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Régimes spéciaux, grèves spéciales, Michel Noblecourt.



Sarkozy-Parisot






Le Monde, 13 novembre 2007.


A la fermeté du gouvernement sur la réforme des régimes spéciaux de retraite - marins et militaires exceptés -, les syndicats de la SNCF, de la RATP, d’EDF opposent un front du refus déterminé. Sept fédérations de cheminots, sur huit, agitent la menace d’une grève reconductible, dès le 13 novembre au soir, avec, pour certaines, le pari de tenir au moins jusqu’à la grève de la fonction publique, le 20 novembre. "Novembre noir" ? Si la météorologie sociale n’a rien d’une science exacte, un scénario du type 1995, avec trois semaines de grève du rail, n’apparaît pas le plus probable.

En douze ans, le paysage social a changé. En 1995, les salariés du secteur privé avaient fait "grève par procuration" en soutenant les cheminots. Deux ans après la réforme d’Edouard Balladur - qui avait porté, en 1993, de trente-sept ans et demi à quarante ans la durée de cotisations des salariés du privé -, opérée sans secousse sociale, sans que le secteur public bouge, il y avait un parfum de revanche. En empêchant Alain Juppé d’aligner les régimes spéciaux, les syndicats faisaient miroiter un retour pour tous aux 37,5 annuités. Peine perdue. M. Juppé cala sur les seuls régimes spéciaux. En 2003, le mouvement social a échoué : Jean-Pierre Raffarin et François Fillon ont aligné les fonctionnaires sur le secteur privé. Depuis, l’opinion sent bien que cet allongement de la durée de cotisations est irréversible - avec une perspective, arrêtée en 2008, de quarante et un ans - et, au nom de l’équité, n’imagine pas que 478 000 agents restent à l’écart. Au pouvoir, même la gauche aurait fait la réforme.

Un autre paramètre, important, a changé, c’est l’attitude des confédérations. Il y a douze ans, elles étaient en première ligne, accompagnant, pour FO, ou stimulant, pour la CGT, le mouvement. La CFDT de Nicole Notat, qui avait cautionné partiellement le plan Juppé (sur le volet Sécurité sociale), s’était confrontée à sa fédération des cheminots, cette opposition aboutissant, à la fin du conflit, à la naissance de SUD-Rail. En 2007, les confédérations soutiennent à distance et restent prudemment sur les lignes de touche. En 1995, plusieurs centrales (CGT, FO) réclamaient le retrait pur et simple du plan Juppé. Rien de tel, cette fois. Seul SUD-Rail exige le retrait du "plan Sarkozy", alors que les confédérations demandent en vain de pouvoir vraiment négocier le projet du ministre du travail, Xavier Bertrand.

La CFDT de François Chérèque, qui est ouvertement favorable aux quarante ans de cotisations, accompagne sa fédération des cheminots. Celle-ci, laminée par la crise de 2003, provoquée par le soutien de M. Chérèque à la réforme Fillon sur les retraites, qui avait vu une bonne part de ses troupes rejoindre la CGT, s’est totalement reconstruite. Le secrétaire général de la CFDT a reproché à M. Bertrand de faire la sourde oreille à ses propositions. "Le gouvernement nous demande de faire grève", a-t-il lancé. Pourtant, la présence cédétiste dans l’intersyndicale des cheminots est une garantie contre une radicalisation durable - la CFDT ne jouera pas longtemps la carte de la grève reconductible - et permet de ne pas laisser le champ libre à SUD-Rail, voire à une CGT soucieuse de ne pas être débordée. L’implantation modeste de FO, où se fait le plus entendre la petite musique d’un retour aux 37,5 annuités, la place dans une attitude suiviste. Mais son secrétaire général, Jean-Claude Mailly, qui insiste sur "la grogne en train de monter" sur... le pouvoir d’achat, se garde bien de jouer le rôle de Marc Blondel, qui, en 1995, avait disputé à la CGT la tête du mouvement.

Cette nouvelle donne est encore plus décisive à la CGT. C’est le leader des cheminots de 1995, Bernard Thibault, qui, grâce à son leadership d’alors, est aujourd’hui le patron de la CGT. Il est passé de la défense corporatiste d’une catégorie de salariés - les cheminots - à celle de l’ensemble du monde du travail. Interprofessionnel, son rôle est de mettre en avant des revendications qui rassemblent les salariés, sans les couper de l’opinion, et non de préserver des chasses gardées. C’est ainsi qu’aujourd’hui la CGT, comme FO et d’autres, donne au niveau confédéral la priorité au thème unificateur du pouvoir d’achat, prenant au mot M. Sarkozy, qui, durant sa campagne, avait promis d’être "le président du pouvoir d’achat". Le 5 novembre, le chef de l’Etat s’en est même pris à ceux "qui ne croient qu’à la vertu des politiques sacrificielles", en ayant demandé depuis vingt-cinq ans aux Français de "faire en vain des sacrifices considérables".


"TROISIàˆME TOUR SOCIAL"

La confédération CGT campe sur ce registre. "Il est urgent de se mobiliser sur les salaires !", a-t-elle proclamé le 7 novembre. Dans un tract intitulé "Résolument avec vous", elle avance neuf thèmes de débat et d’action. Les retraites arrivent au cinquième rang, avec la Sécurité sociale. "Il faut remettre à plat la situation des retraites, mais certainement pas en s’attaquant aux régimes spéciaux", est-il écrit. Et la CGT propose "un socle commun de garanties pour tous, public et privé, pour conforter le droit à la retraite à 60 ans et assurer pour la pension un taux de remplacement du salaire d’au moins 75 %" et pas inférieur au smic. M. Thibault, qui exclut un "troisième tour social", privilégie le pouvoir d’achat - et non le retour aux 37,5 annuités ou le refus de principe d’une réforme - quand il dit, le 5 novembre, sur LCI : "Il n’y aura pas de majorité de personnels pour accepter qu’une des conséquences de cette réforme ce soit la perte d’un à deux mois de pension pour les futurs retraités." Il a repris l’argument, le 9 novembre, dans sa lettre à M. Bertrand.

La disparition des régimes spéciaux, et des avantages qui les distinguaient du reste du salariat, va aussi permettre aux confédérations de rebattre les cartes en interne pour que leurs fédérations du secteur public ne se comportent plus en privilégiatures, tenant la dragée haute ou dictant leur loi aux directions confédérales. Les centrales se targuent d’avoir désormais plus d’adhérents du privé (56 % à la CFDT) que du public. En 2006, M. Thibault, qui annonçait 53 % de syndiqués du privé, affirmait : "Ce n’est pas par une stratégie de places fortes, mais par le rayonnement de la CGT partout, que nous serons le plus efficaces pour porter les revendications."

Or à la CGT, Didier Le Reste, qui a succédé à Bernard Thibault à la tête de la fédération des cheminots, est son principal opposant, arborant une fidélité sans faille au Parti communiste et menant la résistance aux mutations qu’il cherche à faire opérer à la centrale tant sur son fonctionnement et son organisation que sur sa volonté, selon la formule de Jean-Christophe Le Duigou dans L’Humanité Dimanche (8-14 novembre), d’"apporter des réponses nouvelles à des problèmes sociaux qui touchent des millions et des millions de salariés". Régimes spéciaux, grèves... spéciales.

Michel Noblecourt


- Source : Le Monde www.lemonde.fr






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