15 commentaires

Quand il suffit de traverser la rue

Comme la vie devient facile sous le règne d’Emmanuel Macron ! Tellement facile que les citoyens en arrivent presque à se demander pourquoi ils se compliquaient l’existence jusqu’à l’avènement du majuscule pédagogue aux solutions évidentes pour toutes sortes de problèmes qui taraudaient auparavant nombre de fieffés inquiets. Ainsi, la question du chômage que nous trouvions terrible il y a peu de temps encore est beaucoup moins grave qu’il y paraît dès lors que l’on accepte d’être résolument positif. Du travail il y en a partout. On change de trottoir et les emplois pleuvent comme vache qui pisse. Il faut seulement ne pas avoir peur de traverser la chaussée. Nous avons donc bien changé d’époque puisque voilà les propos de comptoir érigés en vérités présidentielles. Les ouailles rassemblées virtuellement dans la grande Eglise macronienne sont bien sûr paternellement priés d’apprendre le nouveau catéchisme ultralibéral. Cependant, pour accéder à l’idée – érigée en dogme - de la « vie facile » insidieusement promue il conviendra de brûler d’abord tous les bons manuels de sociologie, de psychologie sociale et d’économie critiques devenus éminemment hérétiques par l’opération du Saint-Esprit fait homme.

Ce qui est formidable avec la facilité macronnienne – pardon, jupitérienne ! – c’est qu’elle est contagieuse, donc extensible à souhait. Les serviles lieutenants du général en chef s’en font l’écho plus souvent qu’à leur tour et rivalisent d’imagination pour chasser la moindre occasion où la vie du fonctionnaire en voie de précarisation, de l’usager des services de moins en moins publics, de l’élu local aux moyens en baisse et aux responsabilités en hausse, sera grandement facilitée désormais ! Aucun des serviteurs, grand ou petit, n’a été choqué par la pique envoyée par le monarque au naïf horticulteur qui lui parlait l’autre jour sérieusement de son chômage et qui espérait peut-être que le providentiel souverain l’embaucherait pour l’entretien de ses célèbres jardins. Pourquoi, diable, ce brave homme s’accroche-t-il paresseusement à son métier quand tous les cafetiers et restaurateurs du quartier de l’Elysée ou d’ailleurs n’attendent que lui pour le mettre généreusement à la tâche ?

Sous les cieux radieux du macronisme les remèdes faciles se ramassent donc à la pelle. Quand Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale, a annoncé le mois dernier que mille quatre-cents postes d’enseignants seraient supprimés l’an prochain, des journalistes ont audacieusement demandé si cela n’allait pas conduire à un alourdissement du nombre d’élèves par classe. Le ministre s’attendait visiblement à cette terrible banderille : non puisqu’il va suffire que les professeurs fassent des heures supplémentaires, ce qui améliorera du même coup leur pouvoir d’achat. Comme c’est évident ! Et tant pis si les intéressés, déjà nombreux à faire des heures supplémentaires, ne souhaitent pas pour la plupart en faire davantage car ils préfèrent consacrer du temps à l’amélioration de la qualité de leur enseignement. Les forces de la police et de la gendarmerie nationales ne sont pas assez nombreuses pour afficher leur « présence Rassurante » partout sur le territoire ? Qu’à cela ne tienne : armons les polices municipales. Et tant pis si les policiers ainsi promus n’ont pas été formés à ce nouvel usage de leur emploi. Dans le domaine de l’urbanisme, le projet de loi Elan est destiné à permettre « de construire plus et moins cher ». Cependant, selon les promoteurs immobiliers il existerait trop de recours abusifs contre les projets de construction. Alors, le gouvernement prévoit de simplifier les normes et de « mieux encadrer les procédures contentieuses contre les permis de construire ». Quels seront les critères permettant d’apprécier le caractère abusif d’un recours contre un projet ? Les défenseurs de l’environnement déjà s’inquiètent de ces plus grandes facilités à bétonner. Comment ne pas les comprendre ?

