RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Incroyable

Alors que le verbe « porter » est mis à toutes les sauces par nos politiques, ce qui est très intéressant, idéologiquement parlant, un nouveau tic de langage est apparu il y a au moins un an dans nos médias neuneux et dans le langage publicitaire, l’utilisation, à tort et à travers, de l’adjectif « incroyable ».

Une des journalistes qui l’a le plus en bouche (mais pas avec son accent du sud-ouest qu’elle a soigneusement ravalé en montant à Paris) n’est autre que Marie-Sophie Lacarrau, la présentatrice du JT de 13 heures de France 2 (j’ai du mal à utiliser le terme journaliste en ce qui la concerne tant sa présentation du monde est nunuche, Jean-Pierrepernaudienne, clairechazalienne). Á noter que, comme beaucoup d’autres neuneux des médias (son collègue David Pujadas, par exemple), Marie-Sophie a définitivement (enfin, jusqu’à la prochaine mode) enterré l’expression multiséculaire « bon après-midi » au profit de « bel après-midi »). Mine de rien, ce petit changement est, lui aussi, idéologique : lorsque j’utilise l’adjectif « bon », c’est moi qui décide, qui suis maître de mon destin, qui ferai tout pour que l’année qui se profile soit « bonne ». Lorsque je dis « bel après-midi », « belle soirée », tout m’échappe, la suite est hors de ma volonté. Le soleil sera « beau » si, lui, en a décidé ainsi. Ça marche aussi avec les belles-mères. Elle sont belles, ces mères (comme les pères, les fils, les filles), parce que, quand autrefois on s’adressait à des personnes de qualité ou à des membres de la famille que l’on était censé admirer, on balançait un petit coup de déférence contrainte et d’affection convenue en utilisant cet adjectif : « mon biaus seigneur », « mon biaus frère ».

Mais revenons à « incroyable » puisque, désormais, tout l’est ou peut l’être : le tout-à-l’égout enfin installé, après trente années d’arguties administratives, à Chibre-sur-la-Mothe, l’élection d’un milliardaire d’extrême droite aux Etats-Unis, la médaille de bronze (temps « canon », performance « stratosphérique ») de Christophe Lemaitre pour un millième de seconde, les 117 ans de la doyenne de l’humanité, la dernière prise de parole de Jean-Christophe Cambadélis (non, là, je me gausse), la possibilité de se baigner à Collioures en plein mois de novembre dans une eau à 14 degrés.

Nous sommes dans l’idéologie parce que le monde est alors perçu sous l’unique prisme de la croyance, donc de la non-raison, de la subjectivité. Si, à la place d’« incroyable », j’utilise « invraisemblable », je me place alors sur le syntagme vrai/faux et je suis responsable – que j’aie raison ou non – de mon appréciation (avoir pensé qu’Hollande était socialiste relevait de l’invraisemblable). Si j’utilise « inconcevable », c’est que, en tant qu’être pensant, je ne peux pas concevoir : pour moi, par exemple, un trou noir est quelque chose d’inconcevable, voire d’inimaginable si je requiers, en plus de mes cellules grises, mon imaginaire).

Et puis Marie-Sophie, David et les autres pourraient consulter un dictionnaire des synonymes. Ils y trouveraient : exorbitant, faramineux, impensable, inexprimable, prodigieux, renversant, unique et bien d’autres termes tous plus précis les uns que les autres.

URL de cet article 31296
  

Même Auteur
Gabriel Péri : homme politique, député et journaliste
Bernard GENSANE
Mais c’est vrai que des morts Font sur terre un silence Plus fort que le sommeil (Eugène Guillevic, 1947). Gabriel Péri fut de ces martyrs qui nourrirent l’inspiration des meilleurs poètes : Pierre Emmanuel, Nazim Hikmet, ou encore Paul Eluard : Péri est mort pour ce qui nous fait vivre Tutoyons-le sa poitrine est trouée Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux Tutoyons-nous son espoir est vivant. Et puis, il y eu, bien sûr, l’immortel « La rose et le réséda » qu’Aragon consacra (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Je n’en dors pas la nuit de voir comment, au cours des 11 dernières années, nous, journalistes, activistes, intellectuels, n’avons pas été capables d’arrêter ce monde à l’envers dans lequel de courageux dénonciateurs et éditeurs vont en prison tandis que des criminels de guerre et des tortionnaires dorment paisiblement dans leur lit."

Stefania Maurizi
28 octobre 2021, au cours du procès d’appel en extradition de Julian Assange

Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.