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Les États-Unis et leur volonté futile d’une domination mondiale

Ceux d’entre vous qui aiment les récits de fictions ont dû être impressionnés s’il leur a été donné de voir « Zero Dark Thirty », un compte-rendu à la sauce hollywoodienne de la façon dont un commando américain a assassiné Oussama Ben Laden le 1er mai 2011.

Mais un rapport récemment divulgué montre que la « stupéfiante » narration par Hollywood de la « plus grande chasse à l’homme de tous les temps » n’était pas aussi glamour qu’il y paraîtrait. En fait, si n’avait prévalu « un état choquant de la situation » au Pakistan même, où toute gouvernance locale s’est « complètement effondrée », le raid n’aurait rien été d’autre qu’une nouvelle tentative ratée d’assassiner un homme qui se servait de moyens rudimentaires – par exemple un « chapeau de cow-boy » pour échapper aux drones – avec lesquels il avait réussi à survivre pendant près de neuf ans.

Le rapport de 337 pages est le résultat d’une enquête approfondie, mais censée rester secrète, réalisée par une commission mise en place par le gouvernement pakistanais après le raid américain. Ce rapport vise principalement à répondre à la question de savoir comment les forces américaines, un allié supposé du Pakistan, ont pu infiltrer l’espace aérien pakistanais, assassiner Ben Laden et trois ressortissants pakistanais, puis repartir en toute discrétion. La réponse avait peu à voir avec les soit-disant prouesses de l’armée étasunienne dont le comportement a été considérée par la Commission comme celui d’une « bande de voyous criminels ». Bien au contraire, la réponse se trouve dans la profonde incompétence des autorités pakistanaises, la page 87 du rapport parlant même de « syndrome d’implosion de la gouvernance ».

Commentant le rapport pour Al Jazeera, Asad Hashim a résumé ainsi les conclusions de la commission : « Oussama ben Laden, le chef d’Al-Qaïda, a réussi à échapper à toute détection au Pakistan pendant neuf ans en raison de ’l’échec collectif’ de l’armée et des services de renseignement au Pakistan, et en raison de l’incompétence ’de routine’ à tous les niveaux de la structure de gouvernance civile ».

Sans cette « échec collectif », il n’y aurait jamais eu ce pseudo-succès américain, du genre qui est repris dans des films à sensation générant des montants exubérants d’argent qui alimentent le mythe de l’infaillibilité de l’armée américaine.

Le moment où s’est produit la divulgation du rapport est assez intéressant. Il a été diffusé peu de temps après qu’Edward Snowden, un employé d’un contractant de la National Security Agency (NSA), a révélé des informations accablantes sur le comportement très secret et totalement illégal du gouvernement américain avec son programme de surveillance global. Des centaines de millions de personnes aux États-Unis et partout dans le monde ont été victimes du programme d’espionnage de la NSA, que ce soit par leurs enregistrements téléphoniques, ou par le biais du programme PRISM qui fournit à l’agence d’espionnage un accès direct aux données sur Internet utilisées par presque n’importe qui et n’importe où. C’est « un système de surveillance mondial, omniprésent qui a pour objectif la disparition de la notion même de vie privée dans le monde entier », a écrit Glenn Greenwald du Guardian.

Même les bureaux de l’Union Européenne ont été mis sur écoute par les États-Unis, selon les informations divulguées. Si les plus proches alliés de l’Amérique ont été mis sur écoute, alors personne n’est plus en sécurité. Le journal brésilien O Globo a révélé dans un article, basé sur les informations fournies par Snowden, que les USA avaient puisé dans les infrastructures de télécommunications du Brésil pour acquérir d’énormes volumes de communications et espionner les gouvernements de toute la région.

Alors que la fuite exposée par Al Jazeera se traduit en discussions dans les médias sur les propres échecs du Pakistan et sur son étrange alliance avec les États-Unis – qui continuent sans vergogne à violer la souveraineté du pays – les fuites de Snowden suscitent un vif débat à l’échelle planétaire sur les persistantes tentatives étasuniennes d’ingérence et de domination, en dépit des échecs répétés en Irak et en Afghanistan, et de l’affaiblissement du rôle autrefois incontesté en tant que superpuissance.

Alors que les médias étasuniens continuent d’obéir à la voix de leur maître en faisant tout ce qui est en leur pouvoir pour se concentrer sur les aspects les moins sensibles de l’affaire Snowden, les apologistes du gouvernement de Washington tentent d’amortir le choc. Jim Lewis, un ancien responsable du renseignement – maintenant au Centre d’études stratégiques et internationales à Washington – a voulu trouver une excuse, selon le Financial Times : « Les grandes puissances s’engagent tous dans l’espionnage. Cela inclut la Chine, la Russie et les États-Unis. Ce n’est pas la guerre, ce n’est pas une attaque, ce n’est pas l’utilisation de la force, ce n’est même pas de la coercition ».

Même si il y a un élément de vérité dans les propos de Lewis, l’ampleur de cet espionnage et de cette utilisation de l’information ne peut être niée. Lorsque les victimes sont des centaines de millions de personnes de tous les pays du monde, alors il est impossible de ne pas s’opposer à l’illégalité et l’ampleur de l’acte.

On voit que ce n’est pas sa pratique quotidienne d’espionner lorsque Cristina Fernández, présidente de l’Argentine, déclare : « Cela fait froid dans le dos quand nous apprenons qu’ils espionnaient tout le monde à travers leurs services de renseignement au Brésil. »

Pas même les plus paranoïaques d’entre nous n’auraient pu imaginer l’ampleur de la violation par le gouvernement étasunien des lois mêmes de la vie privée que lui-même a contribué à promouvoir et juré de protéger. Les révélations de Snowden ont exposé au grand jour les pratiques injustifiées de la NSA, mais quoi d’autre reste toujours caché ? Et quel est le but ultime du gouvernement américain quand il dispose des moyens d’espionner chaque citoyen et chaque gouvernement ?

Dans certaines parties du monde, le scandale sur l’espionnage étasunien a soulevé les questions ci-dessus et plus encore. « Les révélations ont relancé un débat qui avait été mis en veilleuse, sur les dangers d’un monde dominé par une superpuissance indigne de confiance, alors que la discussion faisait déjà rage sur le déclin américain », écrit Geoff Dyer depuis Washington.

Et le débat risque-t-il de s’écarter de ce déclin évident vers un autre terrain ? Difficilement, pas plus que le raid prétendument courageux qui a permis d’assassiner Ben Laden ne pourra contribuer au mythe hollywoodien de l’infaillibilité de l’armée américaine. La surveillance mondiale est simplement une indication que le président Barack Obama – comme représentant de la classe dirigeante étasunienne – n’a jamais été sincère lorsqu’il a tenté de séduire le monde avec l’image d’un gouvernement étasunien plus pacifique et ayant un peu de retenue. Le raid pour tuer Ben Laden, selon les conclusions de la commission pakistanaise, expose un triste état de choses qui a touché tous les aspects du gouvernement et de l’armée du Pakistan. Le rapport dévoile comment cet état de fait a été sournoisement exploité par les États-Unis pour mener à bien ses propres objectifs politiques, même au détriment d’un allié supposé. Il est difficile de croire que n’importe quel gouvernement puisse vraiment faire confiance à l’administration américaine après tout cela.

Ramzy Baroud

* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Fnac.com

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