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Les « reportages inventés »

Un certain François Bugingo, reporter de nombreuses publications, ancien président de Reporters sans frontières (RSF) Canada et ex-vice-président international de la même organisation, conférencier à l’occasion aussi, n’a vraiment pas de chance. Une journaliste du quotidien Québécois « La Presse », après enquête, a découvert qu’il était un affabulateur et n’a pas hésité à le livrer au lynchage, en révélant ses « reportages inventés de toutes pièces ». Il a, immédiatement, été viré par ses employeurs, qui sont la radio 98,5 FM, TVA Nouvelles, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec. Du côté des confrères, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) est « extrêmement préoccupée », « va se pencher sur l’affaire » et ses inquiétudes sont que « ça entache toute la profession » et que « le public ne fasse plus confiance aux journalistes ».

Sur le plan politique, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, « trouve ça surprenant que, dans un réseau médiatique sérieux, on puisse apparemment - car il faut que ce soit démontré - monter de toutes pièces des reportages et des histoires sur l’actualité internationale ». Dans l’absolu, ce type de réactions peut être considéré comme naturel. Car mentir au public et trafiquer des informations, est une atteinte majeure à la déontologie journalistique. Mais nous ne sommes pas dans l’absolu, pour que soit permis de condamner Bugingo seul, du seul fait qu’une journaliste se soit intéressé à son travail, sans relativiser, sans élargir son champ d’investigation à toute la machine médiatique, sans omettre certains fabricants d’informations, pour lesquels cette machine travaille. Elle se serait, probablement, prise à plusieurs fois avant de divulguer ses conclusions. Peut-être y a-t-elle pensé, sans vouloir risquer le coup, le morceau étant trop gros et son journal n’aurait certainement pas aimé. Passons sur l’interrogation, qui reste somme toute essentielle, concernant l’escalade de Bugingo au rang de vedette médiatique, durant de longues années, et son élection à la tête de RSF Canada et de RSF international. Il a mieux pour se défendre, puisqu’il compte le faire. Il lui suffit d’exiger que ses « reportages inventés » soient confrontés à la majeure partie des reportages parus dans la presse et qui ont servi, souvent, à mettre des pays à feu et à sang. Ses reportages gagneraient, de même, à être rapprochés de quelques déclarations de Washington ou de ses satellites. Pour l’efficacité, il faudrait un tribunal spécial qui jugerait des faits. Les mensonges de l’accusé paraîtront, alors, être un bien moindre mal comparés à ceux qui ont plongé des peuples entiers dans la tragédie. De l’Irak à la Libye, en passant par la Yougoslavie, à la Syrie, au Venezuela et autres contrées où la propagande a remplacé la réalité des faits, les exemples sont édifiants. Sans recourir aux preuves que les journalistes étaient poussés à inventer la « vérité » qui agréent leurs patrons, un seul reléguerait le cas Bugingo dans les interlignes. Celui du général étatsunien, Colin Powel, secrétaire d’Etat qui exposait devant l’ONU, toute honte bue, son « reportage inventé » sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein.

Ahmed Halfaoui

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COMMENTAIRES  

29/05/2015 10:19 par reymans

Ca me rappelle une citation dont je ne me rappelle plus l’origine, ou bien est-ce un proverbe peut etre
Quand on tue une personne on est un meurtrier
Quand on en tue des centaines de milliers on est un conquérant
C’est du même ordre, ce genre de lynchage est plus apte à masquer les pires trafics de l’information qui tuent des millions de personnes, ainsi qu’à se donner bonne conscience en faisant semblant d’être vigilant, plutot qu’à réellement faire preuve de déontologie et de probité dans ce métier
Plus que ces journaleux et "informeurs" de bas étages au service des corporations, ce sont les peuples qu’il faut finir par blamer, car on a perdu l’habitude de réfléchir par nous memes et on se contente de la bouillie fadasse que l’on nous sert, quand de simples constats suffisent à se faire une opinion claire
Meme en mettant le doigt là où ca fait mal on continue de regarder ailleurs
C’est plus du déni de réalité
Et ca malheureusement ca finit toujours tres mal

29/05/2015 10:43 par Autrement

Super-bien envoyé !
Et Aujourd’hui en France...? lire aussi dans Politis : "Vous reprendrez bien un peu de concentration..." ici.
Je leur met le lien LGS sur les "reportages inventés".
Extrait :

"Bernard Arnault est en passe d’être l’un des gros poids lourds de la presse française. À la tête du groupe LVMH, et déjà propriétaire des Échos et de Radio Classique, avec Dior, Vuitton, Kenzo, Le Bon Marché, Moët & Chandon, Hennessy, ou encore Givenchy dans son escarcelle, il vient de se porter acquéreur du Parisien et de sa version nationale, Aujourd’hui en France." (...)

