RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Un islam des médias

Depuis le 11 septembre 2001, la religion musulmane porte une tout autre casquette. Son image fait peur et fait vendre. Associé à l’insécurité et à l’immigration, l’islam est aujourd’hui omniprésent dans les médias. Et qu’en est-il de l’image du monde arabo-musulman après les attentats ? Islamophobie ambiante sur les écrans ? Alohanews donne son avis.

11 septembre 2001, un séisme planétaire. Un jour qui se vit de pleurs et de cendres. C’est l’incompréhension. Quelque temps plus tard, l’incompréhension laisse place à la campagne de Bush en Afghanistan ainsi qu’en Irak au nom de la démocratie. Depuis la tragédie des Twins Towers qui secoua le monde entier, la communauté musulmane connait une tout autre visibilité médiatique. Les somptueux palais et les terres regorgeants d’oasis et des richesses culturelles qui, autrefois, représentaient le monde arabo-musulman laissent place à une collectivité de barbus assoiffés de vengeance envers l’Occident. L’islam devient rentable, l’information liée à la religion musulmane s’érige en marchandise des médias et de la sphère politique. Oui l’islam le devient, car il rapporte, suscite l’intérêt d’une Europe laïque et intrigue. Ce culte prend de plus en plus de place dans l’agenda médiatique, d’une part, parce que les années 70 symbolisaient une vague d’immigration maghrébine et d’Afrique de l’Ouest (la majorité étant de confession musulmane) qui versait vers un multiculturalisme méconnu auparavant et, d’autre part, les évènements tragiques survenus en Occident au nom de l’islam. De ce fait, les médias en parlent, en rajoutent, analysent.

Il n’est pas pour autant vrai que les médias participent à une conspiration acharnée contre la menace islamiste... ou même islamique tout court. Disons que le système médiatique lié au rendement économique force le journaliste à produire une information « fast-food ». De ce fait, l’analyse pertinente se fait envoyer valser par les rédactions. Le journaliste devient un acteur du tout et tout de suite.

Avec la révolution des outils technologiques, le partisan du média a accès à l’information dans un temps de plus en plus réduit. Le public peut suivre les nouvelles du monde quasi instantanément et de ce fait, est inondé par les informations. Ignacio Ramonet, ancien directeur du Monde Diplomatique quantifie ce flux informationnel : le monde a produit en trente ans plus d’informations qu’au cours des 5000 précédentes années. Du coup, le risque de dérapages augmente aussi forcément. En analysant la mise en scène médiatique des tueries de Toulouse, Jacques Le Bohec, professeur en sciences de l’information, déclarait : « On sait ce que cela veut dire depuis la couverture de la guerre d’Irak en 1991 : instantanéité et suspension de tout tri, succession de directs empêchant tout recul sur ce qui se passe, diffusion de fausses nouvelles, dépendance vis-à-vis des sources officielles. »

Le scoop ou la course contre la montre

Travailler dans l’instantanéité, la concurrence l’oblige. Ce n’est jamais sans risques puisque l’immédiat est synonyme de confrontation et de manque de vérification de sources. C’est d’une façon rapide et directe, par exemple, que BFM, en 2012, la chaîne d’information en continu annonçait l’arrestation du Mohamed Merah... et démentait aussitôt celle-ci. À croire que le direct accorderait un droit d’erreur. Le jeudi 21 mars 2012, à 14 h 17 précise, la chaîne annonçait, bien en évidence à l’écran, que le tueur présumé « a été arrêté par le RAID ». Quelques minutes plus tard, BFM faisait marche arrière et employait le conditionnel. Mohamed Merah « aurait été arrêté ». À 14 h 28, le logo « suspect arrêté » disparaît pour laisser place à « opération en cours ». Ni vu, ni connu. Cette erreur journalistique est signée Rachid M’barki qui, par ailleurs, déclarait : « Une seule source donne l’information et la confirme ». Ce qui signifie, en d’autres termes, qu’une seule personne a révélé cette information et l’a confirmé lui même...et le journaliste de BFM a crié au scoop.

