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De l’USS Pueblo au Galaxy Leader

On a vu tout récemment à la télévision la capture d’un navire japonais (mais appartenant, en fait, à un homme d’affaires israélien), par des rebelles Houthis, combattant au Yémen contre l’Arabie saoudite. Cette attaque n’est pas loin de faire penser à une affaire du même genre, vieille de près de 56 ans. De quoi s’agit-il ? De la capture du navire-espion étasunien USS Pueblo, le 23 janvier 1968, par les Nord-Coréens, en mer du Japon. Pourquoi opérer ce rapprochement ?

1. Parce qu’il s’inscrit dans un contexte d’affrontement géopolitique mondial. En 1968, on était en pleine tension Est-Ouest : guerre du Vietnam, accrochages persistants entre les deux Corées, guérillas en Amérique latine (Che Guevara avait été assassiné à peine quatre mois auparavant en Bolivie), guérillas dans les colonies portugaises d’Afrique australe, et poursuite du conflit arabo-israélien (la guerre des Six Jours avait eu lieu sept mois auparavant). Il y avait, en gros, trois secteurs d’affrontements : un entre le monde capitaliste (essentiellement États-Unis et Otan) le monde socialiste mené par l’URSS), un des luttes de décolonisation, un du conflit arabo-israélien [vous noterez l’ordre dans lequel je place les adjectifs], un autre enfin de divers conflits inter-étatiques (comme entre l’Inde et la Chine, ou l’Inde et le Pakistan). Ces conflits pouvaient d’ailleurs se recouper en partie.

2. Parce qu’en 2023, on a, de nouveau, un affrontement géopolitique mondial. Les protagonistes ont muté mais il y a globalement des constantes à 56 ans d’intervalle. D’un côté, il y a toujours, en gros, les États-Unis, le Canada, l’Europe, Israël, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Israël, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan (ce que les médias mainstream appellent, avec arrogance, “ la communauté internationale ”, de la même façon qu’ils baptisent “ Amérique ” les seuls États-Unis, et qui représentent un petit 15 % de la population mondiale). De l’autre côté, il y a les 85 % restants, qui sont, au mieux, indifférents aux premiers, au pire antagonistes (à travers, par exemple, l’alliance des "BRICS +"), voire hostiles.

3. Parce que cette indifférence, cet antagonisme se sont déjà manifestés, depuis deux ans au travers du conflit ukrainien. Il n’y a, en effet, que les États-Unis et l’Europe qui, dans le conflit russo-ukrainien, se soient rangés du côté ukrainien ou aient décrété des sanctions contre la Russie. Les autres, soit ne se sont pas prononcés (ce qui signifie en fait "pas prononcés contre la Russie"), soit, s’ils ont condamné l’attaque russe du 24 février 2022, ont refusé d’appliquer les sanctions contre la Russie. Or, depuis le 7 octobre 2023, le partage est à peu près le même : les pays qui se sont prononcés pour Israël (ou, plus exactement, contre le Hamas) sont les mêmes que ceux qui s’étaient déjà prononcés pour l’Ukraine (ou, plus exactement, contre la Russie). C’est en cela que, comme en 1968, ces conflits se recoupent, comme se recoupaient parfois le conflit Est-Ouest et les guerres coloniales.

4. Parce que l’arraisonnement de l’USS Pueblo a eu lieu une semaine avant l’offensive du Têt qui, par sa soudaineté, son ampleur, sa brutalité (les maquisards du FLN tuèrent à Hué de 2 500 à 3 500 civils, considérés comme proches des cadres sud-vietnamiens et de leurs familles), rappelle de près l’opération “ Déluge d’al-Aqsa ” du Hamas, également soudaine, également ample (franchissement en plusieurs points de la frontière, pluie de roquettes), également meurtrière et impitoyable (massacres de civils dans des kibboutz et dans une rave-party).

5. Parce que, en 1968 comme en 2023, les affrontements ne se limitent pas aux seuls lieux attaqués : les Étasuniens, tout en affrontant le FLN sud-vietnamien dans la centaine de localités attaquées, continuent à bombarder le Nord-Vietnam, tout comme les Israéliens, tout en bombardant Gaza, pilonnent les positions du Hezbollah au Sud-Liban et attaquent (via l’armée ou les colons), les Palestiniens de Cisjordanie en prenant leur terres, en détruisant leurs maisons et en s’en prenant physiquement à eux (218 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre). Et la guerre s’étend même à la Syrie et à l’Irak (où les EU ont bombardé des positions de groupes pro-iraniens). Et il y a eu, évidemment, l’arraisonnement de ce navire en mer Rouge, rappelant l’arraisonnement du Pueblo.

6. Parce que la concentration des bombardements sur tous les points investis par le FLN sud-vietnamien (et en particulier sur la citadelle de Hué, où les soldats du FLN s’étaient retranchés) ne peut que faire penser aux bombardements et pilonnages israéliens sur la bande de Gaza (mêmes zones densément peuplées et bâties, où les défenseurs ont de multiples endroits où se mettre à couvert) et à résister à l’armée régulière. Et aussi même disproportion des pertes.

7. Parce que la présente guerre de Gaza, comme la guerre du Vietnam, ont donné lieu dans les deux pays “ représentant l’Occident ” [je n’ai pas trouvé d’autre expression pour les regrouper synthétiquement à un demi-siècle d’intervalle] à des manifestations. Certes, il ne s’agit pas des mêmes manifestations – qui avaient, et ont des objectifs différents. Aux États-Unis, en 1968, les manifestations avaient pour but la cessation de la guerre et la fin du soutien au régime sud-vietnamien. En Israël, les manifestations ont pour objectif la sauvegarde des otages faits prisonniers par le Hamas. Néanmoins, les manifestations israéliennes servent objectivement le Hamas : pendant la trêve, il pourra se réorganiser. En outre, il obtiendra la libération de prisonniers palestiniens, ce qui lui vaudra certainement de la popularité et du prestige auprès des opinions non seulement arabes mais aussi, plus largement, musulmanes. De même que les manifestations aux États-Unis, avant, pendant et après 1968 ont servi objectivement le FLN sud-vietnamien et le Nord-Vietnam en déconsidérant l’engagement étasunien et en minant le moral des gouvernants et des militaires.

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La Chine sans œillères
Journaliste, écrivain, professeur d’université, médecin, essayiste, économiste, énarque, chercheur en philosophie, membre du CNRS, ancien ambassadeur, collaborateur de l’ONU, ex-responsable du département international de la CGT, ancien référent littéraire d’ATTAC, directeur adjoint d’un Institut de recherche sur le développement mondial, attaché à un ministère des Affaires étrangères, animateur d’une émission de radio, animateur d’une chaîne de télévision, ils sont dix-sept intellectuels, qui nous parlent (...)
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