Chèr Monsieur Meyer, je respecte profondément votre indignation et apprécie votre sens de l’observation que peu de gens ont, ce qui est regrettable.
Mais je voulais vous faire part d’une remarque, en commençant par un exemple, que j’ai vécu personnellement, et qui ressemble beaucoup à votre expérience avec ce phénomène de combinaison d’images dans la presse :
assise dans le métro il y a un an, j’observe un homme lire un journal et, je suis immédiatement frappée par le mariage de deux images...la première est située à la une et est une très grande photo d’un paysage de ruines suite à un séisme (au Pakistan il me semble) , et le dos du journal est occupé par une publicité ou l’on voit une maison de rêve avec en guise de slogan : "construisez votre avenir".
Je me suis immédiatement demandée si la combinaison de ces deux images était bel et bien un fait du hasard, je ne me suis pas renseignée sur ce sujet pour savoir si le journal peut intervenir dans le choix des publicités, notamment au dos, mais j’aimais bien imaginer que cette "combinaison choc" était voulue, dans le but de réveiller dans le métro les regards fatigués et de moins en moins sensibles à l’actualité dans le monde (par l’excès d’information, d’images)...à l’aide de cet humour noir.
Ca ne m’a absolument pas choquée, mais au contraire beaucoup amusée, en imaginant que, peut-être, une personne alerte de ce journal avait vu l’impact qu’auraient ces deux images côte à côte, et que sûrement peu de gens ressentiraient, ce qui est encore plus lugubrement drôle.
Car c’est bien ça, la triste histoire d’aujourd’hui...la plupart des gens sont devenus accoutumés aux images chocs, car elles abondent dans les journeaux...peut-être est-ce plutôt ça l’obscénité après tout...mais que faire ? Il est impossible de censurer l’image, il n’en est pas question selon moi, mais toujours est-il que l’on est face à un problème.
Aussi, personnellement, je trouve obscène de se révolter contre un journal suite à la sensation désagréable provoquée par la vision de la proximité d’une publicité glamour et d’une photographie journalistique, car c’est exposer à tous sa participation à part entière à cet aveuglement général, ou plutôt la manifestation d’un réveil assez tardif avec un regard limité sur un phénomène ancré depuis un certain temps dans la société. Je ne vous en dis pas plus, je vous invite à lire "La société du spectacle" de Guy Debord (qui contient un texte encore frais) pour des phrases précises et bien formulées.
Aussi, après lecture de ce livre, vous comprendrez très certainement pourquoi de mon côté, je suis pour ce genre de rapprochements "publicité/photographie d’une réalité" car c’est cette confrontation qui est bénéfique (en se limitant aux médias) pour notre regard critique sur la publicité, et... sur les images d’actualité.