RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Edwy PLENEL : Pour certains musulmans et pour certains juifs ! Pas tous !

Le livre d’Edwy Plenel « Pour les musulmans » (cité à nouveau en fin de son texte sur le burkini : « Un vêtement comme les autres » sur Mediapart) est sorti en septembre 2014 (Ed La Découverte) et en trois ans maintenant on peut remarquer qu’il ne permet pas une réponse adéquate à la montée de la pensée réactionnaire, à la montée des oppressions

Simplement parce qu’il y a à l’évidence du réactionnaire aussi au sein de l’islam comme chez des musulmans. «  Un certain islam pose problème. Certains musulmans posent problème » ai-je pu écrire (en a-position) récemment sur Mediapart . Et ce n’est pas le terrorisme de l’EI qui est ici visé .

Débat sur l’intégrisme.

Ma critique vise l’intégrisme religieux, les intégrismes religieux. Pas que celui des musulmans ou des juifs. (Lire ici sur la critique des intégrismes le livre de D. Béresniak qui est ancien mais qui portait déjà une critique instruite sur laquelle je me suis longtemps appuyé avant de déployer ma propre critique).

Edwy Plenel écrit pourtant (page 12), évoquant la critique globalisante de l’islam « langue de l’ignorance qui, à raison de leur religion, enferme en bloc dans une même réprobation des hommes, des femmes, des enfants, quelles que soient leur diversité et leur pluralité ». Cette idée d’assimiler « en bloc » est répétée page 102. Les musulmans sont donc divers. Mais cette diversité n’est pas questionnée. Qu’est ce que cela signifie ? Il semble que ce soit - ce n’est pas dit explicitement - que certaines musulmanes portent le voile, d’autres non. Sur les tendances régressives au sein de cette religion, comme dans d’autres on ne saura rien. Pas une question ! Quid du conservatisme ? Quid de ce qui dans les religions est à critiquer car lourd d’oppression ? Rien. Intégrisme ? Rien.

Edwy Plenel n’évoque par contre l’intégrisme qu’à propos de la laïcité alors que c’est la religion qui est son domaine de référence premier. Il écrit page 90 « Ces laïcistes sont à la laïcité ce que l’intégrisme est à la religion ». Il y a pourtant de quoi dire plus en écrivant un tel livre ! D’autant plus que pour partie le dit « intégrisme laïcard » n’est qu’une réponse à l’intégrisme musulman.

Ce dernier est perçu comme montant tant au plan de sa dynamique historique (« verticalement ») qu’au plan de son influence géographique ( « horizontalement » : emprise territoriale grandissante). Reste certes à bien apprécier cette dynamique mais elle est là. Faut-il alors attendre plus encore, tant la chose devient visible là où on ne voyait rien il y a encore dix ans ? Une sous-culture sexoséparatiste s’installe. Certaines mesures comme la loi du 15 mars 2004, interdisant les signes religieux ostensibles à l’école publique, participent du recul de l’intégrisme religieux. Il y en a d’autres.

Prenons acte que le terme intégrisme a été étendu avec plus ou moins de pertinence à d’autres champs que la religion (catholique d’abord - « l’intransigeantisme » - puis les autres ensuite) pour signifier de façon souvent superficielle abus, excès, autoritarisme, mais sa pertinence première reste le domaine de la religion où il se distingue du fondamentalisme, catégorisé comme tel par analyse au plus près de la source textuelle, l’intégrisme étant lui analysé plus près des effets sociaux de l’interprétation des textes et traditions. Mais le plus souvent on assimile fondamentalisme et intégrisme religieux la différence étant mineure.

Perspective critique.

Une lecture critique et non pas apologétique se doit, à mon sens, d’éviter de voir cette religion, tout comme les autres religions, comme étant soit « toute bonne » (façon E. Plenel) soit « toute mauvaise », (façon Riposte laïque) - tendance générale que j’ai appelée « Le binarisme interprétatif des religions » (1).

On peut cependant faire une critique philosophique radicale de la religion où l’on ne trouve rien de bon, mais alors il convient d’éviter l’attribution à tous les croyants (pour la question du racisme - cf Redeker) et il convient sans doute aussi (au plan intellectuel) de distinguer un défenseur progressiste de la foi et de la religion d’un défenseur fondamentaliste (du côté de la source d’interprétation) ou intégriste (du côté des effets de l’interprétation avec notamment un corpus rigide de prescriptions de normes fort contestables avec un dispositif de suivi).

Pour dire les choses simplement, chacun sait qu’il y a des musulmans vivables et d’autres invivables tout comme il y a des chrétiens vivables et d’autres invivables - les bigots - qui ne cessent de vous imposer leurs bondieuseries à toute heure du jour. Pareillement pour les juifs ! Pour être vivable il ne faut pas faire de sa différence un étendard contre la vie commune, étendard qui s’impose tous les jours, chaque jour aux proches.