Autre extrait :

"Si l’affaire se conclut, le paysage de la presse va se resserrer un peu plus. Non sans hasard peut-être, à moins de deux ans de la prochaine présidentielle. Voilà à peine une semaine, le patron des Nouvelles Éditions Indépendantes (LNEI), Mathieu Pigasse, annonçait être en négociation exclusive avec les actionnaires de Radio Nova. Lui-même actionnaire du Monde avec Pierre Bergé et Xavier Niel (lequel trio possède entre autres Télérama et L’Obs, Courrier International, La Vie, et le Monde diplomatique), Mathieu Pigasse, déjà propriétaire des Inrocks, compte rapprocher les deux « marques » (puisqu’on parle aujourd’hui plus de marques et de produits que de titres), en jouant sur les « complémentarités existantes »."

Et quand il n’y aura plus aucun "complotiste" pour vérifier les allégations abondamment illustrées des vedettes du News-bizz et des experts en graphiques qu’on peut voir aux JT ?
Le capitalisme = propriété privée des grands moyens de production et d’échange : il faut ajouter "et d’information". On l’a déjà dit mais en effet, ce n’est jamais assez.

29/05/2015 20:36 par anonyme

M. Bugingo a failli et s’est fait prendre la main dans le sac, certes, mais la véritable question qu’il faut se poser ce n’est pas pourquoi il l’a fait, mais pour servir qui et à quelle fin ? Voilà un véritable sujet d’investigation journalistique. Mais apparemment il a été décidé en haut lieu de donner en pâture M. Bugingo qui a "déshonoré" la profession. Mais le mensonge, cette gangrène, court les couloirs des rédactions à grande vitesse. Les mass médias d’aujourd’hui déforment, transforment, cachent, maquillent et édulcorent tout ce qui se passe autour de nous. Même les revues scientifiques "prestigieuses" en sont atteintes. Les fausses informations, les fausses images, les fausses affirmations, tout devient un habile numéro de prestidigitation. Journaliste avez-vous dit ? Mais cette profession ne respire plus l’honnêteté depuis belle lurette. On n’a qu’à se pencher sur le cas de CNN aux Etats-Unis qui sert des politiciens véreux et un pouvoir malsain et criminel en inventant des guerres, des agressions et des massacres un peu partout dans le monde. Pour faire croire à l’Américain moyen inculte que son pays est attaqué par un pays comme l’Irak situé à quelques 10 milles kilomètres de là, on doit disposer d’une armée de chiens de garde pour semer la propagande. Aujourd’hui le mensonge régit le journalisme. Sinon, comment passer sous silence ces assassinats de journalistes, surtout Palestiniens, commis par les snipers lâches de l’armée israélienne avec la bénédiction de la hiérarchie, ceux-là même qui tirent comme des lapins les petits écoliers de Gaza ? Des journalistes occidentaux et autres qui ne dénoncent pas cet état des choses, cela démontrent jusqu’où est arrivée la gangrène. Il n’y a plus de journaliste honnête en poste. S’il en existe il est au chômage automatiquement. Il n’y a plus de code déontologique dans la profession. Alors, si M. Bugingo a failli, ce n’est pas à lui qu’il faut s’en prendre, mais plutôt à ceux qui l’encourageaient, lui commandaient et publiaient ses reportages truffés de mensonges, et qui sont à l’origine de massacre de masses. C’est bien Madeleine Allbright qui avouait sur une chaîne américaine, face à une journaliste lobotomisée, que les morts civils irakiens innocents est une nécessité au service de son pays (entre 500 milles et plus d’un million d’enfants innocents morts, sans compter les estropiés, et sans parler des "psychologiquement démollis à vie"). Personne ne s’est offusqué de ces déclarations. On a continué à servir petits fours et champagne... Même traitement pour les enfants Palestiniens, Afghans, Rwandais et autres.
Avez-vous dit journalisme ? Ce n’est ni plus ni moins que de la prostitution intellectuelle. Aujourd’hui, un journaliste est : soit un menteur heureux, soit un tueur de masses.

