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Gaza, ou la vertu génocidaire du Système

C’est The Moon of Alabama (voir MoA, le 1er août 2014) qui a constaté, et l’apparition de l’article sur Times of Israel, et son retrait après considération que la logique développée avait ses inconvénients. « Quand le génocide est permis, tel était le titre de l’article (on aurait pu dire « Quand le génocide est recommandé »).

Pour information, il importe de savoir que le journal en ligne Times of Israel, activé en 2012, n’est pas une de ces obscures feuilles extrémistes, mais une initiative bien structurée et financée, qui se veut de bonne réputation dans le monde de la communication israélien, avec une forte participation du quasi-honorable Haaretz, pour offrir un site de grande diffusion sur la situation et le point de vue israéliens... Par conséquent, il est apparu à la réflexion que l’article faisait à la fois tache et glauque, et qu’il s’agissait de le faire promptement disparaître. MoA signale dans son texte qu’il a disparu du site Times of Israel (mais MoA avait “capturé” une image de la version initiale, qu’on peut voir affichée) mais qu’il restait sur le site 5 Towns Jewish Times, – et, entretemps, il a également disparu de ce dernier ... On fait le ménage.

MoA : « On pourrait penser que le sort cruel et douloureux qui a été réservé à son propre peuple dans le passé aurait favorisé une sorte d’empathie pour les autres peuples. Mais ce n’est pas du tout le cas. Certaines personnes tout du moins, semblent considérer les horreurs que leurs ancêtres ont été forcés d’endurer comme un modèle à appliquer dans leur propre comportement envers d’autres gens dans des circonstances similaires.

 »Le Times of Israel vient d’enlever un article (image du texte entier*, texte entier sur pastebin**) de son site mais on le trouve encore dans le journal 5 Towns Jewish Times et l’auteur le défend sur Twitter (copie du tweet***) : "5 cessez-le-feu tous violés par des missiles et des kidnappings. Il n’y a qu’un seul moyen de les neutraliser. Réveillez-vous !"

 »Quel autre moyen y a-t-il de traiter un ennemi de cette nature que de l’éliminer complètement ? [...] Si les leaders politiques et les experts militaires arrivent à la conclusion que le génocide est le seul moyen de maintenir le calme, est-il alors permis de commettre un génocide pour atteindre ce but légitime ?

 »Dans les années 1930/40, Reinhard Heidrich et quelques autres bouchers étaient d’accord avec l’auteur et ont répondu à cette question par l’affirmative. »

On tiendra cet article, la place où on l’a mis, la nécessité où l’on s’est trouvé de le retirer parce qu’il y a tout de même des lambeaux de réputation à défendre, – on tiendra tout cela comme des caractères symboliques de la situation d’Israël, et de la nième crise de Gaza qui doit lui être adjointe. Sur la “nième crise de Gaza” elle-même, il y a fort peu de nouveau à dire, sinon le constat de l’habituel carnage effectué avec une ferme intention de terrorisation de la population, – ou de génocide, comme l’autre suggère ? Les causes ponctuelles de l’attaque sont toujours les mêmes, qui constituent la réclamation d’Israël de vivre en paix et en sécurité, sans un bruit imprévu ou une contestation intempestive pour troubler ce calme. Israël vit dans une bulle, ou sous un “dôme de fer” si l’on veut, qui constitue un monde hors du monde du Moyen-Orient où ce pays se situe géographiquement, et aucune intrusion du second monde dans le premier ne peut être toléré. Israël ne veut pas de “carnage” chez lui, et est prêt à opérer un carnage, un vrai de vrai, dans l’autre monde qu’il tient sous sa botte et sa domination mais hors de sa bulle, – et un simple regard à la comptabilité des “carnages” comparés montre bien entendu combien ces deux mondes diffèrent l’un de l’autre. Comme d’habitude, comme à chaque expédition, l’IDF (Israel Defense Force), ex-Tsahal, annonce que, cette fois, elle résoudra le problème, – d’où cette idée d’article, suggérant qu’on passe de la terrorisation à la liquidation (génocide), avec approbation officielle comme dans le meilleur des mondes.

