La demande palestinienne d’un statut d’observateur non membre de l’ONU sera certainement couronnée de succès. Les deux-tiers de voix nécessaires pour gagner le vote d’aujourd’hui à l’Assemblée Générale de l’ONU sont déjà acquis.
Les pays du BRICS, la Ligue Arabe, le mouvement des pays non alignés et d’une manière assez surprenante une grand partie des états européens ont promis de soutenir la demande. "Nous avons perdu l’Europe" : cette déclaration israélienne dit tout. Le fait est que les écluses sont ouvertes et que Washington et Tel Aviv sont très isolés.
La question qui surgit de ce tsunami de soutien est la suivante : qu’est-ce que cela signifie pour la Palestine ? Il est certain que les Palestiniens enregistrent ici une immense victoire. Mais c’est bien plus que cela. Ils peuvent désormais prendre part aux débats de l’Assemblée Générale de l’ONU et ont une tribune pour faire connaître leur poignante histoire.
Deuxièmement, il leur sera plus facile de contacter les agences de l’ONU, ce qui permettra à la Palestine d’obtenir toutes sortes d’aides de l’organisation mondiale. C’est une fissure de plus dans le cercueil du blocage inhumain qu’Israël impose à Gaza.
Par ailleurs, l’acceptation par l’ONU de la Palestine même comme un observateur non membre implique une large reconnaissances des frontières antérieures à 1967 étant donné que l’ONU est après tout l’organisme international suprême qui est la source de l’autorité sur le droit international.
Mais, ce qui terrifie le plus les Israéliens, c’est que les Palestiniens puissent devenir membres de la Cour Criminelle Internationale [CCI], ce qui, s’ils y parviennent, signifierait que les Israéliens pourraient avoir à rendre des comptes sur leurs épouvantables crimes de guerres contre les Palestiniens.
Cela pourrait avoir de graves conséquences pour Israël et ses leaders politiques et militaires.
Plus important encore, cela mettra fin à l’impunité dont a joui jusqu’à maintenant Israël pour déployer sa puissance militaire contre les citoyens sans défense de Palestine, ce qui signifie que Tel Aviv sera obligé d’y réfléchir à deux fois avant de commettre des actions qui pourraient ensuite être qualifiées de crimes de guerre.
En résumé, la supériorité militaire israélienne va devenir encore plus inutile. Une grande pression a naturellement été exercée par l’Occident sur le président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas pour qu’il s’engage à ne pas devenir membre de la CCI. Il est probable qu’il ne le fasse pas, du moins pas tout de suite, mais il a cependant refusé de le promettre.
Abbas a touché récemment le fond de sa carrière politique controversée de sbire de l’Occident quand son rôle s’est réduit à celui de spectateur du combat du Hamas contre l’armée israélienne dont ce dernier est sorti grandi comme jamais auparavant aux yeux des Palestiniens. Abbas est à nouveau au centre de la scène avec son action auprès de l’AG de l’ONU mais comme tous les groupes palestiniens y compris le Hamas et le Jihad Islamique ont soutenu sa demande à l’ONU, il en a perdu le monopole en termes politiques.
Comment Israël et les Etats-Unis vont-ils réagir ? Israël a menacé les Palestiniens de sérieuses représailles. Mais les Israéliens sont des gens pragmatiques et ils se sont rendu compte maintenant que la demande palestinienne suivait un cours inexorable et que rien ne pourrait l’endiguer.
Leur discours est en train de changer ; ils disent maintenant qu’ils attendent de voir ce que les Palestiniens vont faire de leur nouveau statut à l’ONU. Ils ont cessé de les menacer de sanctions et d’abroger les Accords d’Oslo.
Ce qui se passe dans la tête de Barack Obama est beaucoup plus difficile à dire. Il est clair que l’administration Obama ne peut pas se permettre d’avoir l’air de faiblir dans son soutien à Israël au moment où les Palestiniens montent sur le podium de l’ONU. Mais que peuvent-ils faire de plus ?
Le fait que les Européens se soient désolidarisé d’eux et ait voté en faveur de la cause palestinienne montre que les Etats-Unis sont très isolés. De fait l’image des Etats-Unis au Moyen Orient s’en trouve encore dégradée.
La grande question est de savoir si l’administration Obama saura profiter ce moment de défaite et de désespoir pour faire pression sur Israël et le forcer à revenir à la table des négociations avec les Palestiniens. Pour être honnête, c’est peu probable.