S’agissant de la vie facile, Emmanuel Macron parle d’expérience. Pour causer trivialement – comme lui-même se hasarde parfois à le faire – il en connaît un rayon ! Lui, n’a même jamais eu besoin de traverser la rue. Ni pour entrer à l’Elysée au début de la Présidence Hollande. Ni pour entrer à la banque Rothschild comme financier de haut-vol. Ni pour devenir ministre de l’économie. Ses diplômes, son talent et l’adoubement d’influents mentors, tel Jacques Attali, ont toujours ouvert un vrai boulevard à son ambition forgée tout au long d’une jeunesse dorée. Bref, le prodige est le pur produit d’un déterminisme social positif. Et cela bien sûr ne facilite pas sa compréhension du déterminisme social négatif qui frappe tant d’autres de ses congénères. La vie sourit aux uns, fait la grimace aux autres. Qu’un président de la République oublie trop souvent cela autorise à s’interroger sur la nature de ses lectures au cours de sa formation intellectuelle. Cependant, une chose saute aux yeux – et surtout aux oreilles – désormais : Emmanuel Macron cache de plus en plus mal son mépris de classe.

Yann Fiévet

Print Friendly and PDF

COMMENTAIRES  

26/09/2018 17:03 par Yannis

Macron n’a aucune classe (hormis celle qu’il représente et défend exclusivement, les 1%), un pantin pas vraiment classieux comme aurait dit Gainsbourg ou Coluche, en train de se désarticuler sous nos yeux. Mais certains n’ont pas voulu voir les ficelles de cette mise en scène "démocratique" il y a un an et demi, et se sont engouffrés dans le guet-apens du vote contre Le Pen. La chatelaine a essayé de tenir son rôle d’épouvantail jusqu’au bout, mais avec beaucoup de difficulté lors du dèbat de l’entre-deux tours. Faudra bientôt trouver de nouvelles marionnettes, afin que tout change pour que rien ne change, ces deux dernières étant déjà usées jusqu’à la corde !

26/09/2018 17:59 par J.J.

Nouveau plan du gouvernement contre le chômage : multiplier les passages protégés pour les piétons.
Aussi simple que l’œuf de Collomb(!).
Que n’y pensâmes nous pas plus tôt ?

27/09/2018 09:16 par J.J.

....et se sont engouffrés dans le guet-apens du vote contre Le Pen. La chatelaine a essayé de tenir son rôle d’épouvantail jusqu’au bout,
Quelle alternative avions nous ? Choisir entre la peste et le choléra, ce n’était pas une première.
S’abstenir ? C’est le vœux le plus cher de ceux qui rétablissent ainsi sournoisement "de facto" le suffrage censitaire (en nous serinant le fallacieux "élections piège à con"). Et les votes blancs ne sont pas comptabilisés.
Voter Macron contre le Pen apparaissait comme la solution la moins pire, à condition aux législatives de ne pas envoyer à l’Assemblée Nationale les opportunistes, bénis oui oui et autres bras cassés se réclamant de la république en marche arrière.

Là nous avions d’autres choix que certains ont fait, mais pas en assez grand nombre. Il est vrai que le "bashing" à l’encontre de certains partis , comme disent ceux qui ne causent plus la France, a fait des dégâts.

27/09/2018 16:19 par Danael

Et tant pis si les intéressés, déjà nombreux à faire des heures supplémentaires, ne souhaitent pas pour la plupart en faire davantage car ils préfèrent consacrer du temps à l’amélioration de la qualité de leur enseignement.

