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Les résistances à l’Administration-entreprise et son alternative socialiste.

dessin : Bar vu sur "la fusion pour les Nuls"

Identité nationale sous tension et service public.

Les résistances au modèle de l’entreprise (privée) introduit dans l’Administration française néolibérale et son débouché socialiste.

Le statut des fonctionnaires et de la fonction publique ne cesse de subir des modifications depuis trente ans. Il subit les effets des mutations économiques et politiques qui affectent la société depuis le début des années 1980. Mais loin d’un matérialisme mécanique il faut voir que les mutations idéologiques préparent et accompagnent les transformations économiques et sociales. Autrement dit elles ne font pas que dissimuler des transformations en cours, elles les favorisent. Dans ce cadre là le droit a une fonction essentielle. Il est à la fois l’ instrument pratique d’une nouvelle régulation et l’idéologie juridique adaptée à cette nouvelle régulation.

L’essentiel de cette mutation jadis observée par Michel Foucault tient au fait que la société contemporaine est beaucoup plus régulée par la norme plus que par la loi. Il y a évidemment toujours des lois pour recomposer globalement les dispositifs de contrainte, les représentations et l’organisation des rapports sociaux dans la société civile et dans ses liens à l’Etat. Mais l’essentiel n’est pas là . Michel Miaille suivant plus Foucault que Weber et sa théorie de la domination rationelle-légale indique que la société moderne fonctionne à la discipline et non au droit, au contrôle et non à l’impératif catégorique.

L’aboutissement de plus de 20 ans d’un tel fonctionnement se traduit par un passage de l’idéologie juridique à l’idéologie de l’efficacité. Cela s’est manifesté dans l’Administration et les services publics par la transformation des outils de commandements en outils de régulation et de management. En conséquence, le statut de la Fonction public est toujours là comme forme, comme coquille mais son contenu a changé. Il est moins protecteur. Rien d’étonnant puisque l’efficacité a plus vocation à exclure sur fond de compétition, de performance et de concurrentialisme que le droit. Le droit n’est pas systématiquement protecteur mais il peut aisément le devenir.Il ne l’est pas quand précisément il sert à généraliser la structure de l’échange là ou à priori ce n’est pas son terrain.

L’examen d’un corpus législatif en lien avec sa pratique montre souvent que certaines catégories sont protégées et pas d’autres. Prenez par exemple la situation des créanciers selon les différents droits de ce que l’on nommait jadis " la faillite des entreprises". Les lois sous le néolibéralisme ont servi à libérer l’action de certains acteurs sociaux en dans le même temps à faire sauter les protections des autres acteurs sociaux, en général positionnés autrement dans des rapport sociaux croisés : patrons, salariés, créanciers publics, créanciers privés... Regarder les avatars du code du travail dans le privé. Cf les écrits de M Filoche ( ). L’administration est-elle mieux épargnée par ce mouvement de "destruction créatrice" (sic) au profit des grands entrepreneurs privés ? Quelle légalité dans les services publics ? Danièle Loschak a démontré jadis le délitement du principe de légalité en cours dans l’administation : "Le principe de légalité, mythes et mystifications" (AJDA 1981). Non seulement, la raison d’Etat demeure. L’acte de gouvernement en est le symbole. Mais depuis, en plus, c’est la raison marchande et privatiste qui a pénétré les services publics . On essaie de simplifier la législation trop complexe mais cela n’améliore pas la légalité proprement dite.

 La pratique administrative comme copie du monde du business ?

Mais au-delà du discours des juristes c’est la pratique administrative quotidienne qui réduit la légalité à une simple couverture idéologique. Dans le réel, il y a le déploiement de l’action administrative dans un cadre d’efficacité et ensuite son étiquetage juridique. D’abord l’action efficace ensuite le référencement et l’ajustement entre droit et fait. L’administration n’agit pas pour autant n’importe comment hors du droit. Elle bénéficie d’un droit qui de par sa mutation lui permet d’agir efficacement . Il faut ici remarquer, et c’est fondamental , c’est que l’Administration fonctionne largement comme une grosse entreprise privée sur la base de critères de rentabilité et d’efficacité. Largement ? Pas toujours certes mais quand même très largement.

Pourtant, l’Administration et les services publics sont producteurs de valeurs d’usage et de ce fait ils ne peuvent pas toujours s’intégrer dans une logique de valeur d’échange, celle qui spécifie le marché. En effet, l’Administration ne produit pas fondamentalement pour vendre, ni pour faire du profit. Mais la mutation réalisée a modifié ce principe d’action de l’Administration. De plus en plus elle fait "comme si". Le "comme si" fonctionne comme une "seconde nature". L’administration applique d’ailleurs en ce cas des règles de droit privé, telle le contrat plus que des règles de droit administratif tel que l’acte unilatéral. Cela mériterait bien des commentaires plus scientifiques : lire ici Jacques Caillosse. Mais chacun sait que le droit privé notamment le droit commercial, devenu droit des affaires, est un droit profondément inscrit dans la logique marchande, de son échange de biens et services via un prix à des clients . Qui dit client dit solvable ; et ce en vu d’un profit. Le marché ici colle à la logique capitaliste. La contamination privatiste-commercialiste est là , très puissante, même s’il y a des résistances importantes.

