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La fiancée du « pirate » s’appelle peut-être « liberté »

Varoufakis voulait contourner son administration. Chavez l’avait fait.

La presse titre sur le projet secret (« un scénario digne d’un polar ») de Yanis Varoufakis de pirater son propre ministère, plus précisément la plate-forme de l’administration fiscale grecque, afin de créer un système bancaire parallèle.
Ce fut plus qu’un projet.

Une équipe de haut niveau avait été formée, le célèbre économiste américain James K. Galbraith y travaillait (bénévolement). Ce fut une amorce de « Plan B » pour le cas où le pays se retrouverait en manque de liquidités de par la volonté de ses prédateurs européens.

Scandaleux ?

Varoufakis : « La direction générale des finances publiques, au sein de mon ministère, était contrôlée entièrement et directement par la troïka (BCE, Commission européenne et FMI). Elle n’était pas contrôlée par mon ministère, par moi, ministre, elle était contrôlée par Bruxelles. Le directeur général est désigné via une procédure sous le contrôle de la troïka. Imaginez, c’est comme si les finances étaient contrôlées par Bruxelles au Royaume-Uni. »

Afin de reprendre la main sur le système, le ministre avait nommé directeur général des systèmes d’information un ami d’enfance, professeur en technologie de l’information à l’Université Columbia.

Yanis Varoufakis : «  Nous avons décidé de pirater le logiciel de notre propre ministère pour copier les numéros fiscaux enregistrés sur la plateforme et pouvoir ensuite travailler à la mise en place de ce système parallèle. […] Au bout d’une semaine, il [son ami, le directeur général des systèmes d’information] m’appelle et me dit : « Tu sais quoi ? Je contrôle les machines, le matériel, mais je ne contrôle pas les logiciels. Ils appartiennent à la Troïka. Qu’est-ce que je fais ? »

Dans ce moment où la Grèce était financièrement étranglée, politiquement isolée et techniquement ficelée, il a manqué du temps, des moyens (peut-être de l’audace, mais c’est facile à dire).

On connaît le dénouement : la signature par Alexis Tsipras d’un accord auquel il a dit ne pas croire.

Par extraordinaire, cette affaire éclate au moment où je relis les épreuves de mon prochain roman, un polar (1) qui paraîtra à la rentrée et qui se passe au Venezuela où je m’étais rendu pour me documenter. Au passage j’y raconte comment Hugo Chavez s’est heurté à un problème assez ressemblant à celui que rencontre Alexis Tsipras. Certes, le contexte était différent : Hugo Chavez bénéficiait d’une majorité absolue dans les urnes, du soutien et des conseils fraternels des pays environnants et le Venezuela, producteur de pétrole, n’était pas ruiné.

Mais, comme a essayé de le faire le gouvernement grec, il a dû arracher à l’adversaire des commandes de l’Etat, commandes qui lui avaient été confiées (comme en Grèce) par le peuple.

Je sais le danger des comparaisons et j’en vois les limites.

Pourtant…

Les « regulares »

Chavez ne contrôlait pas l’appareil d’Etat : il se heurtait, à une « troïka » interne ayant pour nom les « regulares ». On appelle ainsi les fonctionnaires. La majorité des employés de l’Etat était en poste depuis l’époque antérieure. Les « regulares » ne voulaient pas travailler pour le gouvernement élu. Beaucoup de cadres et directeurs au plus haut niveau étaient membres des partis d’opposition. Ils occupaient des rouages clés du pouvoir exécutif. Ils étaient hostiles aux programmes sociaux de santé, d’éducation, d’emploi, de redistributions des terres… Le gouvernement décidait une chose, ils n’obéissaient pas, ils en faisaient une autre. La solution était un licenciement gigantesque et risqué, ou bien leur contournement.

Les missions

Hugo Chavez va alors créer des branches parallèles de l’Etat qui prendront le nom de « missions ». Ce sont des programmes sociaux pour soigner, instruire, loger et nourrir les plus pauvres. Les plus connues sont la « Mission Robinson » (un plan d’alphabétisation), « Mission Milagro » (Mission Miracle, opération des yeux) et « Barrio Adentro » (Dans les barrios, installation de médecins dans les bidonvilles). Avant leur arrivée, les gens des ranchos, c’est-à-dire les « negritos » ou les « macacos » (macaques) comme on les appelait avec mépris, ne voyaient jamais un médecin. Ces derniers n’ouvraient pas leurs cabinets dans les ranchos et ils ne s’y déplaçaient guère. En ville, la consultation coûtait 18 dollars. Une fortune !

Alors, le projet du « pirate » Varoufakis ?

A cette heure, nous manquons d’éléments pour en parler en détail. Mais il n’est pas trop tôt pour dire que ce projet était légitime et qu’il n’est pas caduc, n’en déplaise à Wolfgang Schäuble.
Rappelons-nous ce mot d’une dirigeante de Syriza : « Dans le passé, l’Allemagne a gagné beaucoup de batailles, mais elle n’a gagné aucune guerre. »

Il est écrit dans le ciel d’Athènes que la Grèce viendra à bout de la troïka.

Maxime VIVAS
(1 « Rouges, les collines de Caracas », polar historique, éditions Arcane 17. Octobre 2015. En avant-première à la fête de l’Humanité en septembre.

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Depuis 1974 en France, à l’époque du serpent monétaire européen, l’État - et c’est pareil dans les autres pays européens - s’est interdit à lui-même d’emprunter auprès de sa banque centrale et il s’est donc lui-même privé de la création monétaire. Donc, l’État (c’est-à -dire nous tous !) s’oblige à emprunter auprès d’acteurs privés, à qui il doit donc payer des intérêts, et cela rend évidemment tout beaucoup plus cher.

On ne l’a dit pas clairement : on a dit qu’il y avait désormais interdiction d’emprunter à la Banque centrale, ce qui n’est pas honnête, pas clair, et ne permet pas aux gens de comprendre. Si l’article 104, disait « Les États ne peuvent plus créer la monnaie, maintenant ils doivent l’emprunter auprès des acteurs privés en leur payant un intérêt ruineux qui rend tous les investissements publics hors de prix mais qui fait aussi le grand bonheur des riches rentiers », il y aurait eu une révolution.

Ce hold-up scandaleux coûte à la France environ 80 milliards par an et nous ruine année après année. Ce sujet devrait être au coeur de tout. Au lieu de cela, personne n’en parle.

Etienne Chouard

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