Vaine, extrêmement vaine montée à l’extrême, qui suggérerait que la montée à l’extrême transforme la tactique en stratégie alors que cela aboutit à une tactique grimée en un monstrueux simulacre de stratégie (le génocide). Israël souffre plus que jamais de ce qu’un des anciens chefs du Shin Beth dénonçait (voir le 23 mars 2013) : « Dans leurs commentaires revient souvent ce trait que nous soulignons dans notre propre commentaire : la tactique, la tactique, jamais de stratégie... (Extraits d’un article du Monde du 28 février 2013 sur le sujet.) “Alors aux commandes, Yaakov Peri estime n’avoir reçu durant les six ans de son mandat aucune consigne des gouvernements successifs. Ou bien il a cette formule, dont les termes sont partagés par ses collègues : Israël remporte la plupart des batailles, sans gagner la guerre. ‘Nous ne savions pas dans quelle direction aller, résume Peri. C’était toujours de la tactique, jamais de vision stratégique.’ [...] [L]es interrogations de Yuval Diskin, à la tête du Shin Beth depuis 2005, [restent entières]. Ses prédécesseurs, interrogés dans The Gatekeepers, rappellent qu’ils ont demandé, dès les années 1990, à être soumis à des régulations. Pour une raison, cernée par M. Ayalon : ‘La plupart des batailles que nous remportons ne mènent nulle part, car nous perdons la guerre.’ »

... Ainsi de l’actuelle séquence, sanglante et grotesque, du carnage à Gaza, réalisée sous le regard assez neutre des bienpensants du bloc BAO. Elle est intervenue, à partir du kidnapping et de l’exécution de trois jeunes Israéliens, à un moment où Israël se heurtait de plus en plus à sa propre inconsistance face à la situation de l’ensemble de la région, comme pour fournir une échappatoire à l’impuissance de sa politique générale en se plongeant dans le trou noir du massacre périodique des banlieues palestiniennes de la bulle israélienne. (L’idée eut un certain crédit puisqu’il y eut pour aller jusqu’à dire que les Israéliens eux-mêmes avaient favorisé ces trois exécutions pour déclencher le processus de l’attaque contre Gaza, d’autres que l’ISIS s’en était chargée pour détourner l’attention de ses propres exploits en déclenchant une nouvelle crise de Gaza.) Avant que n’éclate la crise de Gaza, on se rappellera quelle était la situation stratégique israélienne ; on en aura une illustration dans une citation de DEBKAFiles, qui ne fut jamais aussi critique, – peut-être involontairement, dans le ton, mais c’est là que parle le vrai, – des dirigeants politiques et militaires israéliens. On sent que le ton est de cette sorte : “Tout ça pour ça, tant d’efforts pour cette catastrophe ?”, – par exemple dans le texte du 28 juin 2014, qui annonçait des rassemblements de chars saoudiens et jordaniens aux frontières respectives avec l’Irak, des drones étasuniens dans le ciel de Bagdad, etc., sous le titre : “Le Moyen-Orient brûle...” (« Le Moyen Orient brûle : drones armés étasuniens sur Bagdad, déploiement de tanks saoudiens et jordaniens »)...

« Les forces armées israélienne et trois services secrets, le Shin Bet, le Mossad et AMAN, pansent, en fait, les blessures portées à leur prestige par l’échec de l’énorme chasse intensive de deux semaines pour retrouver les trois adolescents enlevés le 10 juin. Ils se demandent s’il était vraiment sage de mobiliser toutes la force de dissuasion des Forces de Défense Israéliennes contre les kidnappeurs depuis identifiés comme deux ou trois membres du Hamas qui, en dépit des moyens infiniment supérieurs d’Israël, ont réussi à disparaître de la surface de la terre avec leurs captifs.