 La résistance à la logique marchande.

La résistance est aussi très forte chez les fonctionnaires de base (C, B, A de base) à ce mode de fonctionnement mis en place par la Haute administration. Cette dernière est même largement discréditée aux yeux de la base comme des vendus au transnationales. Les fonctionnaires de base ne sont pas nécessairement altermondialistes mais il y a chez eux une critique forte de la marchandisation-privatisation des services publics qu’ils adressent non seulement aux politiques mais aussi à la très haute hiérarchie dans la mesure ou elle fait le jeu du privé et se comporte comme le privé. Un fonctionnaire pour bien agir ne saurait copier un commerçant. Chacun son job ! Le fonctionnaire doit traiter les dossiers non rentables. D’ailleurs le privé lui prends les dossiers rentables selon le vieux principe de la socialisation des pertes et de la privation des bénéfices. Dans la même logique, le service public s’adresse à des usagers et non des clients, et donc d’abord à ceux qui ne sont pas solvable. Il rend service gratuitement à ces usagers-là ce qui est impossible pour l’entreprise privée de nature marchande (elle doit vendre) et capitaliste (elle doit faire du profit). Le service public ne vend pas même si la monnaie intervient dans un échange. C’est le système de tarification qui fait qu’il n’y a pas marché et échange marchand et pas plus profit capitaliste. La tarification réglementaire est un acte politique et non économico-marchand. Elle permet la gratuité et donc la satisfaction des besoins sociaux des populations dans un cadre d’égalisation lorsque s’y ajoute la péréquation tarifaire dans un cadre national et ou régional. Pour le fonctionnaire de base résistant à la logique marchande-capitaliste, l’intérêt général n’est pas le cache sexe de l’intérêt des entreprises privées et de leurs dirigeants qui eux profitent du marché. L’intérêt général est conçu comme celui qui porte sur la satisfaction directe en valeur d’usage de la population. Cette mentalité est encore forte surtout chez les fonctionnaires de base. Cette mentalité collective est porteuse d’espoir.

 Les fonctionnaires comme vecteur probable du socialisme.

En ce sens les fonctionnaires de base sont les vecteurs avancés du socialisme - pas le pseudo socialisme de caserne ! - qui fondamentalement fait la promotion de la valeur d’usage contre la valeur marchande. Le socialisme procède à une large extension des services publics sans détruire totalement le marché qui garde un champ d’activité pour tout ce qui n’est pas le plus nécessaire à la vie mais qui n’est pas pour autant nuisible. Cette détermination est nécessairement l’objet d’un grand débat démocratique qui prend en compte les questions écologiques, ce que l’on nomme l’alterdéveloppement. Par ailleurs, le socialisme ne saurait vivre que sous régime démocratique. L’histoire du siècle dernier montre qu’il n’y a pas de socialisme qui puisse durer sans démocratisation permanente des instances de la société (dans et hors l’entreprise) et de l’Etat (democratie délégataire des personnels et des usagers plus démocratie citoyenne directe pour les grandes orientations). Sur ce dernier point lire Ellen Meikins Wood et sa contribution dans Contretemps n°4 : "Redéfinir la démocratie".

Si le socialisme fait nécessairement une part prépondérante à l’économie non marchande alors le consentement à la fiscalité redistributive doit devenir massif. La démocratie fiscale est un aspect important du socialisme. Car ce qui signifie pleinement l’acceptation du socialisme c’est l’idée que tout humain doit vivre aisément sans souci des fins de mois mais pas richement. Ce principe d’humanité est supérieur à celui qui domine sous le capitalisme qui justifie lui la charité publique du revenu de misère. Pour le socialisme, chacun doit participer à la production de l’existence sociale via la RTT. Il ne saurait y avoir sous le socialisme, de division entre ceux qui travaille intensément avec gros salaires et ceux qui ne font rien avec le revenu caritatif social-démocrate. Ces principes guident l’action pour l’éco-socialisme pluriel.

Sans être exhaustif, il faut encore dire une résistance des fonctionnaires des services publics contre le rétrécissement de la couverture des services implantés sur les grandes villes puis au sein des grandes ville sur le centre-ville. Ici l’Etat néolibéral devance et accompagne le développement inégal et combiné du capitalisme . Le socialisme opère une dissémination de l’implantation sur le territoires en fonction des besoins des populations . Il opère en contresens du développement inégal du capitalisme, notamment de sa configuration néolibérale.

Le socialisme n’est vivable qu’en luttant contre le racisme et le sexisme. Le "classisme" et la marchandisation ne sont pas les seules dominations à combattre. Retenons ici la leçon de Philippe Corcuff et portons le fer contre toutes les dominations. La difficultés est qu’elles sont plus cachées que les simples rapports de pouvoir.

Christian Delarue

Pour un éco-socialisme pluriel sans racisme, ni sexisme.
sur LGS

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