Avoir le temps d’améliorer notre travail certes, mais pas que. Revendiquons aussi le droit de se reposer, de partager du bonheur avec sa famille et ses amis, le droit de prendre le temps de se construire en dehors aussi du travail officiel. Car ne soyons pas crédules, il s’agit ici d’instaurer une fausse valorisation du travail par Macron. Non seulement parce la formation des travailleurs n’est plus considérée mais aussi parce que le temps de travail est exigé de plus en plus extensible, sous-payé et ressemble davantage à celui de l’esclave à constante disposition des décideurs de ce monde. Ce système n’est même pas rationnel car il va à l’encontre de toutes les études scientifiques qui démontrent la totale inefficacité de ces méthodes . Et il serait temps que nos députés nous donnent l’exemple, fassent front contre le temps macronicide du travail parlementaire et revendiquent leur droit à bien siéger, selon des heures raisonnables pour faire du bon boulot ( Soulevé par LFI seulement ?) Sinon quel message pensez-vous qu’ils envoient aux citoyens ? Que ce système contre-productif et abusif est normal ? Mais vise-t-on l’efficacité et la démocratie ou la mise aux pas des esprits avant tout, comme du temps des plus mauvais jours de notre histoire ?

27/09/2018 18:02 par Danael

Le mot macronicide est à prendre à double sens ici c’est à dire naufrage généralisé et imposé par lui et Macron radeau de la méduse à la dérive.

27/09/2018 19:53 par Yannis

J.J.vous vous êtes fait avoir comme beaucoup, coincé dans un choix cornélien qui n’a fait que se reproduire après les présidentielles de 2002 et les électeurs de gauche pris en otages entre Chirac et Le Pen. Perso ce triste épisode (avec également "mon programme n’est pas socialiste" de Jospìn) m’a servi de leçon et de repoussoir au "vote utile". L’idée n’étant pas de faire culpabiliser ceux qui ont voté Macron en 2017, car concernant Chirac, pour lequel j’ai voté contraint au deuxième tour, j’étais au moins satisfait de sa prise de position courageuse dans la non-participation de la France dans la coalition USA-GB en Irak, du moins au début en 2003 et jusqu’au rattachement des forces militaires fr. à l’OTAN sous Sarkozy, avec les conséquences désastreuses que l’on connait aujourd’hui et qui ne sont toujours pas finies.

J’avoue que pour Macron, je ne sais pas de quoi il y a à être fier d’avoir donné sa voix pour cette image publicitaire qui se dèlite chaque jour un peu plus ! Mais ce débat a agité tout "le peuple de gauche" en 2017 et il apparaissait que l’abstention, non seulement ne laisserait pas passer Le Pen, dont le rôle premier n’est pas de gouverner mais de faire peur (avec quelle équipe de bras cassés, quand déjà les élus FN mettent en faillite les municipalités qui leur sont confiées ?) mais encore est plus significative qu’un vote blanc, en laissant une légitimité dérisoire à ce commis de banque. Car l’abstention apparaît immèdiatement avec les premiers résultats, tandis que les votes blancs, sont au final et malgré une petite disposition législative, complètement minimisés. Et MLP n’avait même pas les réserves de voix nçecessaires, ni contre la droite conservatrice encore moins contre le centre droit. Difficile de s’être fait manipuler à ce point, je sais ce que c’est..

Mais qu’avez-vous sauvé de la République, en participant à l’élection du principal artisan de sa démolition systématique ?? De plus on sait pertinemment que l’élection des députés à l’AN suit voire amplifie la dynamique de la présidentielle, depuis que le gouvernement Jospin a coupé toute possibilité de cohabitation politique façon Mitterrand/Chirac, en alignant les dates des 2 élections essentielles et emblèmatiques pour la vie démocratique française : la présidentielle, puis les représentants de l’Assemblée Nationale (et même ensuite du Sénat).

28/09/2018 09:31 par irae

Bravo ! Belle synthese.

28/09/2018 13:29 par J.J.

@Yannis Mais qu’avez-vous sauvé de la République, en participant à l’élection du principal artisan de sa démolition systématique ??
RIEN. Et j’ai eu la naïveté de croire qu’aux législatives la donne changerait, et que l’entreprise de démolition qui fait systématiquement élire une majorité au président élu n’était pas inéluctable. Naïf de croire à un sursaut populaire.

Mais même en cas d’abstention, ça ne change rien à l’affaire, les votes blancs ne sont pas pris en compte ; et tout le monde sait bien que si macron a été élu légalement, son élection au score anémique ne lui donne aucune légitimité. Et pourtant c’est lui qui règne.

