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Le communiqué du Washington Post sur Gaza : répugnant et malhonnête

Le récit du bombardement de quatre enfants sur la plage de Gaza qu’en fait William Booth dans le Washington Post a quelque chose de profondément répugnant, à la limite de la falsification.

L’introduction de cet article, qui prétend présenter la situation, n’est, en fait, qu’une manière de détourner les critiques sur Israël et d’incriminer les victimes.

Ainsi, l’auteur écrit : "il n’est pas rare que les militants lancent des roquettes depuis des endroits proches de mon hôtel"

Ce qui laisse entendre que des roquettes ont déjà été lancées depuis le lieu où les enfants ont été tués.

Voici un compte-rendu de Peter Beaumont, correspondant chevronné pour le Guardian/Observer :

Le bâtiment qui a été touché était un simple container situé près de l’endroit où le père d’un des enfants entrepose son bateau et ses filets de pêche, et où les enfants jouaient à cache-cache.

S’ils tirent des missiles (contre Israël) depuis ce quartier, ils n’en ont jamais lancé depuis cet endroit-là.

Et donc, en quoi l’introduction de Booth est-elle un tant soit peu utile à l’histoire ?
Oui, des militants ont lancé des roquettes depuis ce quartier (d’ailleurs, de quel endroit autre que des "quartiers" sont-ils susceptibles de lancer des roquettes dans un des lieux les plus densément peuplés de la planète ?)

Mais, comme le signale Beaumont, il n’y a jamais eu de tirs de roquettes depuis l’endroit qui a été bombardé par Israël.

Israël prétend utiliser des missiles de précision. Donc, il s’agissait bien de la volonté de viser cette zone, un espace dégagé où les enfants viennent souvent jouer.

Si Booth pense que des roquettes tirées depuis ce quartier justifient d’une façon quelconque qu’Israël lance des missiles sur des enfants (et si ce n’est pas le cas, pourquoi en parler ?), alors, pourquoi diable séjourne-t-il à l’hôtel al-Deira, qui serait, ainsi, tout aussi susceptible d’être touché que la plage où jouent des enfants ?

Un enfant blessé est transporté jusqu’à l’hôtel al-Deira

Ce qu’il choisit de rapporter laisse également une sensation de malaise dans ce paragraphe où il raconte que des enfants blessés ont été transportés jusqu’à l’hôtel :

Deux jeunes enfants terrorisés et couverts de sang étaient soignés rapidement sur le sol de la terrasse, où, d’habitude, les clients de l’hôtel mangent des brochettes de poulet, fument le narguilé et contemplent le coucher de soleil.

Cette allusion sans intérêt au poulet et au narguilé est ajoutée au récit pour lui donner de la couleur. C’est une technique journalistique couramment utilisée quand il ne se passe rien de nouveau et qu’on veut créer une ambiance pour attirer l’attention du lecteur.

Mais, dans ce cas précis, c’était parfaitement inutile. C’est la relation des faits (ces enfants ensanglantés et les cadavres d’autres enfants tout près de là) qui intéresse ici le lecteur, tout journaliste débutant sait cela

Et, donc, quand je vois que Booth interrompt son récit pour décrire la façon dont les clients passent leurs soirées, cela me donne le sentiment, en tant que journaliste et en tant que lecteur, que son esprit ne s’intéresse pas vraiment aux événements en cours.

J’aimerais croire que c’est sa façon à lui de réagir à l’horreur des événements dont il a été le témoin. Mais, à mon avis, il s’agit d’autre chose ici, qui est révélateur de ce que recouvre le journalisme.

La plupart du temps, nous n’écrivons pas pour nous, ni pour les lecteurs, mais pour nos rédacteurs en chef – en résumé, pour ne pas perdre notre emploi.

Dans ce contexte, Booth aurait pu ne pas penser à sa carrière et se laisser aller à la compassion. C’est cela, bien que ce soit rare en journalisme, qui s’imposait en la circonstance : voir, vraiment voir, les petits garçons terrorisés et désespérés qui étaient devant lui.

Au lieu de cela, tout ce qui lui est venu à l’esprit, c’est une technique de journaliste et ce que ses rédacteurs en chef attendaient de lui.

Jonathan Cook

Jonathan Cook a reçu le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Ses deux derniers ouvrages sont "Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the plan to remake the Middle East" et "Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair".

Son site.

Traduction Leo Lerouge

C’était la rubrique : la liberté de la presse s’arrête où commence le devoir d’informer

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