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Egypte et Elie Barnavie : Hélas la "bonne" classe sociale fait défaut !

Elie Barnavie dans Marianne (1) se cache derrière l’absence de classes moyennes instruites pour désespérer du changement en Egypte.

A défaut de s’en prendre à l’islamisme qui mérite d’être appréhendé justement (2). A défaut de pleurer sur Israël à la suite d’Adler, BHL et autres (3) Elie Barnavie évoque l’analphabétisme d’un peuple pour - sans le dire explicitement - valider la conservation d’une dictature.

Monsieur Barnavie commence par aborder le plan géopolitique du côté des puissants avant de se pencher sur le changement de régime. Ce n’est pas anodin. Il "comprend l’embarras des Américains" puis s’inquiète pour Israël avant de distinguer l’Égypte de la Tunisie pour discuter des perspectives propres à L’Egypte. Là , Elie Barnavie souligne le taux d’analphabétisme important et la grande pauvreté du pays mais cette vérité n’est pas avancée pour soutenir l’urgence d’une révolution à vocation sociale et qu’une démocratie digne de ce nom pourrait apporter. Non la vérité qui est plus importante est celle-ci : "La démocratie ne peut fleurir que sur l’humus d’une classe moyenne nombreuse, puissante et éduquée". C’est pourquoi la Tunisie a sa chance mais pas l’Égypte qui semble donc vouée à passer d’un dictateur "laïque" à un dictateur religieux. Les gueux votent massivement avec leur ventre pour des islamistes ! Dura lex sed lex.

Le problème est que la "classe moyenne" est une notion beaucoup trop floue mais par contre très pratique. Une ficèle des conservateurs ! Ainsi, un texte entre sociologie et apologie du régime soulignait qu’elle permettait la stabilité de la Tunisie... du temps de Ben Ali. Une telle lecture devrait entrainer un sérieux doute sur l’usage de la notion.

Mais c’est sans compter avec les ruses du combat politique. Car une nouvelle loi de l’histoire s’avance sous couvert de classe moyenne : "Pour une bonne révolution, il faut la bonne classe sociale". Lénine n’est pas ici convoqué. Ce qui importe ici c’est le sous-entendu : une révolution limitée à la démocratie libérale exige la présence de la "classe moyenne". Ce matérialisme assez peu scientifique ne s’appuie pas sur la classe ouvrière pour changer le monde mais sur les couches moyennes instruites pour le changer à la bonne mesure, celle qui ne va pas trop loin. Bref les couches moyennes salariées ont une grande vertu sociologique : à défaut de toujours emporter un mouvement elles sont bien en capacité de le contenir pour l’arrimer sur les bases d’une démocratie restreinte au plan des droits sociaux. La classe dominante respire !

D’aucuns, sans être moins matérialiste, pensent au contraire qu’il y a besoin des pauvres et non des seuls "instruits" pour pousser le mouvement jusqu’à la République sociale, celle qui se donne précisément pour objet de réduire drastiquement les inégalités sociales. S’arrêter à un régime libéral, trop en prise avec la finance internationale, ne serait d’aucun secours au pauvres mais, ajoutons-le aussi, sans aucun avantage pour les couches moyennes. Car partout au Nord comme au Sud ces dernières subissent le choc des crises du capitalisme . Ce qui se voit pour la France se lit avec plus d’acuité pour la Tunisie.

Que les couches moyennes d’aujourd’hui soient revendicatives et porteuses de changement social et politique semble admis mais c’est aussitôt pour les "responsabiliser" : "N’en faites pas trop !" "N’oubliez pas d’aller à la table des négociations" ! Toujours cette peur de la bourgeoisie et de ses porte-voix.

Ce qui fait peut-être défaut, semble-t-il, en Égypte c’est la présence de partis politiques montrant une réelle perspective émancipatrice pour tout le peuple-classe dans toutes ses composantes. Cette fonction politique n’apparait pas naturellement. Elle se construit à partir d’expériences passées et de conquêtes sociales et démocratiques.

Christian DELARUE

Egypte et Elie Barnavie : Hélas la "bonne" classe sociale fait défaut !

1) Il explique les raisons de sa peur de la révolution égyptienne dans le Marianne (celui qui a pour titre "Dégage" et le sous-titre "pourquoi il pourrait s’appliquer en France").

2) Nahla Chahal et "l’épouvantail islamiste"

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-delarue/080211/nahla-chahal-et-lepouvantail-islamiste

3) Pascal Boniface s’est chargé d’une solide réponse à "Adler, BHL et Finkielkraut anxieux face à la perspective d’une Egypte démocratique"

http://pascalbonifaceaffairesstrategiques.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/02/07/adler-bhl-et-finkielkraut-anxieux-face-a-la-perspective-d-un.html

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Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza.
Ramzy BAROUD
Comprenez, de l’intérieur de Gaza, comment le peuple palestinien a vécu la signature des Accords d’Oslo : les espoirs suscités et immédiatement déçus, la désillusion et la colère suscitée par l’occupation et la colonisation israéliennes qui continuent... La seconde Intifada, et la montée politique du Hamas... Né à Gaza en 1972, Ramzy BAROUD est un journaliste et écrivain américano-palestinien de renommée internationale. Rédacteur en chef de The Brunei Times (version papier et en ligne) et (…)
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Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au VietNam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. [...]

Aimé Césaire

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