28/09/2018 13:49 par Assimbonanga

Avez-vous remarqué ? Ce gouvernement a une botte secrète, un joujou extra qui fait crac boum hu, une panacée universelle, un remède miracle : l’exonération de charges sur les bas salaires. Vous aurez traduit : exonération de cotisations sociales.
Il l’applique généreusement sur toute corporation indépendante ou patronale qui vient exprimer une plainte. Ça fait pour tout. Ça console, ça apaise. Et puis, c’est tellement conforme à cette envie de droite, d’extrême-droite, de petits patrons, commerçants, artisans, agriculteurs, chasseurs, tout ce courant qui fut invité aux repas informels sur des péniches ou dans des restau gastronomiques pendant la campagne électorale de Macron. En revanche, nul ne sait qui paiera l’addition. Qu’est-ce qui compensera cette perte de recettes ? Les journaleux se gardent bien de poser une question aussi embarrassante...

28/09/2018 14:02 par Assimbonanga

Ne nous l’a-t-on pas assez dit, prouvé, démontré, reportage à l’appui qu’il fallait prendre exemple sur le modèle allemand pour ouvrir le rail à le concurrence ? On nous l’a seriné pendant la grève des cheminots. Hé bien, regardez ! Vous allez être édifiés par ce reportage du JT de France 2 : https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/allemagne/rail-en-allemagne-la-deutsche-bahn-est-en-mauvaise-voie_2960089.html. Durée 1:55 minutes. C’est à pleurer, ce cynisme médiatique. Combien parmi les téléspectateurs auront remarqué la violence de ce contraste ? Oui, France 2 et les autres ont participé à l’enfumage d’état contre le chemin de fer et les cheminots. En voici la démonstration.

29/09/2018 09:45 par J.J.

Asimbonanga : l’exonération de charges sur les bas salaires. Vous aurez traduit : exonération de cotisations sociales.

Beau projet, mais qui ne s’appliquera vraisemblablement pas pour les travailleurs saisonniers. Au contraire, jusqu’à présent, employeurs et travailleurs en étaient dispensés, fini, tout le monde devra payer si j’ai bien compris. Mais la nouvelle n’a pas fait beaucoup de bruit. (reportage FR3 Poitou Charente, et https://www.lopinion.fr/edition/politique/gouvernement-veut-supprimer-exonerations-charges-sociales-employeurs-159879 )

29/09/2018 15:25 par Assimbonanga

@JJ, il va falloir aller féliciter Macron pour ses "beaux projets", alors !

29/09/2018 16:36 par Assimbonanga

Une petite bonne idée. C’est pas grandiose, m’enfin, ça vaut ce que ça vaut : de temps à autre, regarder l’émission "L’Amour est dans le pré" avec un regard notarial. Patrimoine, standing, niveau de vie, propriétés, véhicules, machines, bâtiments industriels (en partie financés par des subventions), cheptel, investissement hôtelier (chambre d’hôtes), appartements rénovés à louer, prestations externes avec leurs engins (pelle mécanique, scierie mobile, etc)... Ceci permettra d’évaluer s’ils ont les moyens de payer les cotisations sociales de leurs salariés.

30/09/2018 10:53 par Chris

Yannis a bien résumé la fumisterie et le piège de l’élection de Macron. J.J. nous montre la naïveté dont l’électeur lambda fait preuve. Assimbonanga fait remarquer à juste titre que l’exonération des charges détruit notre modèle social et que la volonté de détruire les services publics est équivalente à celle de vider l’Etat de son sens.
Qui pour nous démontrer que toute cette politique Macronienne est logique et doit nous mener là où personne ne voudrait aller de lui-même ?

01/10/2018 20:31 par Didier

Jamais je ne passerai cette phrase au pantin des banquiers. Il n’a même pas l’excuse d’être un c***.

(Commentaires désactivés)
 Twitter        
 Contact |   Faire un don
logo
« Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »
© CopyLeft :
Diffusion du contenu autorisée et même encouragée.
Merci de mentionner les sources.