RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
Washington se heurte aux résistances et aux nouvelles réalités

Les États-Unis mènent-ils une contre-offensive en Amérique latine ?

En mai 2013, le président Obama prévenait : « L’Amérique latine représente une opportunité incroyable pour les États-Unis. » Durant son premier mandat, les États-Unis, trop occupés en Irak, an Afghanistan, en Libye, relâchèrent un peu la pression sur une arrière-cour qui commençait à leur échapper. L’influence de Washington en Amérique latine a désormais reculé au point de susciter aujourd’hui une contre-offensive impérialiste multiforme. L’empire est désormais en difficulté et son hégémonie contestée comme jamais dans l’histoire ; il n’a pas renoncé pour autant à récupérer le terrain perdu dans une région où plusieurs gouvernements se réclament de politiques post-néolibérales, voire anticapitalistes.

Le cœur de cible de la contre-offensive nord-américaine demeure le Venezuela bolivarien, qu’il faut faire tomber par une stratégie à la chilienne, d’usure et de déstabilisation, de guerre économique, de coup d’État rampant. Cette stratégie, ajoutée aux freins que constituent la corruption, la bureaucratie, l’insécurité, marque des points, perturbe une économie encore trop dépendante de la rente pétrolière et des importations.

Le patronat, le secteur privé, la bourgeoisie parasitaire contrôlent encore environ 70 % de l’économie ; ils provoquent des pénuries de produits de base, des sabotages économiques, des hausses de prix injustifiées… Ils les attribuent ensuite sans vergogne et avec tout leur mépris de classe au président Maduro, ce «  vulgaire chauffeur de bus  », cet «  ouvrier incompétent  ».

Or, précisément, cet ouvrier très politique et compétent, devenu président, a pris le taureau par les cornes et gouverne collectivement, au plus près du peuple. Sa pratique révolutionnaire de gouvernement de rue, la construction d’un État communal, la mise en place de communes (sortes de gouvernements locaux) qui transfèrent le pouvoir aux citoyens et activent le processus de construction, par la voie démocratique, d’un socialisme du XXIe siècle. L’État a pris des mesures enfin concrètes pour faire face à l’inflation chronique, à la spéculation, à la corruption endémique, à l’insécurité (ancienne). Une nouvelle instance du pouvoir populaire, les comités de défense populaire de l’économie, implique les citoyens dans la riposte à la guerre économique par le contrôle ouvrier, l’autogestion…

Le chavisme, pluriel, et son énorme parti (encore fragile), le Psuv, surmontent peu à peu le traumatisme de la mort de Chavez (leader au charisme exceptionnel, à la haute stature politique). Ils sortent orphelins du deuil collectif, convalescents, mais renouvelés et conquérants. Les élections municipales du 8 décembre constitueront un test politique de la plus haute importance.

La stratégie états-unienne de reconquête passe également par la riposte à l’intégration continentale en marche, qui, de fait, traverse un moment difficile. Washington met en place une sorte d’étau, une immense zone de libre-échange, un grand marché de consommateurs : l’alliance du Pacifique, l’accord d’association trans-pacifique (TPP), un clone du projet transatlantique États-Unis - Union européenne. Cet ensemble – Chili, Mexique, Colombie, Pérou, Canada, Malaisie, Vietnam, Nouvelle-Zélande, etc. – vise à torpiller l’Alba, l’Unasur, la Celac, à soumettre la région à une nouvelle donne économique, politique et géostratégique très libérale. Le repositionnement impérialiste permettra en outre d’«  accorder la priorité aux bénéfices des multinationales  » (déclaration du président équatorien Correa, à Paris, le 8 novembre 2013).

Ce retour de Washington dans la région butte sur les nouveaux rapports de forces, sur un élan populaire émancipateur, toujours dynamique. Au Chili, Michelle Bachelet va être élue avec le soutien des communistes. Au Honduras – victime, en juin 2009, d’un coup d’État pro-américain contre le président progressiste Zelaya –, les manipulations après le vote du 24 novembre prouvent que Barack Obama, la droite hondurienne, les paramilitaires, les forces répressives, l’oligarchie veulent empêcher à tout prix la victoire de la candidate du nouveau parti Liberté et Refondation, qui était en tête dans les sondages et s’est proclamé vainqueur sur la base des premiers résultats sortis des urnes. Ce parti, fédérateur, se revendique courageusement du socialisme. Sa candidate, Xiomara Castro, est précisément l’épouse du président Zelaya, renversé par le coup d’État. Insupportable pour Washington, la CIA et le Pentagone ! Selon le régime illégitime en place, J.-O. Fernandez, richissime homme d’affaires, partisan du coup d’État, serait en tête. Le peuple hondurien ne l’entend pas de cette oreille.

Au Brésil, la présidente Dilma Rousseff fulmine contre l’espionnage électronique de la NSA dont elle a été victime, ainsi que la puissante compagnie pétrolière nationale Petrobras. Lors de l’Assemblée générale de l’ONU, le 16 octobre 2013, à la tribune, elle a accusé Washington de violer la souveraineté nationale des pays. Elle a même annulé, événement majeur, un voyage officiel à l’invitation du président Obama.

Le repositionnement des États-Unis en Amérique latine accentue les polarisations sociales, politiques ; il menace la stabilité d’un continent qui reste envié pour sa croissance, ses politiques de redistribution, d’inclusion sociale, de souveraineté nationale, son recul de la pauvreté, sa déconstruction des rapports de domination, la primauté du politique, la recherche de chemins post-capitalistes, l’ouverture de chantiers socialistes du XXIe siècle, d’utopies en actes. «  L’arrière-cour des États-Unis, répètent avec pertinence les militants latino-américains, c’est aujourd’hui vous, l’Europe. »

Jean Ortiz, universitaire.

URL de cet article 23885
  

Même Auteur
Vive le Che !
Jean ORTIZ
Comment expliquer en 2017 le prestige têtu de Che Guevarra, la fascination qu’il exerce encore et toujours ? Le nouvel ouvrage de Jean Ortiz propose une analyse et un point de vue fournis et argumentés, à contre-courant des poncifs et des contre-vérités qui ne manqueront pas de ressurgir en ce cinquantième anniversaire de son assassinat. Il est évident que se joue sur cette figure du combat anticapitaliste comme dans son legs au mouvement pour l’émancipation humaine, une bataille toujours aussi (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

L’illusion de la liberté se perpétuera tant qu’il sera rentable de maintenir l’illusion. À partir du moment où l’illusion deviendra trop coûteuse à maintenir, ils démonteront simplement le décor, ils écarteront les rideaux, ils déplaceront les tables et les chaises et vous verrez alors le mur de briques au fond de la salle.

Frank Zappa

L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.