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France 2, Macron, Delanoë

J’ai regardé le Journal télévisé de France 2 le 28 avril 2017 à 13 h. Le premier sujet était présenté ainsi par Marie-Sophie Lacarrau : "Jean-Luc Mélenchon pressé de toutes parts. Que fera le candidat de la France insoumise le 7 mai prochain ? Il doit sortir de son silence aujourd’hui. De plus en plus de voix s’élèvent pour qu’il donne une consigne de vote claire et précise".

Après un bref sujet sur le manque de présidents et d’assesseurs pour le deuxième tour, compte tenu de l’élimination, au premier tour, des candidats L.R. et P.S., qui avaient fourni d’importants contingents pour tenir les bureaux de vote, on repasse à Jean-Luc Mélenchon.

Marie-Sophie Lacarrau : "Et ce vendredi, on attend surtout la déclaration de Jean-Luc Mélenchon, qui doit s’exprimer sur les réseaux sociaux. Que fera-t-il pour le second tour ? Donnera-t-il une consigne aux 7 millions d’électeurs qui ont voté pour lui dimanche dimanche dernier ? Le candidat de la France Insoumise est sous pression. Margot Manière".

Margot Manière : "Depuis dimanche pas un mot et pas de consigne de vote. Jean-Luc Mélenchon refuse de dire ce qu’il fera le 7 mai. Sous le feu des critiques, il doit sortir de son silence aujourd’hui sur sa chaîne YouTube. La pression monte, Bertrand Delanoë n’hésite pas, ce matin, à comparer le FN aux nazis.

Bertrand Delanoë : "Dans les années 30 en Allemagne, l’extrême-gauche n’a pas voulu choisir entre les sociaux-démocrates et les nazis. Hitler a été élu par le suffrage universel. Alors, je ne culpabilise personne, j’appelle à la responsabilité, à la conscience et aussi à la générosité. A un moment donné, il faut être pour la France avant d’être pour ses vieilles rancœurs."

Margot Manière : "Bertrand Delanoë l’appelle à voter Emmanuel Macron et l’intéressé tente de culpabiliser les électeurs de Jean-Luc Mélenchon tentés par l’abstention et le vote blanc".

Emmanuel Macron : "Ne pas se positionner, c’est décider d’aider madame Le Pen. C’est décider de renforcer un projet qui est un projet de sortie de l’Europe, de l’euro, et de la République et de ses valeurs. Soyons tous face à nos responsabilités. C’est trop facile d’avoir fait des leçons de morale pendant longtemps et vouloir s’en affranchir".

Margot Manière : "La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon semble aujourd’hui divisée. Certains de ses proches ont annoncé qu’ils voteraient Emmanuel Macron".

Remarque 1. Le reportage de France 2 est faux jeton en ce qu’il présente la pression sur Jean-Luc Mélenchon comme étant celle des partis politiques alors que cette pression est aussi celle des médias... parmi lesquels France 2 ! Ce sujet, en effet, n’est pas le premier : depuis dimanche soir, sur France Inter, sur France Info, ou sur les chaînes télévisées du service public (sans préjudice des autres), c’est la même antienne qui revient. Le fait de rapporter un propos est une manière détournée, hypocrite, de reprendre le propos à son compte sans l’assumer ouvertement. Comme quelqu’un qui dit à un tiers : "J’ai rencontré ton collègue hier soir, il m’a dit que tu étais un foutu imbécile !" Que doit penser du locuteur qui rapporte ces propos l’auditeur à qui elles sont destinées ? L’impatience, l’agacement à l’égard de Jean-Luc Mélenchon ne sont pas le fait des seuls politiques, ils le sont aussi (peut-être même surtout) des médias.

Remarque 2. Le reportage est aussi faux jeton en ce que ce n’est pas une consigne de vote claire et précise qu’il attend ! Car dire aux électeurs : "Allez à la pêche le 7 mai", c’est clair et précis. Leur dire "Votez blanc", c’est tout aussi clair et précis. Or, comme on peut raisonnablement exclure que Jean-Luc Mélenchon appelle à voter Marine Le Pen, la seule consigne de vote "claire et précise" qu’attendent en réalité les médias, c’est que Jean-Luc Mélenchon dise : "Votez Macron" ! Mais alors, pourquoi ne pas l’avoir annoncé d’entrée de jeu ?