Ma critique sera développée sous les 4 points mis en avant :

1 - Le titre est amalgamant : il communautarise à tort.

Le titre lui-même « Pour les musulmans » est déjà passible d’emblée d’une critique : comment Monsieur Edwy Plenel peux-t-il essentialiser ainsi les musulmans ? Son titre est d’emblée lourd d’un amalgame entre les musulmans intégristes et les autres musulmans. Il englobe au lieu de distinguer. Ce faisant il « couvre » les oppresseurs.

Comme argument il prend appui sur le « Pour les juifs » de Zola mais sans voir que ce titre de Zola est tout aussi contestable de nos jours. On ne saurait communautariser ni les juifs, ni les musulmans, ni les catholiques, ni les protestants, etc. Dans chaque religion et pour chaque religion on doit maintenir intellectuellement une perspective critique qui voit en son sein du négatif, de l’oppressif, du réactionnaire.

Pensez notamment au sexoséparatisme largement porté par les religions jadis, puis encore de nos jours par les fractions intégristes. Certains membres des religions défendent ce sexisme structurel nommé sexoséparatisme (renvoi ici) de façon virulente. C’est une lourde régression. Il n’y a que la « gauche régressive » a vouloir minimiser ou taire cette pression sexiste, cette infériorisation des femmes, pas la gauche critique ou gauche d’émancipation (selon la terminologie employée).

2 - Tout son livre porte une telle généralisation intellectuellement contestable.

Tout son livre met dans un même sac communautaire l’ensemble des musulmans comme si une fraction d’entre eux ne se distinguait pas par une lecture particulièrement archaïque de l’islam au plan des moeurs. Pour répondre à ceux qui généralisent à tous une pratique détestable de certains - ce que l’on nomme islamophobie (haine et détestation de tous les musulmans) - il défend une communauté faussement « bisounours », faussement bonne, où derrière la diversité admise une fraction ne poserait pas de réels problèmes. C’est niaiserie. C’est indigne d’un intellectuel critique. D’un intellectuel de gauche qui refuse les dominations et les oppressions

Certains musulmans font une lecture progressiste de l’islam en mettant en avant la liberté des femmes et l’égalité hommes-femmes - nous en sommes solidaire - alors que d’autres se focalisent sur l’inégalité entre hommes et femmes et sur un sexoséparatisme à construire ou maintenir. Nous les combattons . Donc pas de fausse mise en communauté : Ils sont tous musulmans mais avec des lectures et des pratiques très opposées. C’est un peu comme si on amalgamait les membres de la théologie de la libération avec l’Opus Dei ou les intégristes catholiques qui refusent la « seconde modernité » de De Singly au profit d’un retour à une société autoritaire et hiérarchisée avec des moeurs bridées où les femmes restent à la maison et sont dépourvues de libertés (2).

3 - Edwy Plénel reproduit l’erreur de Pierre Tévanian sur la « haine de la religion ».

La religion est un dispositif qui surplombe les humains. Haïr la religion ce n’est pas haïr les humains. Haïr ce qui opprime les humains c’est au contraire aimer les humains.

En somme il faut distinguer la critique philosophique de la religion qui est une chose et la critique des croyants qui en est une autre. Passer de l’un à l’autre sans nuance est source d’amalgame fort contestable. Pensez à M Redeker qui attribuait, il y a dix ans, à tous les musulmans les nombreuses tares de l’islam et du Coran qu’il y avait trouvé.

Par ailleurs, la critique de la religion peut porter sur plusieurs aspects fort différents. La critique de la croyance où la foi n’est pas exactement la même que la critique des appareils - masculin souvent - de reproduction et d’influence idéologique de la dogmatique spécifique à chacune, tant dans le temps (multiséculaire) que dans l’espace (sur plusieurs continents pour les principales religions). Il y a aussi la critique en terme d’aliénation (qui n’est pas la mienne mais qui a sa légitimité) qui diffère de la critique en terme d’oppression (qui est plus consciemment subie à la différence de l’aliénation qui peut être inconsciente). Pour le refus de l’oppression il y a la ferme critique de l’autoritarisme et de l’intolérance qui vise les fractions intégristes, la composante réactionnaire des religions (qui porte contre les mécréants, les homosexuels, les femmes libres, les jeunes, les moeurs trop libres, etc).

4 - Ce qui pose problème dans l’islam.

Edwy Plenel répond en quelque sorte « Il n’y a pas de problème de l’islam » à ceux qui (comme Finkielkraut qu’il cite) disent « Il y a un problème de l’islam en France » (page 11 de son livre).