Plus grave encore est l’hebdomadaire Le Point dont la publication a suscité une vague d’interrogations sur la méthode de travail des journalistes. En 2010, Le journal annonçait en gros titres sur la première page, « Ce qu’on n’ose pas dire ». Trois journalistes ont enquêté sur le phénomène de la polygamie dans les milieux populaires français. Dans cet article, ils parlent de la rencontre avec Bintu, troisième femme d’un « Malien d’une soixantaine d’années ». De ce rédactionnel découlent de nombreux clichés : maltraitance de la femme, intégration douteuse, mauvaise éducation due à l’absence d’un père ainsi que l’intégrisme religieux. Seulement voilà, ces journalistes n’ont jamais rencontré cette dame. Le fait est qu’ils ont récolté cette information à distance. Pas de rencontre donc, mais un entretien téléphonique. Il s’est avéré que la personne ayant témoigné n’était pas la victime de polygamie...mais un jeune homme qui s’est fait passer pour celle-ci afin de « tester la fiabilité de ce média et les méthodes de travail de ses journalistes ». Le bonhomme en question s’appelle Abdel, 23 ans, et n’est autre que le fixeur du journal depuis les émeutes de 2005. Pour leur numéro « spécial tabous », Jean-Michel Décugis, Christophe Labbé et Olivia Recasens, ont demandé au jeune de trouver un cas de polygamie en banlieue. Celui-ci, effaré par les clichés de ces journalistes, a mis leurs compétences à l’épreuve. Abdel, l’auteur du coup monté, s’est filmé pendant l’entretien pour avoir les preuves de ce qu’il avançait. Depuis, Le Point enchaîne les excuses douteuses.

La concurrence exige donc une vitesse d’exécution qui ne peut être atteinte qu’au détriment d’une information recoupée. Par conséquent, les journalistes deviennent des « gens qui doivent travailler le plus vite possible pour transformer la matière première de l’information en un produit journalistique fini ». Cette aptitude ne dépend pas directement du journaliste puisque lui-même subit des pressions de la part des chefs d’édition qui veulent l’information le plus rapidement possible. Le système se calque sur une logique de marché. Cette logique pèse sur les journalistes et, finalement, se déverse sur les lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs. Il est néanmoins important de souligner que la rivalité entre les groupes de presse engendre et multiplie ce genre de dérapages.

Alors, les médias sont-ils islamophobes ? Les médias ont un impact sur l’opinion publique. C’est certain. Par contre, conclure que l’appareil médiatique est un acteur d’une conspiration « anti-islam » serait une erreur éthique et d’honnêteté intellectuelle. Ce serait raccourcir une analyse complexe à une affirmation douteuse qui plus est, serait une accusation manquant de nuances.

Ce qui est à pointer du doigt serait le système médiatique. Course effrénée au scoop pour gagner le défi de la concurrence entre médias, l’instantanéité de l’information et la désinformation fallacieuse sont des défaillances qui troublent la vision de l’opinion publique. Les citoyens sont, en tout cas, parfois privés d’une information pertinente à cause de la logique du marché économique. Le rôle premier des médias, le contre-pouvoir, est aujourd’hui remis en cause.

Nikita IMAMBAJEV

Sources :

- HANNE (Isabelle), Polygamie : quand Le Point se fait pièger, Libération, 01/10/2010

- Arrêt sur images, Plantage : BFM annonce par erreur l’arrestation de Mohamed Merah, 22/03/2012

- LE BOHEC (Jacques), Affaire Merah : les journalistes ont-ils cédé à “une théâtralisation morbide ? “, Le Monde, 25/03/2012

»» http://alohanews.be/societe/un-islam-des-medias
URL de cet article 25958
  

La Colombie [sans Ingrid ni Pablo] – Un récit de voyage
Cédric Rutter
On ne peut pas évoquer la Colombie sans penser à Ingrid Betancourt ou à Pablo Escobar. Pourtant, les interlocuteurs rencontrés par Cédric Rutter au cours de son voyage n’ont jamais parlé d’eux. Ce pays ne se limite pas au trafic de drogue et à la guérilla des Farc. Cette zone stratégique et magnifique, porte de l’Amérique du sud entre deux océans, abrite des communautés et des individus en demande de paix dans une démocratie fragile. Ils ont tant à enseigner et à dire. L’auteur les a écoutés et nous (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"A quoi bon avoir des droits si on nous les retire au moment où on en a le plus besoin ?"

Kyle Kulinski

Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.