Remarque 3. La comparaison de Bertrand Delanoë entre le Parti nazi et le Front National est excessive et maladroite. Elle est excessive car même si le Front National est ce qu’il est, la France n’est pas dans la situation de l’Allemagne de 1933. Le Front National en est actuellement à deux députés et deux apparentés. En un mois, pour gouverner, il doit passer de 4 députés à au moins 289 députés. Est-ce vraisemblable ? De plus, il ne disposera ni du Sénat, ni du Conseil constitutionnel, ni des juges et on peut imaginer que toutes ses dispositions se heurteront à une guérilla juridique acharnée comme celle qu’a dû affronter Donald Trump depuis son entrée en fonction aux États-Unis. Sans préjudice de toutes les autres formes d’opposition : manifestations, grèves, grèves du zèle, barrages, etc.

Remarque 4. On peut, certes, contester cette vision "optimiste" de l’efficacité de l’opposition à une présidence éventuelle de Marine Le Pen. L’essentiel, néanmoins, n’est pas là : l’essentiel est qu’en comparant les électeurs du Front National à ceux du Parti nazi, Bertrand Delanoë a mal visé. Au lieu de dissuader des électeurs potentiels du F.N., il risque de les avoir braqués, vexés, humiliés. D’être l’objet d’un rapprochement aussi infamant leur aura peut-être fait franchir le pas du vote. Ce qui est excessif, disait Talleyrand, est insignifiant.

Remarque 5. On notera aussi, au passage, l’usage amusant, par Bertrand Delanoë, de la figure de rhétorique appelée prétérition : comment dire quelque chose en prétendant ne pas le dire. Par exemple : "Si je n’avais pas le plus grand respect pour vous, monsieur le directeur, je vous dirais que vous êtes un corniaud". Ici, Delanoë prétend ne culpabiliser personne mais c’est pourtant, implicitement, ce qu’il fait. "Je ne culpabilise personne... mais [sous-entendu] si, dans deux ans, la France est couverte de camps de rétention, Mélenchon n’aura qu’à s’en prendre qu’à lui-même"...

Remarque 6. Sans le vouloir (inconsciemment ?) Bertrand Delanoë utilise par ailleurs le même type d’argument que le Front National, qui prétend se placer au-dessus des partis, dans le seul intérêt du pays ("Ni de gauche, ni de droite, Français !"), Bertrand Delanoë qui aurait pu dire : "A un moment donné, il faut être pour la démocratie, l’altruisme, l’ouverture, l’humanité, l’égalité, le progrès - toutes valeurs portées par la gauche - dit "il faut être pour la France"... comme si les électeurs du Front National n’en faisaient pas partie ! [Entendons-nous : je ne plaide pas pour les électeurs du Front National. Je dis simplement que cette formulation est maladroite à leur égard].

Remarque 7. De l’élection de 2002 à celle d’aujourd’hui, il y a une grosse différence : en 2002, la mobilisation avait fait suite à la sidération - et à la peur - qui avait suivi l’élimination de Lionel Jospin par Jean-Marie Le Pen. A l’époque, l’opinion (et votre serviteur en premier), avait réagi émotionnellement, bien que la perspective d’une victoire Le Pen n’ait été ni vraisemblable, ni envisageable ni même envisagée. A l’époque, il s’agissait de faire barrage à Le Pen, d’être contre Le Pen. Aujourd’hui, ce n’est plus la même chose : personne ne croit sérieusement à une victoire de Marine Le Pen, comme en témoignent la maigreur des manifestations étudiantes, l’absence de mot d’ordre de manifestation unitaire et la désunion des syndicats au 1er mai. Aujourd’hui, ce qui compte, c’est moins d’être contre Marine Le Pen que d’être pour Macron, de faire élire Macron, et, à cet égard, l’usage de slogans anti-Le Pen ne saurait tromper. Ces slogans sont, en creux, des slogans pour Macron.

Remarque 8. Ce dont les journalistes (et les politiques) ne s’aperçoivent pas, c’est que la raison de la montée du Front National est précisément due à des gens comme Emmanuel Macron et consorts (Valls, El-Khomri), avec toutes les politiques de privatisation initiées par la droite, et les politiques de résignation et de capitulation (voire de collaboration active) poursuivies par le Parti socialiste (Mitterrand, Fabius, Beregovoy, Jospin, Hollande, Valls). Pour reprendre une expression de Dominique de Villepin à propos des djihadistes, vouloir combattre le Front National avec la politique d’Emmanuel Macron, c’est vouloir éteindre un incendie avec un lance-flammes...

