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Sortir la religion du débat sur la laïcité !

Le dépôt de la « loi sur la laïcité de l’État » (projet de loi 21) de la Coalition avenir Québec (CAQ) n’était même pas encore présenté que tout le monde politique québécois préparait déjà leur positionnement. Il faut dire que la question des symboles religieux dans le domaine public est devenue une telle obsession qu’il est maintenant presque impossible d’en faire l’impasse, au même titre que les questions climatique et économique. Toutefois, cette « laïcité de l’État », tant souhaitée par certains, est surtout le cache-sexe d’autres préoccupations moins avouables, ce qui embrouille les discussions et engendre bien des malentendus de part et d’autre. Mais au-delà de ces imbroglios, il semble clair que la population souhaite mettre un terme au laisser-faire libéral et aux flous qu’impliquent généralement les « accommodements raisonnables ».

C’est donc dans ce contexte que les membres de Québec solidaire (QS) devaient conclure leurs réflexions internes afin de valider le positionnement du parti sur la question. La position à adopter n’était certes pas ouverte, mais celle-ci devait tout de même trancher des options bien polarisées. Soit, entre le « compromis » issu des recommandations de la commission Bouchard-Taylor, c’est-à-dire l’interdiction des symboles religieux dans les postes d’autorités (juges, policier, gardien de prison, etc.) ou de les autoriser par principe. Comme le compromis de Bouchard-Taylor n’était pas très populaire chez la base militante (c’était un secret de polichinelle !), il n’a pas été surprenant d’apprendre, au lendemain des discussions, que c’est « l’option B » qui fut retenue. La suite de l’histoire était écrite à l’avance et, comme un scénario de série B, rien n’a été moins surprenant que de voir la blogosphère péquisto-nationaliste s’emporter sur le cryptolibéralisme et l’islamogauchisme de QS, comme si ces commentateurs étaient tous de véhéments militants solidaires, trahis par le « poliburo » !

Pourtant, dans un environnement politique normal, ce positionnement, somme toute prévisible, n’aurait pas dû surprendre qui que ce soit et, hormis peut-être quelques militants de QS, personne n’aurait vraiment eu à s’arracher la chemise sur cette décision qui ne concerne qu’eux. Après tout, la majorité des « pro » comme des « anti » QS devraient y trouver leur compte. Les ennemis de QS pourront officiellement accuser le parti d’avoir une position commune d’avec le parti libéral du Québec (ce qu’ils affirment de toute façon depuis des années) et l’appareil de Québec solidaire pourra se positionner comme principal opposant de la CAQ tout en donnant des gages à son aile multiculturaliste, que l’indépendantisme inquiète.

Rappelons que QS n’est pas le parti d’une cause, mais bien un parti de « niche électorale », c’est-à-dire LA gauche avec toute l’ambivalence du terme et les contradictions que LES gauches comportent entre elles. Mais une chose est sûre, le parti doit entretenir la polarisation gauche/droite (au singulier) pour continuer sa progression. Le programme de la CAQ étant un programme de droite classique (libéral économique et nationalisme culturel), QS ne pouvait que se positionner en sens contraire afin d’alimenter l’antagonisme.

D’après le mouvement présent, l’avenir politique du Québec pourrait donc bien finir par ressembler grandement à celui du reste du Canada, si aucune réforme de mode de scrutin n’est réalisée. Seuls les noms des partis maintiendront une certaine originalité, parce qu’au fond, le monde politique québécois se rapproche de plus en plus de celui des autres provinces canadiennes.

Mais justement, rien ne serait plus triste que de voir le Québec devenir une province canadienne comme les autres, alors il serait souhaitable que nos divisions politiques reflètent autre chose que cette stérile lutte entre centre droit et centre gauche sans véritable remise en cause du cadre institutionnel. Mais pour ce faire, il est important de mettre fin à ces interminables débats sociétaux, qui ne mènent nulle part et qui divisent les classes pauvres sur des sujets secondaires au lieu de les unir.

La première chose à faire serait, à mon avis, de mettre un terme à ces débats sur la laïcité, en réglant la chose d’une façon ou d’une autre. Puisque c’est cette lutte horizontale qui transforme le monde politique québécois en bon élève du Commonwealth ! Néanmoins, comme la division gauche/droite actuelle est déjà bien ancrée dans les mœurs, il sera difficile de faire passer à gauche des mesures qui sont considérées comme « racistes » et qui malheureusement le sont souvent dans les faits. Il est cependant plus que jamais nécessaire de tenir compte de cette immense masse de gens qui peuple les syndicats des régions, mais qui ont visiblement votés CAQ en raison de l’insécurité identitaire qu’ils ressentent. Même s’ils seront eux aussi les victimes des politiques économiques de la CAQ, au même titre que les communautés immigrantes.

Le dilemme ici est donc d’unir des gens qui ont des intérêts sociaux convergeant, mais qui ont un ressenti difficilement compatible vis-à-vis de l’islam et du multiculturalisme. Dans cette optique, il est nécessaire, à mon avis, de revoir la définition même de la laïcité ou plutôt de l’élargir, afin de la moderniser. Rappelons que la laïcité est encore essentiellement comprise comme un moyen de combattre une religion d’État, alors que tout le monde sait très bien qu’il s’agit d’un débat qui vise à contrôler la religion des groupes d’immigrants, qui au premier rang duquel trône l’islam.

