RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Affaire Renée Lafont : où en est-on ? Lettre ouverte à MM. Macron et Philippe

L’initiative citoyenne (exhumons les restes de René Lafont et rapatrions-les en France avec l’hommage que la journaliste mérite ») a eu un écho politique important en France (La Dépêche du Midi, L’Humanité, La République des Pyrénées, Sud-Ouest, France Inter...), et en Espagne, où de nombreux médias ont repris la dépêche de l’agence nationale de presse EFE, relayant l’initiative française et son bien-fondé. Nous avions envoyé à l’Elysée, par message électronique, le 11 février dernier (avec accusé de réception de l’outil « écrire au président » ce même jour), une première requête ainsi que l’appel citoyen (voir lien pétition sur « mesopinions.com »).

Nous n’avons à ce jour reçu aucune réponse, ce qui nous amène à réitérer notre démarche, avec plus d’insistance, auprès d’un président de la République et d’un premier ministre qui ne sauraient éluder leurs responsabilités en la matière, conformément à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, Art-9, C, notamment (texte ratifié par la France en septembre 2008, et entré en vigueur en décembre 2010). La disparition forcée, l’absence de jugement adéquat sont par ailleurs des crimes contre l’humanité (art 7, Statut de Rome de la CPI), et par là même imprescriptibles.

Monsieur le président de la République, E. MACRON

Monsieur le premier ministre, E. PHILIPPE

Depuis 82 ans, une journaliste et romancière française, Renée Lafont, née à Amiens en 1877, gît dans une fosse commune, à Cordoue (Espagne), aux côtés de 2 000 autres suppliciés du franquisme.

Elle couvrait les combats de Cordoue (été 1936) pour le compte du « Populaire », journal de Léon Blum, artisan d’une « non-intervention » aux allures de « farce tragique ».

Sur le front, elle est blessée par des tirs de phalangistes, capturée ; et la version un temps officielle fait état de mort par « anémie et hémorragie ». Depuis, les témoignages et les archives ont pourtant confirmé qu’elle fut bel et bien fusillée le 1er septembre 1936 par les franquistes, accusée intentionnellement d’espionnage au profit du gouvernement de Madrid. Courageuse, sur le chemin de la mort, elle saute du camion et tente de s’évader. Renée Lafont est une femme en avance sur son temps, libre, engagée, très cultivée, polyglotte, traductrice de grands auteurs espagnols, et romancière de renom.

Depuis 1936 et 1937 (citée furtivement au Congrès de la SFIO), elle a été victime d’un pesant oubli, d’une amnésie imposée, et ni son engagement ni sa mémoire n’ont reçu quelque écho, quelque hommage que ce soit. Qui dérange-t-elle ? Qui n’a pas intérêt à ce que s’ouvrent, conformément aux juridictions internationales, les fosses communes du franquisme ? L’Espagne est, à n’en pas douter, le second génocide, après Pol Pot : entre 115 000 et 150 000 corps restent sans sépulture digne de ce nom. Si le gouvernement espagnol du Parti populaire s’en contrefiche royalement, (il a même supprimé toute subvention aux associations mémorielles), le Conseil municipal et la Mairie de Cordoue ont majoritairement voté pour la constitution d’équipes pluridisciplinaires afin de réaliser un premier état des lieux des deux grandes fosses des cimetières cordouans, et pouvoir, selon les autorités municipales, commencer les travaux d’ouverture et d’exhumation en avril prochain. Le Conseil municipal de Cordoue est en outre engagé dans une politique de justice transitionnelle, basée sur les notions essentielles de « vérité, justice et réparation ». Il met également en place une réelle politique de défranquisation. La France a donc des interlocuteurs motivés, et parfaitement légitimes.

Un appel citoyen a recueilli plus de 1 400 signatures afin de mettre un terme à cette insoutenable situation, à un tel déni de justice. De nombreuses associations, mouvements, se sont prononcés, et continuent de le faire, dans le même sens.

Vous vous devez, Monsieur le président, monsieur le premier ministre, de répondre au questionnement et à la requête de ces citoyens français attachés à la mémoire historique autant qu’à la défense des Droits de l’Homme, hier comme aujourd’hui.

Il serait temps que la France exige l’ouverture de la fosse cordouane de La Salud, et l’exhumation des corps, afin d’en identifier toutes les victimes et plus particulièrement celui d’une citoyenne française. Lorsqu’il y a crime contre l’humanité, vous le savez, la législation internationale demande aux Etats d’assumer leurs responsabilités, conformément aux différents accords et textes de droits internationaux et de droits universels Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, Haut Commissariat des Droits de l’Homme, 2006 ; Conventions de Genève, ONU, Bruxelles...)

Dans l’attente d’une réponse, qui pourrait difficilement être négative, nous vous prions, Messieurs, d’agréer, l’expression de notre haute considération et de nos sentiments républicains.

Jean ORTIZ, Maître de Conférences honoraire, Université de Pau, fils de combattant républicain de la Guerre d’Espagne (Albacete), et maquisard (« guerrillero ») en France (Aveyron, Bassin de Decazeville)

URL de cet article 33008
  

Même Auteur
Vive le Che !
Jean ORTIZ
Comment expliquer en 2017 le prestige têtu de Che Guevarra, la fascination qu’il exerce encore et toujours ? Le nouvel ouvrage de Jean Ortiz propose une analyse et un point de vue fournis et argumentés, à contre-courant des poncifs et des contre-vérités qui ne manqueront pas de ressurgir en ce cinquantième anniversaire de son assassinat. Il est évident que se joue sur cette figure du combat anticapitaliste comme dans son legs au mouvement pour l’émancipation humaine, une bataille toujours aussi (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Les bombes nucléaires pourront tuer ceux qui ont faim, les malades, les ignorants. Mais elles ne pourront pas tuer la faim, les maladies et l’ignorance. Elle ne pourront pas non plus tuer la juste rebellion des peuples".

Fidel CASTRO

L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.