Remarque 9. Dans l’histoire de la Cinquième République, Emmanuel Macron est le quatrième homme que la droite est allée chercher pour le propulser au sommet de l’État et qui n’est pas un élu, mais un haut fonctionnaire, un professeur ou un dirigeant du privé. Avec Georges Pompidou (Conseil d’Etat, Banque Rothschild), Édouard Balladur (Secrétaire général de l’Élysée, président de la société du Tunnel du Mont Blanc), Raymond Barre (professeur d’économie, vice-président de la Commission européenne), Emmanuel Macron (Banque Rothschild, secrétaire général de l’Élysée). Ce qui aggrave le cas d’Emmanuel Macron, c’est qu’il a été poussé par tout le monde (droite, "gauche", milieux d’affaires, médias). Cela donne une idée du respect du suffrage universel dans les hautes sphères de l’État...

PS :

1. C’est la troisième fois que, sous la Cinquième République, un deuxième tour des présidentielles voit la droite affronter la droite. Tout le monde pense, certes, à 2002 et au duel Chirac-Le Pen, mais peu pensent à l’élection de 1969, qui vit le duel Pompidou-Poher. Ce qui est d’ailleurs curieux, c’est qu’à l’époque le candidat communiste (Jacques Duclos) avait fait un score comparable à celui de Jean-Luc Mélenchon (21,2 %, contre 19,6 % pour Mélenchon) et que le candidat socialiste, Gaston Defferre, avait fait un score encore plus piteux (5 %) que celui de Benoît Hamon (6,36 %).

Toutes choses égales par ailleurs, on pourrait d’ailleurs, par principe, estimer que des électeurs de gauche n’ont pas à se commettre dans un scrutin où ils n’ont pas leur place et où ils ne recueillent rien en échange de leur vote de supplétifs : on l’a vu avec Chirac après 2002.

2. Il est immoral d’empêcher un parti (en l’occurrence le Front National) d’obtenir des mandats électifs (maire, député, sénateur, conseiller départemental ou régional, président de la République) en manigançant des alliances de circonstance qui s’évaporent dès le lendemain du scrutin. C’est anormal, c’est artificiel et c’est une tricherie : si un parti recueille beaucoup de voix, il doit avoir beaucoup d’élus. Actuellement, le parti communiste, qui ne représente qu’une portion congrue du corps électoral, a encore des milliers d’élus. Le Front National, qui a eu jusqu’à 28 %, a que dalle comme élus (même si leur nombre a augmenté lors des derniers scrutins). On ne fait pas tomber la fièvre en en cassant le thermomètre : plus les gens auront le sentiment qu’on barre la route au Front National, plus ils voteront pour lui. Plus on bouche la cocote-minute, plus la pression monte...

3. Faut-il préciser qu’en écrivant cela je ne stigmatise en rien le Parti communiste et que je n’approuve en rien le Front National ? Je dis que s’il faut combattre ce dernier, il faut le faire très en amont, patiemment, durant des années, par des politiques effectivement de gauche et non le jour du scrutin : ce jour-là, il est trop tard !

Quand on est porté au pouvoir par des voix de gauche, on ne se couche pas devant le Medef, devant la Commission de Bruxelles, devant la BCE, devant l’OMC, devant l’OCDE et le FMI, on ne signe pas le TAFTA et le CETA, on ne dit pas qu’on n’y peut rien, on ne trahit pas les électeurs qui ont voté non à 55 % au TCE en 2005, en faisant voter oui aux parlementaires deux ans après...

Quand on dit, dans sa campagne électorale, que son ennemie c’est la finance et qu’on fait voter une loi El Khomri qui écrase les droits des salariés, on ne vient pas pleurnicher, après, que le Front National, par son score, ridiculise le candidat de son parti. Bossuet dit : "Dieu se rit de ceux qui maudissent les conséquences des causes qu’ils chérissent".

4. J’approuve la position de Jean-Luc Mélenchon de ne pas donner de consigne de vote : ceux qui vont à la soupe auprès de Macron sont assez nombreux pour lui assurer une élection de maréchal.

5. En votant Emmanuel Macron pour faire barrage à Marine Le Pen, on aura cinq ans de présidence Macron, c’est-à-dire cinq ans de dérégulation, cinq ans de privatisations, cinq ans de baisses des retraites, cinq ans de baisse des remboursements Sécu, de baisse d’allocations chômage, cinq ans de diminution du nombre de fonctionnaires, cinq ans de politique ultralibérale, et, en 2022, au lieu d’être à 21 %, Marine Le Pen sera à 30 %...

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