Pour les uns, l’islam est perçu comme une menace à la cohésion sociale (position de la droite) et pour les autres ses membres sont surtout les victimes de la xénophobie de la majorité (position de la gauche). Le gros problème c’est qu’ils ont passablement tous deux raisons, puisque les pratiques du multiculturalisme enferment effectivement ses membres dans des îlots culturels et que la peur qu’implique cette séparation engendre également de la xénophobie ! C’est dans le but de briser ce cercle vicieux qu’il faut moderniser le concept et il me semble temps comme jamais de sortir la religion du débat sur la laïcité !

J’imagine que cette option saura en faire sursauter plus d’un ! Mais en dehors des formules rhétoriques, il y a beaucoup d’avantages à prendre du recul sur ce qu’est la religion. En prenant un peu de hauteur et en mettant de côté les éléments surnaturels qui la caractérisent, nous comprenons vite que la religion n’est rien d’autre qu’un ensemble de croyances et de dogmes partagé. L’origine étymologie du terme « religion » est « relegere » en latin signifiant « relire » et religare signifiant « relier ». Autrement dit, la religion est un ensemble de croyance et de dogmes qui « relie » les gens entre eux.

De ce point de vue, les religions n’ont rien de bien différent des autres regroupements philosophiques. Par exemple, les véganes, les anarchistes, voire les conspirationnistes pourraient aussi former des groupes « reliés » par des croyances et des dogmes communs. Comme le « dogme » laïque prétend que l’État doit être neutre, il n’y a donc pas de raison de donner aux religions les plus populaires une reconnaissance et une importance refusées aux autres croyances. Le travail de l’État « laïque » est d’abord de baliser les limites de leur influence afin de protéger les droits des individus à l’intérieur comme à l’extérieur de ces groupes. Pas l’attribution d’accommodements ou de faveurs aux groupes dont le lobbying est le plus puissant. Évidemment, tout ça reste très théorique et la réalité est que les accommodements religieux sont le résultat des rapports de force, mais il serait tout de même avantageux que des règles d’analyses soient « sécularisées ». Ne serait-ce que pour parler le même langage quand vient le temps de débattre sur les questions identitaires.

Précisons au passage qu’une « multisociété » ne peut qu’être une société divisée et en perpétuelle lutte interne sur ce genre de question. À moins d’arriver en équilibre, comme en Suisse, ce genre de société ne peut pas avancer politiquement, puisqu’il faut un socle commun pour arriver à des consensus. La société doit donc « faire corps » pour mettre en marche un projet de société alternatif. C’est dans cette optique que « l’interculturalisme » s’est conceptualisé, afin d’adapter la société québécoise aux réalités de l’immigration tout en faisant face au multiculturalisme canadien, qui est plus proche d’une société de lobbies concurrents qu’une véritable société de « valeurs partagées ».

Il devient donc important de remettre la religion à sa place si nous voulons faire corps, c’est-à-dire de ne pas les considérer comme les groupes philosophiques extérieurs au reste de la société. Ce qui signifie que l’État « neutre et laïque » n’a pas à discriminer les droits et devoirs des gens en fonction de la ferveur ou de la popularité de ces croyances. « Mais concrètement, que cela implique-t-il ? » me diriez-vous. Cela implique de se baser sur des règles objectives et universelles, qui ne reposent pas sur l’influence ou la popularité des croyances. Donc, plus « d’accommodement », mais une modernisation générale des institutions qui répond aux besoins d’une société qui évolue sans cesse.

Quand un métier impose un uniforme par sécurité ou par représentation et que le symbole religieux ou autre n’est pas compatible, bien, inutile de chercher plus loin pour l’interdire, sauf à autoriser un équivalent pour tous. Les symboles religieux n’ont pas à être considérés par l’État et ses représentants comme « sacrés » ou « dangereux ». La question du port de symboles religieux reste dans le cadre du port d’objets symboliques quelconques. Cela n’empêche nullement les individus de les considérer comme sacrés et de réclamer leur port comme un droit. Seulement, la décision doit se prendre de manière objective et doit s’appliquer à tous.

Par exemple, si on veut autoriser le port du voile ou le turban aux métiers demandant un uniforme, on élimine de l’uniforme le couvre-chef ou on autorise les couvre-chefs faits sur mesure pour tous, voire en l’éliminant carrément. Si on juge nécessaire que l’uniforme doive rester « uniforme », on l’impose comme devoir de la profession à tous. Autrement dit, le principal élément qui doit être questionné pour régler la question n’est pas tant la religion des gens, mais la conformité de leur demande envers des règles qui s’appliquent à tous. Inutile de faire d’interminable débat sur la place des religions dans le domaine public pour régler ce type de problème si l’on s’en tient à une vision vraiment laïque des choses.

L’expérience le démontre. Plus on débat sur la place de la religion, plus la xénophobie augmente dans la population par angoisse identitaire. Et plus la majorité a peur, plus les minorités ont également peur. Ce qui dégrade la cohésion sociale et engendre une spirale de haine. Ce climat social fait certes l’affaire de certains politiciens et journaux bien connus, mais il détruit la base sociale de tout potentiel mouvement de masse. Mouvement de masse lui-même indispensable aux questions vraiment importantes comme la justice sociale, l’équilibre environnemental et l’indépendance politique. C’est pour cette raison qu’il faut maintenir le débat dans sa forme concrète, c’est-à-dire une question d’uniforme et de devoir civique. La paix sociale doit impérativement passer par là !

Benedikt Arden (avril 2019)

»» https://www.lequebecois.org/sortir-la-religion-du-debat-sur-la-laicite/
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