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Ici, il sera question de nazis, de résistants, de résistants juifs ou communistes (ou les deux à la fois), de trotskistes, de Marcel Dassault, de Marcel Paul, de Franz Olivier Gisbert, de Franck Ribéry, de la nationalisation d’EDF et même de François Hollande

Le mensonge du roman pour dire vrai.

J’ai rendu compte ici du livre de Roger Martin, « Les Ombres du souvenir », roman, septembre 2010, édition Le Cherche Midi, 362 pages, 18 euros
Je disais que « Roger Martin mêle le vrai et le faux, imagine un peu, et rapporte des événements qui se sont vraiment produits, introduit dans son récit des personnages qu’on a dû voir quelque part.
C’est le mentir-vrai dont parlait Aragon, c’est ce que Zola appelait "la hautaine leçon du réel". On achète un polar, on nous parle du monde réel, un polar pourtant, mais connecté à la réalité contemporaine, politique, sociale, culturelle où l’auteur trouve des choses à redire.
Pas prudent, ça, coco. N’aiment pas trop, à TF1.
Il le sait, il le sait, Roger Martin, écrivain debout ».

Le livre de Franck Ribéry offert par votre beauf.

Pas étonnant donc, si les médias, capables de promouvoir jusqu’à la nausée des livres (sic) signés par des célébrités du spectacle, du sport, de la télé, de la politique ou par des malfrats, la plupart du temps écrits par des « nègres », sont discrets sur l’admirable talent de Roger Martin.

Pour le connaître et avoir souvent dédicacé mes livres dans des salons, non loin de lui, je peux témoigner de la fidélité de son lectorat. C’est un signe. C’est plus crédible qu’un cri d’enthousiasme de Franz Olivier Gisbert se pâmant urbi et orbi sur le « monument littéraire » pondu par un de ses confrères, confrère journaliste dans un des journaux où il sévit (ou a

sévi) : le Point, le Nouvel Observateur, le Figaro Magazine, ou à la télé où il est (ou a été) chez lui : France 5, Paris première, France 2, France 3. Ou sur France Culture. Bon, je dis F.O.G., mais c’est un exemple pris au hasard. Elles sont nombreuses, les pieuvres de cet acabit, capables de convaincre votre beau-frère de vous offrir un livre signé Franck Ribéry. Un livre (re-sic) de Ribéry, on le lit puisque c’est un cadeau, mais on n’achète pas le tome 2. Même si on est footeux. Même si on est con (ou alors, plus que la moyenne).

Il y avait aussi le colonel Manhès, Jorge Semprun, David Rousset, Stéphane Hessel...

Bon, revenons à Roger Martin. Et lisons d’abord le quatrième de couverture de son dernier roman : « Dernier convoi pour Buchenwald » (Le Cherche Midi),428 pages, 19 euros).

« Avril 1944. Un convoi de déportés quitte la gare de Compiègne. Excepté les Allemands et l’État français, personne à bord ne connaît sa destination. Personne... sauf Robert Danglars. Instituteur, pacifiste convaincu puis militant trotskiste, il a participé en Bretagne aux actions de propagande en direction des soldats allemands.

Octobre 1943. Brest. À la suite d’une trahison, son réseau est démantelé, son responsable abattu, Danglars et ses camarades sont jetés en prison.

Mars 1944, prison de Rennes. Le directeur et un inconnu lui proposent un marché : demain, les Alliés débarqueront et la France sera libérée. Pour tomber aux mains des communistes ? Contre la liberté de sa mère et de sa soeur, arrêtées pour l’avoir hébergé, réclamées par les autorités allemandes, et sa propre vie, il devra liquider un dirigeant communiste déporté...

Buchenwald, qui « accueillit » Marcel Paul, le colonel Manhès, Marcel Dassault, Jorge Semprun, David Rousset, Stéphane Hessel, tient une place singulière dans l’histoire des camps de concentration. Notre héros malgré lui devra naviguer au coeur d’une véritable ville où la vie n’a aucun prix. Combativité et trahison, lâcheté et courage, sur fond de tensions entre nationalités, triangles rouges et triangles verts, résistants de tous bords et gaullo-communistes, ce récit bat en brèche nombre d’images forgées à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Un roman haletant au coeur de l’Histoire.