Ma position est : un certain islam pose problème ainsi que certains musulmans mais il en est de même de certains juifs, notamment des juifs haredim qui diffusent un sexoséparatisme aussi détestable que celui des musulmans intégristes, aussi détestable que celui des catholiques de jadis, grosso modo avant 1955 - 1960.

Dans toute culture, dans toute civilisation il y a une part d’ombre, il existe des sous-cultures qui diffusent des normes contestables à des niveaux variables, plus ou moins massifs : sous-culture virilistes, machistes, marchande-consuméristes, concurrentialistes, sexoséparatistes, etc. On ne saurait faire l’impasse de ces critiques et de ces recherches. La notion de sous-culture (cf Martine Boudet) est à mettre en oeuvre. Il y a encore du travail devant nous.

Une telle position a évidemment des répercutions sur les solidarités et les alliances, point débattu ailleurs. Brièvement, il existe partout des musulmans et musulmanes qui sont fort critiques de l’islamisme, du satanisme, de l’intégrisme, bref des courants religieux qui déploient chez les musulmans une version très réactionnaire de l’islam. Nous devons en être solidaire.

XX

Ce texte se limite à une courte critique du livre de 135 pages d’Edwy Plenel qui fut jadis, comme moi, membre de la LCR, une organisation marxiste internationaliste de défense des prolétaires de tous les pays, mais aussi une organisation féministe et antiraciste tout autant qu’anti-impérialiste et anti-colonialiste. Aujourd’hui nous luttons contre les dominations et les oppressions mais cela n’est pas simple. Il y a du complexe donc du débat. Un débat qui pour moi n’est pas synonyme de calomnies diffamantes ou d’insultes méprisantes.

Christian DELARUE

Contributeur à :

« URGENCE ANTIRACISTE - Pour une démocratie inclusive » (ouvrage collectif coordonné par Martine BOUDET aux éditions du Croquant mars 2017)

« Pour une politique ouverte d’immigration » - Groupe Migrations d’ATTAC France - Ed Syllepse 2009

XX

1) Binarisme interprétatif de la religion ou pluralité des compréhensions d’une même religion. C. Delarue
http://amitie-entre-les-peuples.org/Binarisme-interpretatif-de-la-reli...

2) On me dira que de nombreux membres de la théologie de la libération étaient toujours contre l’avortement. Ils avaient tort sur ce point (selon moi et beaucoup d’autres qui privilégient le droit des femmes à n’avoir pas d’enfants). Mais par ailleurs ils défendaient une conception de la société plus ouverte, plus libre où les femmes étaient à égalité de droit avec les hommes.

Ce texte est ici :

http://amitie-entre-les-peuples.org/E-PLENEL-Pour-certains-musulmans-e...

»» http://amitie-entre-les-peuples.org/E-PLENEL-Pour-certains-musulmans-e...
URL de cet article 32540
  

DE QUOI SARKOZY EST-IL LE NOM ?
Alain BADIOU
« Entre nous, ce n’est pas parce qu’un président est élu que, pour des gens d’expérience comme nous, il se passe quelque chose. » C’est dans ces termes - souverains - qu’Alain Badiou commente, auprès de son auditoire de l’École normale supérieure, les résultats d’une élection qui désorientent passablement celui-ci, s’ils ne le découragent pas. Autrement dit, une élection même présidentielle n’est plus en mesure de faire que quelque chose se passe - de constituer un événement (tout au plus une « circonstance », (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"L’un des grands arguments de la guerre israélienne de l’information consiste à demander pourquoi le monde entier s’émeut davantage du sort des Palestiniens que de celui des Tchétchènes ou des Algériens - insinuant par-là que la raison en serait un fonds incurable d’antisémitisme. Au-delà de ce qu’il y a d’odieux dans cette manière de nous ordonner de regarder ailleurs, on peut assez facilement répondre à cette question. On s’en émeut davantage (et ce n’est qu’un supplément d’indignation très relatif, d’ailleurs) parce que, avant que les Etats-Unis n’envahissent l’Irak, c’était le dernier conflit colonial de la planète - même si ce colonisateur-là a pour caractéristique particulière d’avoir sa métropole à un jet de pierre des territoires occupés -, et qu’il y a quelque chose d’insupportable dans le fait de voir des êtres humains subir encore l’arrogance coloniale. Parce que la Palestine est le front principal de cette guerre que l’Occident désoeuvré a choisi de déclarer au monde musulman pour ne pas s’ennuyer quand les Rouges n’ont plus voulu jouer. Parce que l’impunité dont jouit depuis des décennies l’occupant israélien, l’instrumentalisation du génocide pour oblitérer inexorablement les spoliations et les injustices subies par les Palestiniens, l’impression persistante qu’ils en sont victimes en tant qu’Arabes, nourrit un sentiment minant d’injustice."

Mona Chollet

Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.