration (avec de la xénophobie et du racisme) et celui de gauche qui critique le 1% et le bloc dominant sans nécessairement proposer d’alternatives précises, si ce n’est une certaine redistribution des richesses, on trouve un populisme du centre qui défend les élites néolibérales françaises et celles de l’Union européenne (ordolibéralisme) contre le peuple-classe 99% et les classes populaires. Le populisme du centre est aussi marqué par une fort mépris de classe contre les classes populaires qui résistent au néolibéralisme et aux politiques thatchériennes de destruction des conquêtes sociales institutionnalisées.

 Antisystème : lequel ?

Pour le populisme de droite, antisystème signifie tout à la fois contre la financiarisation du monde par les oligarchies mondialisées et les grands actionnaires du capitalisme financier et contre les immigrations. Il y a ici une « double défiance » (page 73 de note 1). Pour le populisme de gauche ce sera contre le capitalisme néolibéral appliqué en France avec contestation de l’Union européenne mais pas contre les migrants. Il y a ici une seule défiance avec des variantes. Ainsi le populisme de gauche, s’il n’est pas contre les migrants, peut défendre une laïcité offensive contre les intégrismes religieux mais sans cibler spécifiquement l’islam. Le problème n’est alors pas l’islam et les musulmans (comme le populisme de droite) mais les intégrismes musulmans. Et le terrorisme, c’est encore autre chose que les intégrismes musulmans. Il y a donc des différences importantes dans ce qu’on nomme antisystème. Ce terme est donc trop englobant.

Ces forces dite antisystèmes sont apparues avec l’incapacité des élites politiques néolibérales à protéger les classes populaires (le tiers d’en-bas sous précarité et chômage mais aussi le tiers central en déclassement social soit plus de 60% de la population). Elles ont fait le contraire : fragilisation sous la thatcherisation du monde (2). Cela correspond au changement opéré en 1983 par François Mitterrand qui a cessé de vouloir mener une politique de gauche pour se contenter de « limiter la casse » par rapport aux forces de droite. Il y a eu progressivement constitution d’un bloc dominant avec la CFDT (direction) et le PS (sauf courant Filoche) comme aile de gauche de ce bloc social bourgeois. Le 1% d’en-haut a besoin d’élargir sa base pour gouverner tantôt au consentement (diviser pour régner), tantôt à la répression (violences policières de haut niveau sous Emmanuel Macron)

 Pour en sortir

Il s’agit moins d’un mauvais usage des termes (trop flous certes, confusionnistes souvent) que d’un changement de politique à promouvoir. Les auteurs déjà cités (1) de Les origines du populisme (août 2019) notent en conclusion que « des politiques de redistribution efficaces sont essentielles pour rétablir le contrat social ». Dans cette perspective, on peut renvoyer plus au récent débat Pickett – Lordon sur la propriété capitaliste qu’à la politique d’Emmanuel Macron – populiste du centre – qui fragilise plus encore les classes populaires (les 66% d’en-bas) et qui favorise les gagnants soit le décile d’en-haut et surtout le 1% d’en-haut, la classe dominante bicéphale.

Au-delà des débats sur la propriété capitaliste et la redistribution, il faut noter en ces mois de lutte contre la retraite à points (2019 - 2020), l’énorme capacité du mouvement syndical (intersyndicale sans la CFDT aile gauche du bloc bourgeois) à se constituer comme contre-pouvoir de résistance du bloc des dominés, donc des classes populaires citées.

Christian DELARUE

1) Les Origines du populisme. Enquête sur un schisme politique et social
Yann Algan
Elizabeth Beasley
Daniel Cohen
Martial Foucault
http://www.seuil.com/ouvrage/les-origines-du-populisme-yann-algan/9782021428582

NB : Ce texte n’est en rien une note de lecture de ce livre plus riche – du fait d’un usage de plusieurs bases de données – que ce qui en est ici retenu.
Ce livre distingue lui : « gauche radicale » et « droite populiste » (page 17) et non comme moi "populisme de gauche" et "populisme de droite", soit deux façons différentes de de se placer avec le peuple, le peuple-nation ou le peuple-ethnique (frontières identitaires et communautaires) pour la droite populiste ou le peuple-classe pour gauche populiste (avec logique d’égalité sociale et d’émancipation des dominations, exploitation, oppression, aliénation).

Par ailleurs parler d’une classe dominante bicéphale comme Jacques Bidet signifie qu’une fraction de la classe dominante, pas celle capitaliste mais celle bureaucratique - peut être accessible à une perspective de gauche. Pour le moment rien qui n’aille plus loin qu’une gauche social-démocrate. Mais il importe de promouvoir cet perspective d’une République socialiste ou écosocialiste, nettement moins extractiviste, moins productiviste, moins travailliste (RTT), etc

2) Sur amitie-entre-les-peuples.org lire :
La thatchérisation du monde et l’extrême-droite économique : un trajet vers la ploutocratisation du monde.
http://amitie-entre-les-peuples.org/La-thatcherisation-du-monde-et-l-extreme-droite-economique

»» http://amitie-entre-les-peuples.org/Contestation-antisysteme-et-populisme
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