29/05/2015 21:22 par Antar

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) et les politiciens, dont le premier ministre, qui n’ont pas hésité à exprimer leur indignation face au cas Bugingo, ne se sont jamais prononcés sur une affaire autrement plus grave. Roger Auque envoyé spécial de Radio-Canada dans les années 90, service public payé par les impôts des contribuables, était au fait un agent des services de renseignements israéliens du Mossad. Aucune réaction officielle après les révélations posthumes de l’intéressé, sinon celle d’Alain Saulnier, à l’époque Directeur d’information de la chaîne, qui a dit laconiquement « On pensait avoir affaire à Tintin et, en fait, c’était James Bond. Je suis surpris et déçu en même temps. » Pas très fort. Une information qui aurait eu l’effet d’un tsunami (imaginons un instant si la taupe travaillait pour FSB russe) est passée presque inaperçue. Sinon, à propos de Bugingo lui-même, admirateur béat de BHL (un autre fabulateur de renom, est-ce un hasard ?), sa disparition du paysage médiatique n’est vraiment pas une perte. Visionnez, entre autres, un reportage qu’il avait monté pour Canal évasion et qui s’intitule ’’Mon Israël’’ et vous allez comprendre pourquoi.

30/05/2015 01:39 par Dwaabala

Ce que montre effectivement cet article, si je le lis bien, c’est que la découverte et la dénonciation d’une escroquerie individuelle (mais c’est aussi valable pour la corruption, l’exploitation, etc.) est un moyen commode et traditionnel de justifier un système en général, quand celui-ci est lui-même celui de l’escroquerie ( mais aussi de la corruption, de l’exploitation, etc.). Ce dernier a simplement, lui, la dignité et la moralité que lui confère un ordre établi comme aussi naturel que la succession des jours et des nuits.

30/05/2015 02:33 par palestino

bon debarras d’ un journaleux.

30/05/2015 17:13 par Roger

Une des conséquences de ces manipulations médiatiques, c’est une dépossession des citoyens d’un minimum d’information "fiable" pour élaborer son opinion. Cf à ce propos le dossier du Monde Diplomatique(juin 201) sur le "complot", avec une analyse intéressante de F.Lordon qui souligne que cette dépossession est en grande partie responsable de ce que les "journalistes" s’empressent d’appeler du "complotisme", alors qu’en fait il s’agit de trouver du sens avec le peu d’éléments disponible.
Le complotisme n’est qu’une paillette dans l’œil du citoyen à côté de la poutre conformiste et propagandiste dans l’œil des jouralistes !

30/05/2015 21:23 par Palestino

Les journalistes sont des petits et de grands rabatteurs du bloc politico-idéologique des autoritaires,des bellicistes,des racistes, des puritains et de toute cette Réaction crasse toujours vivante.

31/05/2015 04:45 par babelouest

Roger, je pense que cela va plus loin : ce qu’ils appellent le complotisme, est la tentative de suppléer à leur propre incurie, leur propre industrie de la déformation, du mensonge et de la manipulation.

31/05/2015 09:46 par reymans

Très vrai Roger
Mettre un sens péjoratif à une quelconque recherche de sens ou de vérité, ou même simplement une recherche de point de vue différent de la "bien-pensance", et on s’entend taxé de complotiste pour bien noyer le poisson
Et qui plus est, les complots, c’est vrai, ca n’existe absolument pas...

31/05/2015 17:56 par Cunégonde Godot

Je suis une complotiste notoire depuis que j’ai refusé de voter pour le "compromis de gauche" de 1992 (Traité de Maastricht pour ceux qui connaissent la politique)... et je m’en porte très bien, merci !

01/06/2015 09:55 par Dwaabala

Il ne faut pas non plus mettre à profit un article sur Les « reportages inventés » pour glisser une invention ("compromis de gauche" de 1992) sur le Traité de Maastricht. Voici un extrait d’un article de l’Humanité du 18 juin 1992 :
« En définitive, une partie de la droite et le Parti socialiste sont d’accord pour Maastricht. Mais quand Giscard d’Estaing dit « il s’agit d’une Europe libérale », il dit la vérité, c’est une Europe de droite. » Rappelant que, sur les douze pays signataires, deux sont dirigés par les socialistes et dix par la droite, Georges Marchais a poursuivi : « Par conséquent, c’est un traité de droite qui aura des conséquences tout à fait néfastes et on veut le cacher. C’est pour cela que nous avons publié intégralement le texte, et nous allons organiser des débats à travers tout le pays », dans lesquels les gens qui viendront poseront leurs questions, donneront leur opinion afin de se déterminer au moment du vote pour le référendum. Cette campagne sera dans le droit-fil de l’attitude du PCF qui, dès le début de l’année, a demandé un référendum - alors que le président de la République s’était prononcé contre, et aujourd’hui porte à la connaissance des Français le texte du traité. Cela (le référendum et la publication du texte), « c’est au Parti communiste qu’on le doit », a noté Georges Marchais.