Par ailleurs la réalité du terrain ne peut pas être plus longtemps ignorée, je veux dire que les Etats-Unis doivent repenser complètement leur stratégie au Moyen Orient. La région a changé du tout au tout et les Etats-Unis ne peuvent pas rester accrochés au vieux paradigme.
Le Hamas qui est le fer de lance de la cause Palestinienne aujourd’hui continue de souligner que la résistance est la seule manière d’avancer. Le premier ministre palestiniens Ismail Haniyeh l’a encore répété dans un interview cette semaine. Mais est-ce son dernier mot ? Et, là aussi, qu’est ce que les Etats-Unis ont à offrir ?
La semaine qui vient va mettre en lumière les luttes de pouvoir à Gaza. Le président du politburo du Hamas, Khaled Meshaal, doit se rendre pour la première fois à Gaza mercredi, à l’occasion du 25ième anniversaire du Hamas.
Il faut noter que le premier ministre turc Recep Erdogan se rend aussi à Gaza mercredi. Il s’agit donc d’une tentative déterminée de la part de la Turquie ( et de Meshaal) de combattre l’influence de l’Iran sur le Hamas. Le Qatar se tient prêt dans les coulisses à financer les efforts turcs. Les Etats-Unis attendent de voir ce qui en résultera.
On peut compter sur l’Iran pour faire, de son côté, tout son possible pour contrecarrer les ambitions régionales de la Turquie (et du Qatar). Comme un commentateur régional perspicace l’a fait remarquer, l’Iran jouit d’un prestige inégalé chez les groupes de résistants du Liban et de Gaza et si Erdogan pousse le bouchon plus loin, il se peut qu’il se rendre compte que le Hamas que lui et l’Emir du Qatar espèrent contrôler n’est pas le Hamas qui contrôle Gaza.
M K Bhadrakumar
Pour consulter l’original : http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/
Traduction : Dominique Muselet.
Comment ont voté les pays ?
Ont voté pour : Angola, Antigua et Barbuda, Argentine, Armenie, Azerbaïjan, Bahrein, Belarus, Belgique, Belize, Bengladesh, Bénin, Bolivie, Botswana, Bouhtan, Brésil, Brunei Darussalam, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Cap Vert, Chili, Chine, Comores, Congo, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Cuba, Djibouti, Ecuador, Espagne, Ethiopie, Finlande, France, Gabon, Gambie, Georgie, Ghana, Grèce, Grenade, Guinée, Guinée-Bissau, Guyane, Honduras, Inde, Indonésie, Irak, Iran, Irlande, Islande, Italie, Jamaïque, Japon, Jordanie, Kazakhstan, Kenya, Koweït, Kyrgyzstan, Lesotho, Libye, Liechtenstein, Luxembourg, Malaisie, Maldives, Mali, Mauritanie, Mexique, Mozambique, Namibie, Népal, Nicaragua, Niger, Nigeria, Oman, Ouganda, Ouzbekistan, Pakistan, Pérou, Philippines, Portugal, Qatar, Saint Kitts and Nevis, Saint Lucie, Saint Vincent et les Grenadines, Salvador, Sao Tome, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Sri Lanka, Surinam, Swaziland, Syrie, Tajikistan, Thailande, Timor oriental, Trinidad et Tobago, Tunisie, Turkmenistan, Turquie, Tuvalu, Uruguay, Vénézuela, Vietnam, Yemen, Zambia, Zimbabwe, Afghanistan, Afrique du sud, Algérie, Arabie Saoudite, Autriche, Birmanie, Chypres, Corée du Nord, Danemark, Dominique, Emirats Arabes Unis, Equateur, Erythrée, Ile Maurice, Iles Salomon, Laos, Liban, Malte, Maroc, Norvège, Nouvelle Zélande, République centarfricaine, République dominicaine, Russie, Serbie, Sud Soudan, Suède, Suisse, Tanzanie, Tchad.
Ont voté contre : Canada, Etats-Unis, République Tchèque, Israël, Iles Marshall, Micronésie, Nauru, Palau, Panama.
Se sont abstenus : Albanie, Andorre, Australie, Bahamas, Barbade, Bosnie, Bulgarie, Cameroun, Colombie, Croatie, République démocratique du Congo, Estonie, Fidji, Allemagne, Guatemala, Haïti, Hongrie, Lettonie, Lithuanie, Malawi, Monaco, Mongolie, Monténégro, Pays-Bas, Papouasie Nouvelle Guinée, Paraguay, Pologne, Corée du Sud, Moldavie, Roumanie, Rwanda, Samoa, Saint Marin, Singapour, Slovaquie, Slovénie, Macédoine, Togo, Tonga, Royaume-Uni, Vanuatu.