 »L’émotion et non la réflexion semble rétrospectivement avoir dicté l’attitude israélienne dans cet épisode. Le premier ministre Benyamin Netanyahou a été aveuglé par son obsession de régler ses comptes avec le Hamas, et avec le président de l’Autorité Palestinienne pour avoir négocié avec le groupe radical – malgré le peu d’influence de cet accord sur les principaux évènements régionaux.

 »Trois mois après qu’un rapport des Renseignements israéliens ait estimé que la probabilité d’une guerre conventionnelle était quasiment nulle, les cohortes d’Al Qaeda ont envahi des pans entiers d’Irak, et elles frappent à la porte de la Jordanie et de l’Arabie Saoudite. L’Iran, le Hezbollah – et maintenant ISIS – doivent se demander ce qui arrive Israël. Les djihadistes d’Abu Bakr Al-Baghdadi se battent sous le drapeau de l’Etat Islamique d’Irak et du Levant. Pour eux le Levant, ce n’est pas juste la Syrie, le Liban et la Jordanie, c’est aussi la “Palestine” c’est à dire. Israël. »

Moon of Alabama se réfère aux nazis (Heydrich) pour qualifier cet article réclamant pour Gaza le génocide comme une procédure acceptable. Nous ne suivons pas cette analogie, parce que l’analogie nazie devient finalement une méthode efficace pour renvoyer une question posée à un temps dépassé, et ainsi en noyer la signification ou la supposer résolue à part quelques hurluberlus. Nous voyons plutôt dans cet article pris comme symbole d’une tendance de la pensée israélienne l’influence par perversion de l’américanisme et du Système, qui transforment les pulsions référencées et confortables parce que dépassées des années 1935-1945 en un monstrueux avatar de notre présente situation, où dominent les très actuelles pulsions autodestructrices de la surpuissance, lorsque cette dynamique, découragée par les grands axes extérieurs de déstabilisation qu’elle finit par ne plus pouvoir contrôler, en arrive à s’exercer sur ses propres problèmes internes en les aggravant jusqu’à l’autodestruction, dans une orgie de surpuissance. La tactique maximaliste grimée en monstrueuse stratégie ainsi exposée, c’est, plutôt que la liquidation à-la-nazie, la promesse des “lendemains qui chantent” dans le silence de fosses communes du Système, selon la formule déjà expérimentée au Vietnam de la “destruction du village pour sauver le village”, ou encore selon la formule dialectique d’un général américaniste parlant à un collègue européen dans les année 1990 « Nous ne résolvons pas les problèmes, nous les écrasons ». Le Système dans l’état où il se trouve avec son appendice américanisme, c’est du nazisme fardé par l’ivresse nihiliste de la postmodernité, ou bien du BHL plein aux amphétamines.

... Quant à la “politique” israélienne, révélée autant par son impuissance du mois de juin que par son expédition à Gaza qui a comme effet d’habiller cette impuissance du fardeau du liquidateur postmoderne, elle ne fait que mettre en évidence combien la crise du Moyen-Orient perd en importance stratégique par rapport au centre bouillonnant qu’est devenue la crise ukrainienne. Israël est en train de devenir une chose du passé et l’immaturité décisive qu’elle déploie se lit dans son incapacité à résoudre les problèmes de la légitimité de sa propre existence : en massacrant les civils de Gaza, Israël ne cesse d’affaiblir cette légitimité et se détruit lui-même.

Philippe Grasset

Notes :

* http://www.moonofalabama.org/images4/Genocide2.jpg

** http://pastebin.com/F71kw7Ee ou https://archive.today/RPf3M

*** http://www.moonofalabama.org/images4/Genocidetwitter.jpg

Traduction des parties en Anglais : Dominique Muselet

»» http://www.dedefensa.org/article-gaza_ou_la_vertu_g_nocidaire_du_syst_...
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