02/06/2015 15:04 par Serge Charbonneau

Bonjour Mme Hachey,

Bravo pour la suite de votre enquête sur François Bugingo.

Lors de votre dernier texte, vous nous livrez un de ses mensonges libyens.

Vous dénoncez son mensonge disant qu’il a interviewé Saïf al-Islam Kadhafi en arabe alors que l’on sait très bien
s’exprimer dans un anglais parfait pour l’avoir entendu dans différentes entrevues (entre autres, sur la SRC) avant le massacre qu’a fait l’OTAN dans son Pays.
Vous dénoncez cette visite de 48 heures faite avec un parcours de 44 heures en automobile.
Un fait qui met en évidence le mensonge de la visite supposée.

Mais, à mon sens, il y a pire que ce mensonge de la visite.
Il y a le propos tenu.
Cela vous ne le dénoncez pas.
Et Bugingo n’est pas l’unique coupable.
Tous ces faux reportages avaient pour objectif de détruire la crédibilité du gouvernement Kadhafi
et de faire vivre la propagande anti-Libye, la Libye du temps du drapeau vert.

Vous nous parlez des mensonges de Bugingo, mais ne dites mot des mensonges de la propagande,
cette propagande monumentale encore plus vicieuse que les mensonges de Bugingo.

Qui donc nous montre la Libye depuis sa destruction ?
Qui donc nous fait entendre les réfugiés libyens qui seraient des millions en Tunisie et en Égypte
et qui ne peuvent rentrer dans leur Pays sans courir le risque d’être assassiné parce qu’il respecte
encore le drapeau vert ?

Pourquoi aucune image et aucun reportage sur la destruction massive qu’ont effectués les bombardements
de l’OTAN en Libye ?

À travers votre enquête sur Bugingo, nous constatons que vous avez des contacts en Libye et que si vous vouliez,
vous pourriez nous présenter la Libye d’aujourd’hui.
Si vous vouliez, vous pourriez nous présenter la condition des noirs en Libye.
Vous pourriez nous parler de la condition des noirs du temps de Kadhafi.

Vous pourriez interroger les gens de la rue sur les conditions de vie actuelles et les conditions de vie du temps de Kadhafi.

Pourquoi ne pas nous informer sur la Libye, vous qui en avez les moyens ?

Les mensonges de Bugingo me paraissent dérisoires par rapport aux mensonges véhiculés pour détruire ce Pays, jadis le meilleur pour les conditions de vie de ses habitants et le plus prospère de toute l’Afrique.

C’est bien de dénoncer l’un des vôtres dont les mensonges devenaient flagrants, mais ce serait encore mieux de nous informer véritablement
sur la condition réelle de la Libye et de tous les Pays en conflit.

Il serait temps que les journalistes dénoncent la propagande qui prévaut au niveau international.

Il serait temps que les journalistes nous montrent les lieux de vie et nous fassent entendre les citoyens pris dans ces conflits.
Personne en Libye pour nous faire entendre les Libyens de la rue.
Personne en Syrie pour nous faire entendre les Syriens de la rue.
Personne en Ukraine de l’Est pour nous faire entendre les Ukrainiens de l’Est de la rue.
Depuis près de 15 ans d’occupation de l’Irak et de l’Afghanistan, aucune image pour nous montrer la vie de Bagdad ou de Kaboul ou
des villages de ces Pays occupés. Aucune entrevue des gens de la rue de ces Pays que l’on dit avoir "libérés " !
Une honte journalistique.
Que de la propagande qui se fout complètement du sort des gens.
Une honte, Mme Hachey.

Il faut avoir le courage journalistique d’aller plus loin que le cas Bugingo.
Il faut informer les gens sur ce qui se passe réellement en Libye, en Syrie, en Côte d’Ivoire, en Ukraine, etc.
Et le seul véritable moyen est de donner la parole aux citoyens de ces Pays.
Pour nous informer il faut que les caméras nous montrent la vie de ces Pays et non les reporters vomissant leur propagande sur place.

James Bamber enseignait à Radio-Canada, comment faire parler les images.
Il nous apprenait que le commentaire était accessoire à l’image et finalement souvent non essentiel, parce que dans bien des cas,
les images disent tout.

Serge Charbonneau
Québec

03/06/2015 10:15 par anonyme

Oui Antar, j’ai vu ce reportage de Bugingo " Mon Israël" et ça m’a fait rire avant de rentrer dans une grande colère. Ça pue le mensonge à plein nez. Deux jours après, dans les rues de Tel Aviv des centaines de. Falachas manifestaient contre les descriminations raciales dont ils sont victimes en Israel. C’est commique et mensonger tout simplement.

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