Roger Martin a publié une trentaine d’ouvrages, enquêtes, documents, romans noirs et BD, dont, au cherche midi, Jusqu’à ce que mort s’ensuive (prix Sang d’encre du meilleur roman noir 2008 à Vienne, prix Thierry Jonquet 2010 et prix des Ancres noires du Havre 2011) ».

Terreur, torture et pâte de coings

L’éditeur ne précise pas que Roger Martin, qui a choisi pour héros un trotskiste, est un communiste, militant est candidat aux élections. Il y a quelques années, à Carpentras, il a créé avec des amis antifascistes une structure de lutte contre Le Pen.

Nous voici dans la Résistance, avec son cortège de bravoure, de terreur, de torture. Roger Martin n’en rajoute pas, trop classieux pour ferrer son lecteur par de l’émotionnel basé sur l’horreur. Son héros est torturé ? Mais ce qui nous est décrit, ce sont les petits moments de bonheur dans le désespoir : le colis contenant une barre de pâte de coings, qu’il va faire

durer, humer avec délice, cacher sous son matelas.

Puis vient la déportation : Buchenwald, les prisonniers de droit commun et les « politiques » qui mènent la lutte au cœur de l’enfer concentrationnaire, qui vont mettre en application leur idéal de fraternité, de justice, d’entraide.

L’époque est pourrie ; déjà le bobard sur Jean Moulin « agent soviétique » circule pour troubler les esprits. Tout récemment, Daniel Cordier, qui fut le secrétaire de Jean Moulin, s’insurgeait contre cette rumeur dont le pendant du même type, visant à troubler d’autres esprits était « Jean Moulin, agent des USA ». La CIA, quoi !

Que choisir de mieux qu’un trotskard pour tuer un stal ?

Robert Danglars le trotskiste sera envoyé à Buchenwald et, en échange de la libération d’êtres chers, devra accomplir une sale besogne : assassiner un « stalinien ». Cela devrait lui plaire, un stalinien de moins ! Et pas n’importe lequel : Marcel Paul.

C’est du roman ? Pas tout à fait : à Buchenwald, Marcel Paul fut l’objet de plusieurs tentatives de meurtres, ourdies par des déportés d’extrême-droite....

Pour mes jeunes lecteurs, je livre deux anecdotes sur ce communiste hors pair :

1- Dans le camp, il prit sous la protection de l’organisation communiste clandestine , un industriel juif dont la survie était utile à la France. Il s’appelait Marcel Dassault. De toute sa vie, Dassault n’a jamais oublié à qui il devait d’être revenu vivant de l’enfer. Il n’a jamais voulu occulter cette dette. Dommage que sa descendance croit qu’elle doit tout à elle-même.
2- Nommé ministre de la production industrielle à la Libération, Marcel Paul propose la nationalisation de l’énergie et organise la création d’EDF-GDF. Il est entouré de technocrates qui freinent des 4 fers. Il aura alors ce mot : « Je ne vous paie pas pour que vous m’indiquiez les articles du code m’interdisant de réformer, mais pour y trouver ceux qui vont me le permettre. »

Si vous croisez François Hollande, dites-lui de ma part…

Si vous croisez Hollande, merci de lui parler de ça. Autorisez-le à adapter ce mot. Par exemple : « Je ne vous paie pas pour que vous m’indiquiez les règlements européens m’interdisant de servir mon peuple, mais pour y trouver ceux qui vont me le permettre. »

Suis-je en pleine digression ? Sans doute, encore que la force d’un livre est dans la capacité de son auteur de vous parler de vous (comme le savait Victor Hugo : « Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi ! ») et d’aujourd’hui en évoquant le passé (« Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre. » (Karl Marx.).

Et puis, que dire de plus sans trop déflorer l’intrigue alors que j’écris ici pour que vous lisiez « Dernier convoi pour Buchenwald » de Roger Martin ?

Maxime Vivas

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« Le pire des analphabètes, c’est l’analphabète politique. Il n’écoute pas, ne parle pas, ne participe pas aux événements politiques. Il ne sait pas que le coût de la vie, le prix de haricots et du poisson, le prix de la farine, le loyer, le prix des souliers et des médicaments dépendent des décisions politiques. L’analphabète politique est si bête qu’il s’enorgueillit et gonfle la poitrine pour dire qu’il déteste la politique. Il ne sait pas, l’imbécile, que c’est son ignorance politique qui produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les bandits et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les pieds des entreprises nationales et multinationales. »

Bertolt Brecht, poète et dramaturge allemand (1898/1956)

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